Maroc-Tchéquie : Alliance pour la captation d’eau potable atmosphérique

Hajar Ben Hosain
Dans une initiative ambitieuse visant à répondre aux défis de la rareté de l’eau, l’Institut de Recherche en Énergie Solaire et Énergies Nouvelles (IRESEN) et l’ambassade de la République tchèque au Maroc ont signé, mercredi 2 juillet à Rabat, un accord stratégique portant sur le déploiement de la technologie de génération d’eau atmosphérique (AWG) au Maroc. Ce partenariat, soutenu par le ministère tchèque des Affaires étrangères à travers son programme CzechAid, vise à renforcer l’accès à l’eau potable tout en intégrant des solutions énergétiques innovantes, durables et robustes.
En vertu de cet accord, deux unités pilotes seront livrées et installées par la société tchèque CZECHOSLOVAK EXPORT a.s., acteur clé du groupe industriel CSG. Selon les médias, le projet s’appuie sur la technologie brevetée Emergency Water from Air (EWA), développée par le Centre universitaire UCEEB de l’Université technique tchèque de Prague et fabriquée par l’entreprise KARBOX s.r.o. Cette solution modulaire et portable permet de capter l’humidité de l’air pour produire de l’eau potable, sans émissions de carbone, et se veut particulièrement adaptée aux zones reculées et arides du Royaume.
Financée par une subvention tchèque, l’initiative prévoit une phase d’expérimentation à partir du quatrième trimestre de 2025, suivie d’une évaluation technique sur deux ans. Cette phase permettra de mesurer l’efficacité du dispositif, d’analyser les données recueillies sur le terrain et d’étudier son intégration dans le tissu industriel local, dans le but d’un éventuel déploiement à plus grande échelle, aussi bien au Maroc que dans d’autres régions africaines confrontées à la sécheresse.
Au-delà de l’innovation technologique, cette coopération illustre une volonté commune de renforcer les synergies scientifiques et industrielles. Comme l’a souligné aux médias Samir Rachidi, directeur général de l’IRESEN, ce partenariat incarne une vision partagée entre le Maroc et la République tchèque : faire de la science et de l’innovation de véritables leviers de développement durable et inclusif. De son côté, l’ambassadeur tchèque à Rabat, M. Ladislav Škeřík, a salué un projet à fort impact et un exemple réussi de coopération au développement.
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Ce projet s’inscrit pleinement dans les objectifs du Nouveau Modèle de Développement du Maroc, qui accorde une place centrale à la sécurité hydrique, à la transition énergétique et à l’innovation verte. Il pourrait également ouvrir des perspectives économiques alternatives pour les zones rurales, notamment dans les domaines de l’agriculture, des services et de l’industrie tout en favorisant la souveraineté stratégique régionale.
L’accord ouvre la voie à un transfert de technologies, au renforcement des compétences nationales et à une intégration progressive des solutions AWG dans l’écosystème industriel marocain. Ainsi, cette collaboration ne se limite pas à un simple projet pilote, mais initie un partenariat pérenne au service d’un avenir plus résilient, durable et inclusif.
Le Maroc face à l’urgence hydrique
Le Maroc fait désormais partie des pays les plus menacés par le stress hydrique, avec un indice WEI⁺ alarmant de 74 % enregistré en 2020, dépassant largement le seuil critique de 40 %, selon le rapport stratégique « Eau et climat : le Maroc à la croisée des chemins ? » publié par l’Institut Marocain d’Intelligence Stratégique (IMIS) en juin 2025. Le Royaume, qui disposait de 2.600 m³ d’eau par habitant dans les années 1960, ne compte aujourd’hui plus que 600 m³, le plaçant en zone rouge du stress hydrique sévère. Pire encore, les projections tablent sur un seuil de pénurie absolue d’ici 2035-2040.
Face à cette situation préoccupante, l’IMIS alerte : le Maroc est à un point de bascule. La crise de l’eau, devenue structurelle, exige une remise en question profonde des choix de développement, particulièrement dans le secteur agricole. Le rapport pointe du doigt la responsabilité significative, bien que non exclusive, de politiques telles que le Plan Maroc Vert (2008-2020) et sa suite, la stratégie Génération Green (2020-2030), dans l’aggravation du déficit hydrique. Ce déficit pourrait faire perdre au Maroc jusqu’à 6,5 % de son PIB d’ici 2050.
Dans cette perspective, Rabat déploie un Plan national de l’eau 2020-2027, d’un budget colossal de 140 milliards de dirhams (environ 14 milliards de dollars). Ce plan mise sur des solutions non conventionnelles comme le dessalement, la réutilisation des eaux usées et surtout la génération d’eau atmosphérique (AWG), qui s’impose comme une alternative stratégique, notamment dans les zones reculées où les infrastructures de dessalement sont difficiles à établir.
L’AWG repose sur plusieurs principes technologiques. La condensation directe, adoptée par des entreprises comme Watergen, consiste à refroidir l’air en dessous du point de rosée pour en extraire l’humidité. La dessiccation solide, utilisée par Source Global, exploite des matériaux hygroscopiques activés par le soleil. Une autre approche, plus complexe, combine dessiccation liquide et distillation solaire, comme le système développé par Aquahara. Ainsi, les unités EWA tchèques, récemment introduites au Maroc, représentent des systèmes hybrides à faible émission carbone, capables de fonctionner hors réseau grâce à une optimisation énergétique avancée.