L’exception française

De Pierre Mendès-France on évoquait volontiers « le clair bon sens, la tranquille obstination, la parfaite loyauté » ! On n’eût pas mieux affirmé d’Emmanuel Macron le soir du premier tour, y ajoutant la compétence économique, l’habileté diplomatique et l’espoir que beaucoup mettent en luii…Prévu le dimanche 24 avril prochain, le deuxième tour de l’élection présidentielle française opposera donc le président sortant Emmanuel Macron et Marine Le Pen, présidente du Rassemblement nation (RN).

Le scrutin clôturera en effet une campagne dont beaucoup, à tort ou à raison, estiment qu’elle aura été terne et peu enthousiasmante. A preuve le chiffre des abstentions qui s’élève à près de 28% , comme aussi l’inexistence d’un débat entre les candidats qui aura cruellement fait défaut, voire entaché un principe essentiel à la démocratie. On se console, en revanche, que pour la première fois nous assistons à un renversement inattendu des lignes qui ont plus que bougé. Non qu’il faille y voir une profonde lame de fond – comme d’aucuns s’y mettent d’ores et déjà – en prévoyant un ras de marée  de Marine Le Pen, mais une courte victoire, à l’arrachée même, constituerait un véritable séisme à la fois pour la France et l’Europe.

La prudence étant mère de tous les comportements, force nous est à présent de nous en tenir à ce spectacle d’un duel qui prend toutes les formes et nous tient en haleine.

Au soir même de la proclamation des résultats du premier tour, tel un supplément d’âme, un sondage est venu conforter l’arrivée en tête d’Emmanuel Macron : il lui a accordait 54% des intentions de vote contre 46% pour Marine Le Pen au second tour. On pouvait imaginer que les partisans du président sortant se réjouissaient d’une telle hypothèse, qui demeure en effet une hypothèse d’école. Et si le camp adverse de la candidate du RN ne se laisse pas démolir par la douche froide des sondages – qui ne sont encore que des sondages – , ils n’en demeurent pas moins alertés voire inquiets. Ce ne sont certes pas les pronostics de 2017, très favorables au candidat LREM ( La République en marche), qui à terme avaient consacré la victoire de ce dernier avec plus de 66% de voix contre 33% pour son adversaire, mais l’écart devrait donc être réduit au fur et à mesure.

Marine Le Pen redoublera donc logiquement de vigilance pour rattraper d’ici le 24 avril le retard par rapport à son challenger et corriger ce postulat selon lequel le « vote utile » lui a été favorable, au dépens à la fois d’Eric Zemmour, candidat malheureux transformé avec ses 7% en boursouflure et Jean-Luc Mélenchon trahi par les marginaux de la gauche qui a réussi une exemplaire remontada en si peu de temps. Il est une leçon qu’il convient de retenir dans cette campagne électorale si décriée , sans âme, incolore et inodore, c’est celle des erreurs commises par les sondages.  D’abord celle de la participation , plus importante que ce qui a été prévu, ensuite celle des résultats pour certains candidats qui sont passés d’un ordre à son contraire, je veux dire une inversion ahurissante des voix, dans un sens ou dans l’autre. Le leader de la France insoumise aura été celui qui a souffert de cette distorsion – menée tambour battant par les sondages – et qui pourtant est arrivé troisième sur la liste, concédant l’avancée sur un fil du rasoir à la présidente de l’extrême- droite. Son score aura montré la vanité des spéculateurs des instituts de sondage.

A contrario, d’autres qui étaient crédités de chiffres élevés, notamment Valérie Pécresse, sont tombés dans la trappe, renvoyés aux calendes grecques et pour la candidate des Républicains cela équivaut à l’agonie de son parti, celui fondé par Jacques Chirac et au-delà par de Gaulle ! Riche de ses dettes, de ses doutes aussi comme disait Albert Camus…

Un 2ème tour serré ? C’est un euphémisme, le langage y cédant à de nouvelles rhétoriques qui sont une traduction quasi verticale des métamorphoses des candidats. Contrairement à Marine Le Pen, le président sortant n’a pas dévié de sa ligne d’attaque, hormis cette petite entorse sur la retraite, défendue au départ à 65 ans, mais soumise par lui entre les deux tours à débat. Autrement dit, l’âge pourrait reculer à 62 ans… Mme Le Pen, se sent une vocation de rédemptrice,  qui s’installe déjà sur la « chaise longue » et,  menace d’une défaite oblige, semble atteinte par le syndrome de l’oubli et gagnée par la fièvre du renoncement. Elle a axé sa campagne sur le pouvoir d’achat des Français, trempant ses armes dans le populisme, mettant une sourdine sur son cheval de bataille traditionnel de l’immigration qu’elle a légué à un escogriffe ectoplasmique dénommé, Eric Zemmour. Mme Le Pen, par un retournement digne d’une girouette, se dit partisane de l’Union européenne qu’elle méprise toujours malgré ses revirements, elle est contre l’Euro, contre l’OTAN, elle est plus que redevable à Vladimir Poutine dont, comme la fameuse tunique de Nessus, elle s’efforce de se débarrasser, en vain.

Le peuple français tranchera dimanche 24 avril, lors d’un moment exaltant mais inquiétant en tout état de cause. Nous vivons, à coup sûr, un moment d’interrogations voire d’angoisse. Parce que la France ne nous est pas indifférente, ni loin de nos cœurs. Elle ne l’a jamais été.  Elle a le cuir épais et ne cédera pas, du moins cette fois-ci, à la tentation d’une aventure qui mettrait en péril sa démocratie, ses lumières et ses libertés. C’est peu dire, et les dirigeants européens et occidentaux en général en font leur profession de foi, que le choix devrait porter impérativement sur le candidat Emmanuel Macron, rassembleur, populaire et antipopuliste, en d’autres termes loin de la démagogie meurtrière contre laquelle , du général de Gaulle jusqu’à François Hollande en passant par Georges Pompidou, Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy…ont ardemment combattu.

Raison garder ! Un tel apophtegme a servi de fil conducteur à cette Vème République fondée par de Gaulle en 1958 sur les ruines d’une quatrième que le gaullisme avait enterrée. Tout un chacun, sans ciller, reconnaît cette continuité et cette stabilité institutionnelle , certes, mais pour un peu qu’il ait conscience des enjeux fondamentaux, reconnaît aussi les changements qu’Emmanuel Macron a opérés et le souffle inédit qu’il donne à la France. Une France qui refuse la clôture sur elle-même , une France universelle. Goya disait que « le sommeil de la Raison engendre des monstres » ! Nous sommes à présent à un choix cornélien, certes, mais à une nette opposition entre la clarté et l’obscurité, entre le rebond ou l’enlisement, le succès ou la faillite, en somme Macron ou l’aventure…

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