Mali : l’UA garde le silence pour ne pas déroger à sa ligne

Par Mouhamet NDIONGUE


La crise malienne a démontré l’appétit avide des grandes puissances pour leur repositionnement stratégique. Presque tous les acteurs sont présents ou représentés, car l’avenir se joue en ce moment. Seule une organisation a souhaité ne pas prendre part à ce rendez-vous, cette « guerre géostratégique », l’UA, qui vu la position du Mali, notamment faisant partie du pays des trois frontières, devait à elle seule régler définitivement la crise. Mais, encore une fois, elle a fait le choix de garder le silence
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Lorsque les chefs d’État africains se sont réunis, en février 2020, pour le sommet annuel de l’Union africaine, le Covid-19 n’avait pas encore déclenché le chaos mondial. Avec le président sud-africain Cyril Ramaphosa à sa tête, l’organisation se concentrait toujours sur « Faire taire les armes ». Mais un mois plus tard, à l’UA les priorités changent radicalement, la lutte contre la pandémie se classant en tête de l’ordre du jour.
Le Covid-19 et ses retombées occupent toujours le devant de la scène. Cependant, l’UA doit s’assurer que sa promesse de mettre fin aux guerres d’ici 2030 – une prolongation de la durée de l’objectif d’une décennie – ne sera pas oubliée sous le prochain président Macky Sall.

La présidence Sall est en effet l’occasion de recentrer les efforts sur un certain nombre de crises urgentes. En outre, l’UA devrait également commencer à jouer un rôle plus important dans l’atténuation des crises politiques qui font désormais office, surtout en Afrique de l’ouest.
Au cours de ce qui a été, à bien des égards, une année sans précédent pour l’UA, l’organe continental s’est félicité pour le rôle central qu’il a joué dans la coordination des efforts africains contre l’impact sanitaire et économique de la pandémie. Mais cette focalisation logique sur le Covid-19, qui a pesé lourdement sur le financement de l’organisation, s’est faite au détriment de certains conflits des plus pressants du continent, qui nécessitent plus que jamais l’attention de l’UA.
enfin au vu de la violence qui sévit au Sahel, une refonte urgente est nécessaire pour stabiliser une région où les groupes djihadistes retranchent leur emprise sur de vastes territoires, au milieu d’une explosion de violence intercommunautaire entre Peulhs, Dogons et autres groupes ethniques de la région. L’UA a annoncé, le 27 février dernier, son intention de déployer 3.000 soldats dans le Sahel, qui regorge déjà de forces militaires internationales n’ayant jusqu’à présent pas réussi à créer une paix durable.
Cette lenteur voire inertie de l’UA a conduit à une exacerbation de la tension entre l’armée malienne et les terroristes pour devenir une crise politique interne au Mali avant de virer totalement à une crise diplomatique générale avec plusieurs acteurs dont le  Mali, la CEDEAO, La France, L’UE, l’ONU, la Russie et son Wagner sans compter les acteurs indirects qui sont la Chine, l’Algérie, l’Iran, la Guinée et Wagner…

L’UA cantonnée dans sa torpeur

Lors de la 1001ème réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA), tenue le 1er juin 2021, sur la situation au Mali, l’organisation africaine avait décidé, en conséquence, conformément aux instruments normatifs de l’UA, de suspendre immédiatement le Mali de toutes les activités de l’organisation, de ses organes et institutions, jusqu’à ce que l’ordre constitutionnel normal soit rétabli dans le pays.
Depuis cette décision, l’UA est silencieuse sur tout ce qui concerne le Mali. Pourtant, lors de ce sommet, il a été demandé au Président de la Commission de l’UA, par l’intermédiaire de son Représentant spécial et Chef de la Mission de l’UA au Mali et au Sahel (MISAHEL), de continuer à coordonner étroitement avec l’Envoyé spécial et Médiateur de la CEDEAO au Mali, Goodluck Jonathan, ancien Président du Nigéria. Il lui a également été demandé de suivre de près la situation au Mali.
Ceci étant, soit le travail de monitoring n’a pas été fait par le Chef de la MISAHEL, soit les instances de l’UA refusent de prendre leur responsabilité. Cette dernière hypothèse n’est pas nouvelle. Car, depuis le temps de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine), l’organisation africaine n’a jamais pris ses responsabilités face à d’innombrables crises qui ont eu cours en Afrique. Et pourtant, le continent regorge de diplomates de talent qui officient avec brio sous les ordres des missions onusiennes. Sur le plan militaire et pour des missions de maintien de la paix, le continent n’est pas mal loti aussi. Cependant, les tensions politiques entre plusieurs pays frontaliers, ou d’autres formes de crises empêchent l’UA de mener à bien ses missions.
Pour cette crise malienne, qui est devenue une vraie crise géostratégique presque mondiale, le silence assourdissant de l’UA inquiète sur ses capacités à être une organisation capable de prendre en charge les problématiques africaines.

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