Maroc-Algérie : On ne mélange pas…

Par Abdessamad MOUHIEDDINE*

Les vieilles nations et les vieux États ne sont pas légion dans le monde. À travers notre planète, quel historien, quelle chancellerie, quelle officine de renseignements, quel think-tank, quel centre de recherches, quel intellectuel… peuvent-il dénier à la nation et à l’État marocains leur long et profond enracinement historique sans risquer la risée universelle ? L’ex-« Empire chérifien », relooké en Royaume au lendemain de sa libération du joug protectoral, est la plus ancienne monarchie du monde arabe et l’un des cinq plus vieux États du monde. Est-ce le cas des primo-États qui persistent à s’opposer au parachèvement par le Royaume du Maroc de son intégrité territoriale ? Chronique d’un ancrage bel et bien…chronique dans l’Histoire universelle.

Commençons par le commencement en fixant le sens de l’État tel qu’entendu par la Communauté des constitutionnalistes et des publicistes. Au début du siècle dernier, Carré de Malberg définit l’État comme « une communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte, pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres, une puissance suprême d’action, de commandement et de coercition ». Il s’agit donc d’un mode d’organisation sociale territorialement défini assis sur un ensemble d’institutions caractérisées par la détention du monopole de l’édiction de la règle de droit et de l’emploi de la force publique.

Or, les tonnes de Dahirs, de correspondances sultanales tant avec les autorités locales dûment désignées par le Sceau du Monarque qu’avec les puissances étrangères, de discours ou d’injonctions soigneusement conservées dans les archives marocaines et occidentales n’attestent-ils sans le moindre doute possible de la réunion par la Maroc de l’ensemble des agrégats constitutifs de l’État tel que défini ci-haut ?

Par ailleurs, que de traités, d’accords, d’alliances militaires, de protocoles, de mémorandums d’entente…négociés et scellés entre le vieil État marocain et ses homologues à travers l’Histoire et de par le monde depuis le règne de Driss 1er, qui n’était autre que l’arrière-petit-fils du Calife Ali et de Fatima, la propre fille du Prophète de l’islam et qui était le contemporain de Charlemagne, considéré comme le véritable fondateur de la nation française !

Il ne s’agit guère ici de bomber le torse nationaliste par quelque prétention hégémonique. L’Histoire, notamment celle des XIXème et XXème siècles, a démontré l’horreur des conséquences de telles postures.

En effet, si, au vu des règles fondamentales du droit international comme, tout simplement, celui des gens, aucun pays ne peut se prévaloir d’une antériorité historique pour prétendre à quelque supériorité diplomatique ou géostratégique par rapport aux autres, il n’en demeure pas moins qu’un minimum de respect et même de considération est dû à la nation d’Ibn Tachefine et d’Al Mansour Ed-Dahbi, ne serait-ce qu’au vu des apports culturels et civilisationnels qu’elle aura vaillamment transmise là où elle a admirablement rayonné auparavant, comme en Andalousie ou même en Afrique, notamment subsaharienne et du nord.

Ce n’est, hélas, pas le cas aujourd’hui, et pour cause…

Voilà qu’on en est à supporter -cela dure depuis près d’un demi-siècle !- les pulsions cyclothymiques d’un pouvoir algérien particulièrement hostile à toute concorde avec son voisin de l’ouest et, pis, avec son propre peuple !

Qu’une mafieuse clique, despotiquement installée à la tête d’un primo-État, lui-même né au moyen d’une cruelle césarienne, parce que créé au forceps à la faveur d’un référendum organisé par une puissance coloniale étrangère, vienne donner des leçons en matière d’« autodétermination des peuples » à une nation qui peut se prévaloir de près de treize siècles au compteur de l’Histoire, cela relève pour le moins de la plus invraisemblable indécence !

Au moment où le monde entier a irrévocablement abandonné les crispations et les affrontements de la défunte guerre froide, les généraux incultes d’Alger qui ont transformé le Palais d’Al Mouradia en mess voué à toutes sortes de turpitudes et, prioritairement aux juteuses rétrocommissions, tiennent mordicus à leur anachronique anhistoricité. En cela, l’Algérie officielle se retrouve aujourd’hui en situation de rétropédalage par rapport au Maroc. Ayant courageusement affronté et soldé son passé marqué par l’inertie et les graves atteintes à la dignité humaine, le Royaume a, quant à lui, emprunté la cadence de l’ère mondialiste en répudiant à jamais sa part de l’ère bipolaire.

Voilà pourquoi toute négociation avec les gouvernants d’Alger s’avère de plus en plus difficultueuse et souvent vaine, tant les notions de concorde, de bon voisinage et de respect semblent avoir une signification profondément viciée et perverse pour la Camarilla qui pilote si lamentablement l’Algérie. Peine perdue, en effet. Comment peuvent-ils enfin comprendre que le parachèvement institutionnel dont le Maroc peut d’ores et déjà s’enorgueillir n’a pas encore connu le début du commencement chez eux ? Comment peuvent-ils adopter une grammaire politique dont ils ignorent les subtilités et les cohérences alors qu’ils véhiculent toujours la langue si brutale des casus belli et des incohérences ? Comment peuvent-ils prétendre défendre le droit des peuples de disposer de leur destin alors que celui de leur propre peuple continue à être si cruellement méprisé, abandonné au racket, à la rapine et au « marionnettage » politique tous azimuts ?

On aurait voulu ne pas évoquer les soucis intérieurs de l’Algérie plus que jamais meurtrie. Mais les voyous galonnés d’Alger persistent à nous chercher querelle.

Faut-il encore passer par la voi(x)e des armes pour mettre à plat ne serait-ce que les notions de respect et de bon voisinage ? C’est ce que souhaitent ardemment les irresponsables usurpateurs de la volonté de leur peuple. Mais, dûment armé de sa sagesse comme d’une vigilance à toute épreuve, le Maroc ne peut tomber dans ce piège qui insulterait l’avenir et exposerait la région tout entière à des conséquences apocalyptiques. Le Maroc ne peut, par la faute d’une bande de pervers cyclothymiques, aliéner sa belle réputation universelle et ses acquis en se laissant précipiter vers l’irréparable ! Que les mafieux sans idées aillent guerroyer et empocher les rétrocommissions des joujoux meurtriers ailleurs !

*Journaliste, anthropologue et écrivain

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