Le Maroc, une diplomatie à l’épreuve du feu

Dossier du mois

Regards croisés de la société civile sur la diplomatie marocaine

Mohamed Bouchnafa, Group of the Progressive Alliance of Socialists & Democrats in the European Parliament Département des Affaires administratives

Mon sentiment à cet égard est que le Maroc n’a pas de ligne de conduite politique avec les parlementaires des 28 états européens. Pour négocier avec la diversité de ces européens, cela implique une excellente connaissance de ces partenaires. Il ne s’agit pas de venir en délégation et de rencontrer l’un ou l’autre parlementaire de tel ou tel groupe politique européen. Mais il s’agit de bien connaître les techniques de négociations ainsi que les partis politiques aussi bien de la majorité que de l’opposition afin de défendre nos intérêts. Bien sûr, il y a la présence de monsieur l’Ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne, mais sa présence est hélas insuffisante devant la complexité de la machine européenne.

Le Parlement européen est composé de 751 députés, élus dans les 28 pays membres de l’Union européenne élargie. Sociologiquement, très compliqué! il y a aussi, la CPM (Commission mixte Maroc/parlement européen). Malheureusement et jusqu’à présent, la diplomatie du Maroc agit au coup par coup, notamment sur les grandes questions comme lors des dérapages de Ban Ki-moon ou d’incidents avec d’autres pays. Or le Maroc a de grands talents et peut davantage s’imposer sur la scène européenne. De grandes questions s’imposent : l’immigration, sa collaboration avec l’Europe pour lutter contre le terrorisme, l’exploitation des agriculteurs marocains en Europe… Il y a aussi un travail énorme à effectuer avec les médias européens. Par exemple, les médias n’ont pas mis en avant le rôle du Maroc dans l’arrestation des terroristes pour ne citer que cet exemple. Revenons à la visite de Ban Ki-moon à Tindouf et en Algérie et ses propos et gestes qui ont caractérisé cette tournée. Je pense que le Maroc a commis une grave erreur en agissant sur le coup de l’émotion.

Le Maroc se devait de réagir de manière, certes, ferme et diplomatique. Mais que des parlementaires marocains traitent le Secrétaire général de l’ONU de «singe» ne fera pas avancer nos intérêts, bien au contraire. Refuser de recevoir une délégation de parlementaires européens est, selon moi, une erreur stratégique et diplomatique. Par ailleurs, la diplomatie économique marocaine s’est parfaitement intégrée, pas à pas, sur le continent africain notamment avec la visite royale. Ce qui est peut-être bénéfique pour le royaume… Or, il ne faut pas crier victoire, il y a encore un grand chemin à suivre malgré l’instabilité politique et économique de plusieurs pays africains. Mais il faut bien souligner que la diplomatie marocaine hésite encore à aller vers les pays qui sont contre les intérêts du Maroc notamment dans l’affaire du Sahara. Et là encore, le Maroc commet une erreur stratégique et politique. Il est capital de dialoguer et d’établir des ponts avec ses  ennemis. L’Afrique du Sud a une histoire riche, a beaucoup souffert de l’Apartheid. Avec son leader charismatique, Nelson Mandela, l’Afrique du Sud est reconnue sur la scène internationale et pèse sur le plan politique et économique. Le Maroc doit s’en faire un allié et non un ennemi, malgré la position qu’on connaît de ce pays, vis-à-vis du Sahara. Il faut avoir la capacité de garder une relation forte même avec les ennemis..! Dernièrement, la réforme est mise en œuvre dans le département des Affaires étrangères avec notamment, la nomination des ambassadeurs au pofil nouveau. Mais pour moi, elle devrait aller plus loin dans la qualification des indicateurs des meilleurs profils… en soulignant le rôle capital du Ministre des Affaires étrangères. Ce dernier, hélas, a accumulé les couacs politiques majeurs! Dernier exemple, – crise avec la Suède – que normalement, on devrait éviter! Pour moi, le diplomate marocain doit connaître le paysage politique marocain mais aussi la sociologie politique du pays dans lequel il sera détaché, connaître les ressortissants marocains vivant dans ledit pays, s’entourer de collaborateurs expérimentés qui l’aideront à accomplir sa mission, connaître les enjeux politiques du continent européen… Pour que la diplomatie marocaine puisse se déployer par anticipation, il faut établir une fiche de conduite sur les sujets délicats (Sahara, immigration…), ne pas hésiter à provoquer le débat, à en débattre sans tabou, à maîtriser son sujet sans aucune hésitation, ne pas réagir sur le coup de l’émotion, garder son sang-froid, préparer les arguments forts pour défendre ses intérêts, convaincre, agir, mener un plan de communication clair et fort, être fier de ses convictions…

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