L’industrie de la publicité : interrogations sur un marché en cru

Mouhamet Ndiongue

Le marché de la publicité a connu ses années glorieuses avant l’avènement de la pandémie. Comme les secteurs économiques, la pandémie du Covid-19 a donné un véritable coup de frein à l’industrie de la publicité. Cependant, la crise est venue exacerber une tension pendante depuis quelque temps et qui consistait à l’équilibre de la publicité dans les différents supports médiatiques, mais surtout révéler la force que constituent aujourd’hui les médias digitaux notamment les GAFAM, qui à petit feu consument les médias traditionnels. Ainsi, se demande-t-on, y a-t-il moyen de survivre face à l’invasion du numérique ? 

Jusqu’en 2020, lorsque le coronavirus a causé la faillite de nombreuses industries, les dépenses publicitaires dans le monde n’ont cessé d’augmenter. Heureusement, le marché a connu une croissance saine en 2021 et devrait continuer sur sa lancée et dépasser le billion de dollars américains en 2026. L’Amérique du Nord est la région qui investit le plus dans la publicité, cependant, l’Asie-Pacifique est sur ses talons depuis un certain temps et l’Europe occidentale ferme le top trois. Le Moyen-Orient et l’Afrique ainsi que l’Europe centrale et orientale dépensent moins, cependant, ils peuvent se vanter de la croissance la plus élevée. La société américaine de biens de consommation Procter & Gamble était le plus grand annonceur au monde en 2020, ayant dépensé plus de huit milliards de dollars américains en publicité. Parmi les autres grands annonceurs figurent le néerlando-britannique Unilever, le français L’Oréal et l’américain Amazon respectivement deuxième, troisième et quatrième du classement.

La crise du Covid a détruit l’économie marocaine en 2020. En octobre, le FMI prévoyait une baisse du PIB réel de -7% en année pleine, une révision substantielle à la baisse paravril (-3,7%). Les restrictions ont été progressivement assouplies au cours de l’été, bien qu’une reprise des infections à l’automne ait conduit le gouvernement à rétablir certaines mesures. L’espace aérien et les frontières maritimes sont fermés et huit villes, dont les destinations touristiques comme Marrakech et Casablanca, ont interdit aux gens d’entrer ou de sortir. Malgré ces restrictions, le nombre de cas quotidiens a continué d’augmenter régulièrement d’août à novembre. À la mi-novembre, le pays comptait 332 000 cas confirmés.

Dans cet environnement économique, la plupart des secteurs verticaux de l’industrie réduisent les dépenses de marketing et la publicité marocaine du marché est tombée à 4,7 milliards de dirhams (490 $ millions) en 2020, soit une baisse de -12% vs 2019. Les formats linéaires ont connu les baisses les plus importantes, -18% en total, notamment cinéma (-25%), hors domicile (-25%), et imprimés (-17%). Les ventes d’annonces télévisées ont également connu des baisses importantes, chutant de -15 % à 120 millions de dollars, 25% des ventes publicitaires totales. Les revenus numériques d’autre part, ont  connu une hausse relativement forte de +11%, d’une base basse. Les revenus publicitaires numériques totaux ont atteint 126 $ millions en 2020, soit un peu plus du quart de la publicité totale des ventes, soutenues par une forte hausse de la vidéo (+28%) et médias sociaux (+16%).

Dans ce scénario, la croissance de la publicité numérique va accélérer (+18%), tirée par les formats vidéo (+32%), formats de médias sociaux (+22%) et recherche (+10%).

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Pour les prévisions publicitaires mondiales en décembre 2020, atlas.magnaglobal estime que les revenus de la télévision rebondiront de +5%. Dans l’ensemble, les revenus des médias rebondiraient de +4,5%, passant à 3,7 milliards de dirhams, tandis que les revenus numériques ont atteint 1,4 milliard de dirhams.

Nombre d’utilisateurs actifs des médias sociaux au Maroc 2017-2021

En janvier 2021, le Maroc comptait environ 22 millions d’utilisateurs des médias sociaux. Il s’agit d’une augmentation par rapport aux 18 millions de l’année précédente. La même année, il y avait un nombre estimé de plus de 17 millions d’utilisateurs de Facebook. Mais cela n’a pas dépassé le nombre d’utilisateurs de WhatsApp, qui a atteint 73,7 % de tous les internautes du pays. Au fil des ans, la plupart des plateformes des médias sociaux au Maroc ont suivi une tendance à la hausse en termes d’utilisation.

Expansion de l’utilisation d’Internet

En janvier 2021, les utilisateurs d’Internet au Maroc ont atteint un total de 27,62 millions. Cela représentait un taux de pénétration de 74,4 %. En outre, on estime qu’environ 81,5 % des ménages du pays ont accès à internet. La vitesse moyenne de connexion Internet au Maroc devrait atteindre 14,65 Mbits/s en 2021. Ce serait une augmentation considérable par rapport à 9,41 Mbits/s en 2019.

Connexions mobiles et abonnements

En 2021, il y avait plus de 43 millions de connexions mobiles au Maroc, dont la plupart étaient des connexions prépayées. Près de 90 pour cent des répondants marocains à une enquête ont indiqué qu’ils utilisaient régulièrement des smartphones pour accéder à Internet. De même, en 2019, 127,95 abonnements cellulaires mobiles ont été enregistrés pour 100 habitants, ce qui indique une tendance à la hausse des abonnements mobiles.

Taxer les GAFAM pour sauver la presse

L’accélération fulgurante du processus des mutations structurelles du monde offre à certains secteurs comme la presse, une importance bien particulière. Le secteur de la presse à travers les outils qui l’accompagnent a le génie d’impacter une culture, une société, un peuple. Il accompagne son évolution, peint ses mutations et subit même parfois ces dérives. Le Covid aura été suffisant pour comprendre comment la presse occupe une importance capitale dans le monde actuel dicté par les technologies de l’information et de communication. Etant un excellent relais de l’information Covid, la presse a aussi subi les retombées économiques de la pandémie. Mais s’il y a bien un secteur qui ne devrait pas connaître une difficulté financière, c’est bien la presse, et ce pour deux raisons.

Au Maroc, la presse dont l’importance est souvent négligée cherche tout de même à réhabiliter son image, et à redorer son blason.  Caractérisée par un marché désorganisé et biaisé, la presse marocaine doit faire face aux défis de la transformation numérique et des GAFAM . C’est pour cela qu’il faut un cadre fiscal spécifique à la presse pour lutter contre ces aléas liés à l’évolution du numérique bouleversant complètement le métier. Et fort heureusement que cela est bien compris par les autorités actuelles. En effet, lors d’une rencontre en janvier 2022 entre le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication et les acteurs de la presse, le ministre a déclaré qu’il était temps «d’adopter un nouveau régime fiscal pour l’entreprise de presse qui ne réalise pas de profits importants en dépit des services qu’elle fournit aux citoyens». Néanmoins, les différentes politiques prises doivent être traduites concrètement dans les faits. Place aux actes maintenant.

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