Medays 2019: Comment moderniser, intégrer et financer l’Union africaine

L’Institut Amadeus a organisé à Tanger du 13 au 16 Novembre 2019 la douzième édition du Forum international Medays placée sous le thème « La crise de confiance : faire face à la subversion et aux incertitudes ».

Ce Forum de quatre jours animé par près de 200 intervenants a abordé une quarantaine de thèmes. On peut citer à titre d’exemple les menaces qui pèsent sur la croissance mondiale et le dynamisme du commerce international, les défis sécuritaires, le dialogue politique Nord-Sud, et les soulèvements des sociétés civiles observés dans les pays du Nord et du Sud.

Une large place a été réservée par le Forum à l’Afrique sous forme de trois ateliers auxquels j’ai participé. Le premier atelier a traité de la modernisation et la transparence de l’Union africaine. En effet, le Président du Rwanda Paul Kagame avait été chargé en Juillet 2016 de proposer des réformes de l’Union africaine. Son rapport est assez critique de l’institution qu’il juge fragmenté avec trop de domaines d’intervention. La structure est également très complexe avec beaucoup de conseils, de comités et de commissions. Le rapport note également que l’Union africaine n’est pas indépendante financièrement. Enfin la coordination entre l’institution centrale qui siège à Adis Abeba et les communautés économiques régionales est imparfaite.

Le Président Kagame propose de s’en tenir à quatre priorités continentales : les affaires politiques, la paix et la sécurité, l’intégration économique, et le renforcement de la voix mondiale de l’Afrique. Il propose une réorganisation institutionnelle, et la revue de la structure et des activités avec un audit professionnel concernant les goulots d’étranglement bureaucratiques. La Commission, moteur de l’Union doit alléger ses instances dirigeantes pour être plus efficace. L’Union africaine doit être plus en phase avec les citoyens africains pour qu’ils sentent concrètement son existence, et pour qu’ils s’impliquent davantage dans la réalisation de ses objectifs.

Les actions de l’Union africaine doivent cibler pour particulièrement les jeunes et les femmes, notamment par des programmes de facilitation des échanges culturels et sportifs. Pour renforcer la participation du secteur privé, il y a lieu de mettre en place des services neutres d’arbitrage et de concurrence, et d’accélérer le lancement du passeport africain pour faciliter la mobilité des personnes. Enfin, il est proposé de créer une plateforme commune pour l’évaluation indépendante des progrès de l’Afrique, ainsi qu’une unité au sein de la Commission chargée de piloter la mise en œuvre des réformes.

Le second atelier a traité de la simplification et de l’équilibre de l’intégration africaine. Il faut noter tout d’abord qu’il existe 14 groupements économiques en Afrique, dont 8 Communautés économiques régionales. Un même pays peut être membre de plusieurs groupements, ce qui rend très complexe les relations inter-africaines. Un élément positif pour l’intégration africaine est la création de la ZLECA (Zone de libre échange continentale africaine) le 21 Mars 2018 qui regroupe tous les pays africains sauf l’Erythrée. Devenue opérationnelle le 30 Mai 2019, la ZLECA a pour objectif l’élimination des barrières tarifaires et non tarifaires et la création à terme d’une union douanière. Parallèlement, 27 pays ont signé un Protocole sur la libre circulation des personnes. Il est prévu de porter le commerce interrégional qui est actuellement de 17% à 25% à moyen terme.

Pour faciliter l’intégration africaine, l’atelier a recommandé la réorganisation des communautés économiques régionales afin qu’un pays ne fasse partie que d’une seule communauté. Les communautés économiques régionales doivent être les piliers de la ZLECA en mettant en œuvre toutes les dispositions prévues, et notamment l’élimination des droits de douane, l’harmonisation des réglementations, et la facilitation de libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux. Sur un plan continental, il faut promouvoir les infrastructures de transport et de l’énergie notamment électrique, et la mise en place des institutions financières : Banque Centrale, Fonds monétaire, Banque d’investissements, Bourse de valeurs. Il y a lieu également de généraliser et sécuriser les nouvelles technologies de l’information et de la communication à tous les secteurs. Enfin, il faut créer un Fonds pour les pays africains les moins développés afin de compenser la perte des droits de douane, et les aider sur le plan technique et financer à lancer des projets d’investissements.

Le troisième atelier a traité du financement de l’Union africaine qui dépend à 75% des bailleurs de fonds étrangers. Plus de 40% des membres ne versent pas leur contribution annuelle. Les Etats ne participent que faiblement au processus d’établissement du budget et la Commission ne dispose pas d’un mécanisme de contrôle solide. Pour pallier cette situation et assurer l’indépendance financière de l’Union, une décision a été prise en Juillet 2016 consistant en un prélèvement par les pays membres de 0,2% sur certaines de leurs importations. Dès Décembre 2018, 25 pays représentant 45% des membres ont formulé l’intention de mettre en œuvre cette décision. Un Comité de 10 ministres des finances africains a été désigné pour suivre cette question, et qui a notamment établi des « règles d’or » à respecter pour le fonctionnement du budget.

En conclusion, une Union africaine moderne, intégrée, et indépendante financièrement est indispensable pour relever les défis de l’Afrique. Pour cela, il faut une volonté inflexible des dirigeants africains et beaucoup de travail. Sur le plan méthodologique, il y a lieu de fixer des objectifs et des étapes pour faire le point de ce qui a été réalisé, relancer les retardataires, et ne passer l’étape suivante que lorsque l’objectif de l’étape a été réalisé par tous les Etats membres. Notre pays le Maroc qui travaille d’arrache pied pour la promotion de l’Union africaine peut apporter efficacement sa contribution.

Par Jawad KERDOUDI

Président de l’IMRI

(Institut Marocain des Relations Internationales)

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