Maroc-Algérie : Un conflit bilatéral permanent et rien d’autre…

Par Hassan Alaoui

En novembre 2018, dans un discours prononcé à l’occasion  du 43ème anniversaire de la  Marche verte, le Roi Mohammed VI, prenant de court les dirigeants  algériens et à témoin la communauté internationale proposa à ces derniers « un  dialogue bilatéral direct et franc ». L’annonce, aussi spectaculaire et inattendue,  avait valeur de symbole. Elle constituait  une « première» comme on dit, désarçonnante mais interpellant avec vigueur nos  voisins à assumer leur responsabilité historique dans ce qu’il convient de considérer comme le « conflit latent » le plus  long de l’histoire de la région.

La crise maroco-algérienne est bilatérale, ni plus ni moins. La question du Sahara n’aura été que le prétexte fallacieux créé par Alger, la face visible d’un iceberg où culmine l’expansionnisme algérien, heurté à la volonté du Maroc de préserver sa souveraineté, son unité et son essor. Avec une fragile «normalisation» de quelques années seulement, le voisinage entre les deux pays aura été inexistant, nul et non avenu pendant quasiment soixante ans. Jamais conflit n’aura tant persisté…

 L’appel royal de novembre 2018 à l’Algérie n’avait d’ambition, entre autres, que de rompre le long et l’infernal cycle de non-dits que, par euphémisme, on qualifie de crise avec le Royaume du Maroc. Elle remonte à la quasi moitié du siècle dernier, aux années soixante, elle a traversé le presque quart du siècle actuel et embourbe, de jour en jour, la région dans une sorte de cloaque, tout  en mettant en équation l’avenir des jeunesses marocaine, algérienne, tunisienne,  mauritanienne voire libyenne. C’est un truisme de dire que le Maghreb est l’otage d’un malentendu persistant qui est à ses dirigeants ce que la fièvre est à un organisme.

 Des mois de silence sourd et de mutisme volontaire ont suivi la proposition  du Roi du Maroc de mettre en place «un mécanisme conjoint de concertation et de dialogue » entre les deux pays. Le  Souverain, précisant dans un souci de pédagogie que «le niveau de représentation  au sein de cette structure, son format, sa  nature, étaient à convenir d’un commun accord».

 Un argumentaire plaidant pour cette proposition a été avancé : « Dieu m’est témoin, a-t-il déclaré, que depuis mon accession au Trône, j’ai appelé  avec sincérité et bonne foi à l’ouverture des frontières entre les deux pays,  à la normalisation des relations maroco-algériennes. C’est, donc, en toute  clarté et en toute responsabilité que je déclare, aujourd’hui, la disposition du Maroc au dialogue direct et franc avec l’Algérie sœur, afin que soient dépassés les différends conjoncturels et objectifs qui entravent le développement de nos relations. A cet effet, je propose à nos  frères en Algérie la création d’un mécanisme politique conjoint de dialogue  et de concertation. Le niveau de représentation au sein de cette structure, son  format, sa nature sont à convenir d’un commun accord. ».

  On eût souhaité, à défaut d’une réponse immédiate, un signal même tardif  d’adhésion du gouvernement algérien à la proposition centrale du Roi du Maroc, saluée pourtant à l’unanimité à l’échelle mondiale. A coup sûr, elle a suscité l’embarras pour ne pas dire qu’elle a  mis en porte à faux l’État-major politico-militaire qui préside aux destinées du  pays. Rien n’illustre mieux cette posture de gêne que la réponse enfin lâchée  quelques semaines seulement après par le biais du journal en ligne indépendant « TSA » (Tout sur l’Algérie) où, jouant aux «gorges profondes», un officiel sous couvert d’anonymat, le premier, a donné le ton . En d’autres termes, il a opposé une «fin de non recevoir» à la proposition du Roi, poussant l’outrecuidance jusqu’à la qualifier d’un «non-événement». Usant  du mode de palimpseste, il s’est mis à interpréter la pensée du Roi du Maroc à sa  place, y voyant comme à l’habitude des dirigeants algériens depuis des lustres, le «coup fourré». «Cette offre douteuse dans sa forme, affirme-t-il, et suspecte de par son contenu est un non-événement qui ne mérite pas de réponse formelle».

On ne guérit pas si aisément de l’envie haineuse qui inspire si bien les fossoyeurs algériens de la fraternité entre nos deux peuples.

