Maroc-Espagne : Le grand bond en avant

CE QUE JE PENSE

Dans son discours du 20 août 2021, le souverain avait affirmé suivre personnellement et directement le processus de dialogue, ainsi que l’évolution des discussions avec l’Espagne. « Le but n’était pas seulement de trouver une issue à cette crise, mais aussi de saisir l’opportunité pour redéfinir les bases et les paramètres qui régissent ces relations », avait dit Sa Majesté, jetant ainsi les bases d’un nouveau partenariat Nord-Sud d’égal à égal.

Le lundi 17 janvier, le Roi Felipe VI, de son côté, avait appelé à un « avenir où le Maroc et l’Espagne seraient unis pour affronter les défis d’aujourd’hui et de demain » et à « redéfinir ensemble une relation pour le XXIème siècle, établie sur des piliers plus forts et plus solides ». Ce qui témoigne bien évidemment de la place qu’occupe le Maroc dans la Région et au-delà.

Il faut bien le dire : Bien que le Maroc et l’Espagne soient des partenaires indispensables l’un pour l’autre, le voisinage a toujours été marqué par des hauts et des bas politiques. Mais le grand geste tant attendu est donc venu du voisin ibérique quand le premier ministre espagnol avait amorcé un réchauffement diplomatique, depuis quelque temps déjà. Le grand virage est donc pris, la voie est balisée et le nouveau départ est acté pour un avenir prometteur pour Rabat et Madrid, le 7 avril courant. La visite de Pedro Sánchez, Premier ministre du gouvernement espagnol inaugure non seulement une nouvelle étape dans les relations bilatérales entre l’Espagne et le Maroc mais un nouveau cycle dans les relations triangulaires entre le Maroc, l’Espagne et l’Europe.

Une visite et des symboles

Au Maroc, si l’hospitalité est un devoir sacré ancré dans nos habitudes, dans la diplomatie, elle est chargée de symboles et de signes surtout quand cela émane d’un grand Roi subtil, perspicace et d’une grande sagesse. Être invité à rompre le jeûne avec Sa Majesté le Roi Mohammed VI et ses proches n’est pas sans emblème.

Rappelons que le dernier dirigeant étranger à avoir partagé le ftour Royal était le gendre de Donald Trump, Jared Kushner, le 28 mai2019. Le 7 avril 2022, c’est le Premier ministre du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez qui est à la table de Sa Majesté le Roi. « Inviter une personne extérieure au cercle proche au ftour du Ramadan est un signe d’amitié très fort de la part du Roi du Maroc envers l’Espagne », déclarera le ministre des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération d’Espagne, José Manuel Albares aux médias. Jeudi soir donc, le président du gouvernement, Pedro Sánchez, avait pris part au cérémonial du ftour ramadanesque aux côtés du noyau de la famille Royale marocaine conformément au protocole de la Maison Royale. En terre d’Islam, au-delà de ce moment très important pour les musulmans qu’est la rupture du jeûne, c’est un gage d’honnêteté et d’une véritable alliance indéfectible de bon augure. Par ce ftour de réconciliation, qui scelle un nouveau départ, le geste du Roi Mohammed VI est un message clair et un signe fort d’amitié. Une nouvelle page s’ouvre pour définir une feuille de route durable et ambitieuse subtilement orchestrée par la vision royale clairvoyante et contenue dans la Déclaration conjointe adoptée dès lors pour des relations sincères et transparentes entre les deux pays dont l’un des premiers objectifs sera le rétablissement de la circulation des biens et des marchandises aux postes frontaliers de Sebta et Melilla.

Une déclaration conjointe qui scelle une réconciliation historique

Le Jeudi 7 avril est une date qui restera dans les annales de l’Histoire maroco-espagnole eu égard au nouvel air insufflé par le Roi Mohammed VI et Pedro Sánchez, décidés à mettre fin à la crise diplomatique ouverte depuis plus d’un an entre les deux pays. Les deux rives du détroit de Gibraltar sont enfin apaisées parce que l’Espagne a « reconnu l’importance de la question du Sahara pour le Maroc ainsi que les efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution mutuellement acceptable », comme le relève la Déclaration conjointe. Ainsi, après des mois de tension entre les deux voisins qui ont réalisé que la stabilité et l’intégrité territoriale de leurs États-nations respectifs sont au-dessus de toute considération, un nouveau partenariat s’ouvre entre le Maroc et l’Espagne fondé sur « le respect mutuel, la confiance réciproque, la concertation permanente et la coopération franche et loyale ». Le 14 mars dernier, Madrid a choisi son camp en affichant clairement sa nouvelle position sur la question du Sahara marocain après avoir prôné la neutralité pendant longtemps. Tant et si bien que le Maroc et l’Espagne viennent de fermer la parenthèse d’une brouille sans précédent mettant les jalons d’un nouveau départ basé sur le respect mutuel, le respect des accords, l’absence d’actions unilatérales et la communication permanente. En effet, conscient de l’importance que revêt la question du Sahara pour le Maroc, le président du gouvernement espagnol a affirmé que « l’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend». Il faut dire que par sa décision, l’Espagne rebat les cartes et signe une mutation géopolitique dans la région en faveur du Maroc, changeant ainsi les rapports de force dans la Méditerranée.

Aujourd’hui, les deux pays, inextricablement liés par les affections, l’histoire, la géographie, les intérêts et l’amitié partagée, sont déterminés à donner du tonus à leurs relations bilatérales pour amorcer ensemble une nouvelle étape à la mesure des aspirations des deux pays pour un destin commun serein et prospère. Par ailleurs, des groupes de travail seront mis en place pour traiter les dossiers sensibles.

