Femmes : Comment le Maroc recule

Dossier du mois

Notre fierté est que la Marocaine est la première femme pilote du monde arabe, la première à gagner des médailles d’Or aux jeux olympiques, la première à la NASA, et la première à aller au pôle Sud. Libre dans sa tête, responsable et indépendante, elle est un symbole de la musulmane émancipée. Et à contrario, cela ne la sert pas, mais fait d’elle la rebelle insoumise dans l’inconscient de l’homme qui se voit menacé dans son système patriarcal conservateur qui l’a toujours placé sur un piédestal où virilité et agressivité font bon ménage.

Rajaa KANTAOUI, Experte en communication de crise et en stratégies institutionnelles des secteurs sensibles

Femmes : punching-ball de la société

Une longue descente aux abimes, voilà à quoi ressemble la situation de la femme marocaine. Les protestations de la société civile ne semblent pas arrêter cette mascarade. Il fut un temps où nous nous réjouissons du progrès noté dans notre pays, mais hélas, ça va de mal en pis aujourd’hui.  La citoyenne marocaine semble devenir la cible privilégiée dans plusieurs domaines. Certaines discriminations sont même d’ordre légal. Les textes, de différentes codes (code de la famille et le code pénal par exemple), réunis ensemble, produisent des cas rocambolesques, nous en avons vu  des vertes et pas murs ces dernières années. L’éventail des libertés individuelles tangue entre équité,  avortement, violence, harcèlement et viol…

L’agression de la jeune « fille du bus » nous a confronté à une réalité amère qui est la condition de la marocaine au sein de sa mère patrie. En effet, si au lendemain de l’indépendance, elle était plus ou moins respectée, aujourd’hui elle vit un total mépris social, sous le regard et le mutisme des ministères en tutelle.

L’aberration semble s’accaparer des lieux, l’espace public devient un passage dur et rude, l’équité dans les carrières professionnelles et l’égalité des salaires sont  un rêve doux. La place de la femme est également limitée dans le sport de masse ou de haut niveau. Mais encore, très peu de femmes arrivent à se forger  une placedans le domaine public et politique. Quant à l’art et la culture, les espaces se réduisent et les marges de manœuvres rétrécissent sous l’impulsion des conservateurs.  Estimons-nous encore heureux que l’art culinaire et la couture puisse échapper à la tendance! Risible à en pleurer.

En effet, la recrudescence et l’amplification de la violence à l’égard des femmes (dans la vie de couple, dans le lieu de travail, dans la rue, dans les transports publics….) soulignent d’énormes failles en matière d’éducation et de loi.

Regardons d’abord du coté éducationnel, où, dans la majorité des manuels scolaires et la plupart des méthodologies d’enseignement, y compris celles appliquées par une majorité de maîtresses d’écoles, la femme tient le second rôle. Pour une leçon de grammaire par exemple, le texte cite le père et le fils qui partent à la mosquée pendant que la maman et la fille préparent à manger en cuisine. C’est une leçon de grammaire où l’on peut bien donner l’exemple avec d’autres situations de la vie moins marquantes, car l’apprenant est une éponge qui retient, chemin faisant, la place de chacun dans la société. Une fable décrivant des personnages animaliers dans la forêt aurait de meilleurs résultats à la fois sur l’acquisition de la grammaire, la stimulation de l’imagination de l’enfant et la largesse du champ lexical. Mais voilà, c’est ainsi pour le moment et je me désole de l’absence d’une volonté politique ferme.

Venant ensuite à la conception des lois, dont les amendements et les applications posent  un réel problème. Le Maroc n’a toujours pas de loi réprimant clairement le harcèlement des femmes dans l’espace public, et ce n’est pas prêt de changer demain. Pour l’IVG, il a fallu, comme lors du projet de la « Moudawana », l’arbitrage de Sa Majesté le Roi. Ce fut le cas également pour la promulgation des lois autorisant la mère à donner son nom de famille à son enfant ou faire hériter la petite fille de son grand-père.

Je pense que beaucoup de nos lois sont anticonstitutionnelles etdoivent être repensées afin d’initier un changement, ce pourquoi on plaide, entre autres, au sein du mouvement « Changer ».

« Beaucoup de nos lois sont anticonstitutionnelles et doivent être repensées afin d’initier un changement  le harcèlement ou le viol doivent être considérés beaucoup plus graves que les autres types de crime »

L’urgence n’étant plus de défendre la femme marocaine mais de la protéger !  En effet, la tâche  devient celle de survie plutôt que de progrès. Les sociétés des pays du nord de l’Europe doivent leurs belles évolutions principalement à l’éducation et la place donnée à la femme dans leur structure sociale. Des pays d’Amérique latine ont érigé des lois sévèrement favorables à la femme. Malheureusement, ce qui est encore applaudi sous nos cieux est déjà combattu sévèrement ailleurs. Pour ainsi dire que le harcèlement ou le viol doivent être considérés plus graves que les autres types de crime.

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