  En vérité, le projet du Roi Mohammed VI a renvoyé les dirigeants algériens  à leur propre responsabilité historique. Et le Conseil de sécurité des Nations unies, quelques mois après, le leur montrera et fera de l’Algérie un protagoniste direct, la conviant aux tables rondes organisées à Genève par Horst Köhler en tant que «pays impliqué». De la même manière,  la dernière résolution pertinente des Nations unies 2494, votée à l’unanimité le  30 octobre 2019, aura été à la fois claire et incontournable, car elle implique le gouvernement algérien comme il ne l’a jamais été auparavant. Ses laudateurs, à l’intérieur et à l’extérieur – si rares à vrai dire – auront beau s’acharner à soutenir le contraire, l’Algérie est partie prenante, elle est même à l’origine du conflit du Sahara et, par voie de conséquence, de la paralysie organique du projet maghrébin. Il convient de rappeler que le refus  opposé à la proposition royale du 6 novembre 2018, exprimée solennellement,  n’a pas pour autant découragé le Souverain. Quelques mois plus tard, il a de  nouveau, relancé les dirigeants algériens,  cette fois-ci, à l’occasion de la victoire finale de l’équipe nationale algérienne à la  Coupe d’Afrique, organisée en juin-juillet 2019 en Egypte. Mohammed VI, dans la  foulée de cette victoire et accompagnant le peuple marocain dans son soutien au  Onze algérien vainqueur, a adressé ses félicitations aux dirigeants et au peuple algérien. Là encore, on pouvait espérer que  le geste royal pût déboucher sur une ouverture et contredire les funestes propos  des récalcitrants à la normalisation entre les deux peuples. Le général Ahmed Gaïd Salah était aux commandes et, tapis dans leur petit manège, les Tebboune et autres Apparatchiks , en réserve d’une revanche  dès que l’opportunité se présenterait, attendaient leur heure.

  On connaît la suite des événements, favorisée par le hasard, sans doute. Mais précipitée aussi par la volonté des  hommes. Une campagne électorale biseautée dès le départ, ou plutôt une mascarade dans laquelle se sont épuisés à leur  corps défendant quelque six candidats plus ou moins légitimes, un vainqueur –  Abdelmajid Tebboune – , sorti d’un mouchoir de l’armée sur fond d’une contestation populaire qui dure depuis le 22  février 2019, mettant face-à-face le pouvoir et le mouvement Hirak. Dans l’entrelacs des péripéties ayant marqué la fin  de l’année en Algérie et sept mois après le départ tragique de Bouteflika qui a « régné » vingt ans durant sur le pays, Gaïd Salah, généralissime chamarré a perdu la vie, le matin du lundi 23 décembre 2019, dix jours seulement après avoir adoubé  Abdelmajid Tebboune et soutenu mordicus sa candidature. Sa mort subite n’a  laissé indifférents ni le peuple algérien ni  les observateurs. Son remplacement illico presto à la tête de l’État-major, par le  général Saïd Chengriha, qui n’a jamais appartenu au corps de l’ALN ( Armée de libération nationale), a plutôt confirmé la tendance militaire du régime.

 A la tête de l’Algérie se trouve donc un duopole politique et militaire, voué à la haine du Maroc. Le président Tebboune a d’emblée imprimé à sa campagne et son  élection un caractère d’hostilité incarnée. Il renoue avec le discours des années  soixante et soixante-dix, reprend à son compte la rhétorique incriminatoire du  Royaume. Faisant feu de tout bois, pourvu que notre pays soit ciblé, il s’efforce  d’instrumentaliser ainsi les problèmes  internes auxquels l’Algérie est gravement confrontée et de détourner, ni plus  ni moins, l’attention du peuple algérien vers le Maroc, désigné comme le bouc émissaire. M. Tebboune s’échine à être le  «Boumediene nouveau », tout à son appétit d’impétrant lancé dans la conquête  du Maghreb, touche à tout en Libye, en Afrique, au Moyen Orient, bouffé par une ambition tardive de vieux carnassier. On ne guérit pas si aisément de l’envie haineuse qui inspire si bien les fossoyeurs algériens de la fraternité entre nos deux peuples. La méthode révisionniste, les esquives et les maladroites tentatives de nuire au Maroc, aussi bien au Maghreb, qu’au sein de l’Union africaine voire aux Nations unies, n’empêcheront pas notre pays d’aller de l’avant, engoncé dans ses convictions et ses valeurs ancestrales.

Le Maroc reprendra toujours à son compte cet apophtegme du président de Tchécoslovaquie Tomàs Mazaryk prononcé en 1918: «Pravda vítézí» ( La vérité vaincra).

  Sa mise à l’écart du partial processus de règlement du conflit libyen, la volonté de le marginaliser ne modifient en rien notre conviction – et le cours des choses nous en donne la preuve par deux – que les Accords signés par les parties au conflit en 2015 à Skhirat constituent la seuler base, le socle de toute réussite du plan de paix. Ni Berlin, ni Alger, ni Munich, ni Brazzaville ou Addis Abéba n’y changeraient quoique ce fût. Le Maroc reprendra toujours à son compte cet apophtegme du président de Tchécoslovaquie Tomàs Mazaryk prononcé en 1918 : « Pravda vítézí » ( La vérité vaincra).

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