Ainsi, après Washington qui a réitéré son soutien à Rabat, l’Allemagne et la France c’est au tour de l’Espagne de reconnaître « le sérieux, le réalisme et la crédibilité » de l’initiative marocaine d’autonomie.

Ces nouvelles positions de certains pays européens traduisent la place stratégique qu’occupe, désormais, le Maroc en tant qu’une puissance économique régionale et continentale sachant qu’il multiplie les partenariats avec d’autres pouvoirs influents à savoir la Chine, l’Inde,  la Russie, les pays du Golfe, les États-Unis et bien d’autres.

De l’amitié mais aussi des intérêts

C’est désormais acté. Après la période de relations en dents de scie, le temps est venu pour construire des ponts afin de préserver les intérêts communs de deux pays qui ont besoin l’un de l’autre. Pour ce faire, il faut faire table rase du contentieux et faire montre d’une nouvelle disposition d’esprit, offrant le meilleur gage d’une normalisation bilatérale pour rattraper le manque à gagner de part et d’autre. En effet, force est de rappeler que pour l’Espagne les enjeux sont énormes surtout que le Maroc représente pour elle un marché de consommation et d’opportunités. D’ailleurs, porte d’entrée du continent africain, il est un acteur incontournable pour l’Espagne ainsi que pour l’Europe, notamment pour la gestion des flux migratoires. Toutefois, il est aussi son premier partenaire commercial africain et son troisième partenaire économique en dehors de l’UE. Sans parler de la lutte antiterroriste où l’expérience du Royaume et sa contribution pour faire face aux défis sécuritaires de la région sud-Atlantique et en Méditerranée occidentale sont saluées par les grandes puissances et la communauté internationale. D’autant plus que plus de 800.000 Marocains avec quelque 5000 étudiants issus du Royaume vivent en Espagne avec un flux touristique fort considérable dans les deux sens.

Par ailleurs, l’Espagne est le premier fournisseur du Maroc, devant la France, ce qui favorise encore plus la création de liens politiques, économiques, culturels et même militaires forts. Dans ce sens, au niveau des échanges commerciaux, les deux pays sont liés par plus de 16 milliards d’euros qui concernent 17.000 entreprises espagnoles ayant des relations commerciales avec le Royaume et dont plus de 700 sont établies sur le territoire marocain. Dans ce contexte, les exportations espagnoles vers le Maroc ont augmenté de 29 % entre 2020 et 2021. Aussi ne faut-il pas oublier les opportunités d’investissement dans plusieurs secteurs notamment les industries d’exportation, l’industrie agroalimentaire, le traitement de l’eau, la digitalisation industrielle. D’ailleurs l’une des priorités de la nouvelle vision est la coopération énergétique, surtout après la fermeture par Alger du gazoduc Maghreb-Europe (GME).

 « La sagesse est fille de l’expérience » (De Vinci)

Ce n’est pas étonnant que nombre de médias internationaux fassent l’éloge du leadership et de la diplomatie marocains pour le savoir-faire diplomatique millénaire marqué de sagesse et d’expertise en lien avec l’Histoire moderne.

Le dernier en date est le Washington Times Journal avec un article intitulé « Les Russes et le Monde pourraient apprendre de la Diplomatie marocaine ».

C’est dire que la diplomatie marocaine forte de ses convictions, de ses principes et de sa doctrine d’équilibre, enregistre une nouvelle ère, une stratégie intelligemment offensive, finement proactive et assumée qui connaît ses atouts et exige un traitement d’égal à égal avec les Européens. De plus en plus ferme, autonome et globale, la puissance et l’influence de la diplomatie marocaine, suscitant l’admiration chez certains, l’appréhension et la jalousie chez d’autres se confirme, de plus en plus, place le pays en tant qu’interlocuteur incontournable sur le continent africain et acteur essentiel dans le dispositif sud- Méditerranée. Cette diplomatie même qui a toujours plaidé pour le respect de ses lignes rouges à savoir l’unité nationale, l’intégrité territoriale, la coopération, la solidarité et qui appelle à construire une nouvelle dynamique de paix dont la devise est que l’amitié se mesure aussi avec les actes et une prise de position claire. Cela dit, les intérêts bien tracés des deux pays poussent d’ores et déjà à une relance de la coopération sur des bases encore plus élargies et plus  consolidées.

En somme, en attendant que d’autres pays en prennent de la graine et reconnaissent la marocanité du Sahara, espérons que la communication diplomatique et la volonté commune de construire et d’avancer dans la paix et la quiétude pourra apporter une résolution au contentieux en suspens de Sebta et Melilla. Pour le moment, concentrons-nous sur la volonté commune d’un véritable partenariat stratégique renforcé, à la hauteur des ambitions des deux pays et sur les liaisons maritimes de passagers entre les deux pays qui seront rétablies immédiatement et de façon graduelle jusqu’à l’ouverture complète. Bien entendu, l’opération Marhaba sera un grand succès à l’image de ce moment historique pacté par la réciprocité des intentions des deux pays.

Aujourd’hui plus que jamais, les deux pays doivent célébrer leurs complémentarités en tant que voisins. Et que la réunion de haut niveau entre les deux gouvernements qui se tiendra avant la fin de l’année pour mettre en œuvre la « feuille de route » établie à Rabat apporte de nouvelles bonnes résolutions.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page