Un Maroc au coeur du malaise entre conservateurs et modernistes

Dossier du mois

 Fettah Bennani, Président Bayt Al Hikma

Notre pays a connu, au cours des dernières années, de grands changements qui ont touché la politique, la culture et la société et ont fait l’objet de différentes appréciations et positions tant au niveau de la description qu’à celui du diagnostic. Néanmoins, ces appréciations et positions se recoupent quant aux questions de la transition démocratique et s’accompagnent d’un débat dont l’acuité varie selon le de­gré et la force des faits et des événements.

Ce débat s’est étendu aux questions ayant trait à la po­litique en tant qu’affaire pu­blique ainsi qu’aux libertés individuelles et collectives et à la culture comme patrimoine communautaire et comme opinions privées. Cet état des choses s’est notamment ma­nifesté à l’occasion de faits et questions significatifs, dont la modification du Code de la fa­mille et du statut de la femme, la moralisation de la vie pu­blique, l’exercice des libertés de la presse et du rassemble­ment pacifique, la sauvegarde de la dignité des femmes et des enfants, le processus de la justice transitionnelle, etc… Les mouvements des droits de l’Homme, des femmes et celui des Amazighs étaient fortement représentés dans cette dynamique.

En certains moments arti­culaires, le dialogue politi­co-culturel à propos des chan­gements n’a pas pu échapper à la question des valeurs et à ce qu’elles symbolisent en termes de traits et fondements de la vie commune et de ce qu’elles exigent comme li­berté, solidarité, tolérance et partage des responsabilités.

La question des valeurs dans une société en mutation, ou se dirigeant vers la démocratie, est intimement liée à la qualité des valeurs communes et des politiques susceptibles de les faire sauvegarder et de respec­ter les droits de l’homme et la démocratie elle-même.

Aussi la question des va­leurs évoque-t-elle le sens et la signification de l’équi­libre entre le droit et la liberté d’une part, et le devoir et la responsabilité d’autre part. De telle sorte que nulle société en transition vers la démocratie ne peut laisser ses politiques sans principes, ni ses lois sans valeurs dans un cadre qui ga­rantit les principes essentiels tels que la non violence, le respect de la vie, la justice, la solidarité, la confiance, la tolérance, et le respect mutuel dans le cadre de la différence, la pluralité, les chances of­fertes aussi bien aux individus qu’aux groupes.

Cependant, les modernistes pensent « valeurs univer­selles » et les conservateurs pensent « valeurs islamiques ». En arrivant au pouvoir, le PJD a mis l’accent sur la question des valeurs, dans le double objectif de les traduire dans les lois et aussi de montrer à leurs électeurs leur atta­chement à la religion et aux valeurs qui en découlent. Leurs campagnes successives contre ce qu’ils ont appe­lé le « fassad » ne sont pas anodines… Car le PJD base toute sa stratégie sur l’utili­sation de la religion dans son interprétation rétrograde « Ibn Taymia », afin de séduire une masse populaire analphabète et nombreuse.

En revanche, les « moder­nistes » basent leur argumen­tation sur les libertés et les va­leurs universelles. Ils placent, au premier plan, la question de la femme, les libertés in­dividuelles, l’abolition de la peine de mort…

Il est souvent difficile, voire impossible, de distinguer la haine religieuse, d’autres formes de sentiments de haine nationale, raciale, ethnique, etc. En effet, la haine que l’on qualifie de religieuse est en ré­alité utilisée pour désigner des phénomènes plus complexes. Quoi qu’il en soit, les reli­gions et convictions restent un facteur important de dé­marcation entre le « nous » et les autres.

La montée de l’intégrisme met en jeu la religion, la po­litique, l’éthique, l’économie, la vie quotidienne, le com­merce, la banque, la sexualité, le loisir, l’habillement et la nutrition. Et elle est représen­tée par des jihadistes, par les partis politiques et des ONG à la fausse apparence caritative et pacifiste.

En réalité, les années pas­sées ont été jalonnées par des slogans et des actions à caractère purement électora­liste, par des surenchères po­litiques, et l’absence de vrais programmes de réformes. L’intégrisme religieux est l’antichambre du terrorisme islamiste. L’instrumentalisa­tion de la religion à des fins politiques et autres est l’une des principales causes qui a déchiré la majorité des pays du Moyen-Orient et certains pays du Maghreb.

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