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 Dossier du mois

« L’absence du dialogue crée l’incompréhension »

Mohamed AZIZ ALAOUI, chirurgien orthopédiste traumatologue

 La critique est un droit universel. Elle permet de faire avancer les choses en rapprochant les avis et en dissipant les incompréhensions.

Dans une société qui prétend être ou­verte à toutes les réflexions, la cri­tique ne devrait pas être considérée comme une guerre pour peu qu’elle soit constructive et loin de tout conflit d’intérêt.

Tout le monde doit s’impliquer pour dissiper les malentendus

La domination depuis quelques an­nées, des médias et réseaux sociaux, sur certains aspects de la vie sociétale, ne doit pas nous empêcher de douter de la véracité de tout ce qui est publié, et ne doit surtout pas nous faire croire qu›il s›agit d›opinions généralisées. S’agissant de la confrontation, par ar­ticles et interviews interposés, entre certains citoyens et quelques médecins, exerçant ou non, dans des cliniques, il serait sensé de la voir comme un pro­cessus évolutif, sûrement positif, de notre société, qui permettrait, à terme, d’éclaircir les choses, pour peu qu’elle soit canalisée par les bonnes volontés.

Il ne s’agit pas d’une guerre, mais plu­tôt de l’incompréhension et de l’absence de dialogue. Chacun, armé par ses pré­tendus arguments et ses raisons à moitié valables, se fige dans ses positions et devient insensible aux idées de l’autre.

L’absence du dialogue crée l’incom­préhension, celle-ci crée la guerre qui, à son tour, ne laisse que désastre et re­grets.

Le Ministère de la Santé, ainsi appelé depuis plusieurs années, vue l’étendue de ses prérogatives bien précisées par la Loi, devrait être responsable des soins de santé, ainsi nommés par l’Organisa­tion Mondiale de la Santé (OMS), sur tout le territoire national, quel que soit le secteur d’activité.

Cette responsabilité est administra­tive et légale. Elle concerne la plani­fication globale du Secteur de la San­té, processus qui fixe, après études et réflexion prospective, les objectifs à atteindre, les moyens nécessaires, les étapes de réalisation et les méthodes de suivi de celle-ci. Le devoir de répondre de ses actes, toutes circonstances et conséquences comprises, s’impose iné­luctablement à ce Ministère.

A mon avis, le Ministère de la Santé ne devrait endosser à lui seul, la res­ponsabilité de l’incompréhension dont on parle. Celle-ci règne également, certes à des degrés moindres, dans des pays dont le niveau des soins de san­té procurés par le secteur public, sont meilleurs que sous nos cieux.

Les lois, les suivis et contrôles, la carte sanitaire, les infrastructures, la formation continue et les campagnes d’éducation généralisées, lui sont ef­fectivement imputables. Cependant, tous les autres acteurs doivent s’impli­quer pour dissiper les malentendus et les idées arrêtées.

Vous serez probablement étonnés de savoir que l’OMS a récemment clas­sé le Maroc trente et unième pays en matière des soins de santé ! Ce n’est sûrement pas grâce au secteur public ! Ce sont les médecins du secteur libé­ral qui ont déployé des efforts louables et réalisé ce que l’Etat n’a pas pu ac­complir … Ces investissements privés demandent une implication des méde­cins en termes de moyens financiers, de temps, de sacrifices humains … après de longues années d’études. Tous ces efforts permettent au patient d’avoir un rendez-vous chez le médecin ou de passer un scanner, le jour même ; chose très difficile à obtenir ailleurs. C’est également l’une des raisons qui ont fait que notre pays est devenu une destination de soins pour beaucoup d’étrangers. Ces efforts appréciables ne devraient aucunement justifier le moindre abus qui pourrait compliquer la relation médecin-patient tellement ce partenariat doit rester au-dessus de toute spéculation.

Coaching au niveau des cliniques pour apaiser les tensions

Durant trente années d’exercice de la médecine, tous secteurs confondus, en France et au Maroc, j’étais amené à constater régulièrement, la présence de tensions entre soignants et soignés ! Des tensions qui, fort heureusement, n’aboutissaient qu’exceptionnellement à de la véritable confrontation.

Le patient et son entourage, sous l’ef­fet de la souffrance, le désir d’être servis bien et rapidement, la méfiance issue des vécus et des réelles expériences ou tout simplement des jugements préé­tablis, sans oublier l’insuffisance des moyens et de couverture médicale, d’une part et la surcharge de travail des agents de réception, des infirmières et des médecins, d’autre part ; font que ces tensions prennent parfois, inutilement, des dimensions difficiles à contrôler. L’impulsivité des premiers, se considérant mal pris en charge, et celle des autres, se voyant victimes d’une agressivité injustifiée et de non considération, prend le dessus sur la sagesse. Ces scènes non souhaitées qui laissent de l’amertume ne sont pas quo­tidiennes malgré les apparences.

Le coaching au niveau des cliniques, pour tous, médecins et leurs équipes, devrait être un processus qui pourrait améliorer la situation et apaiser les ten­sions.

Concernant l’incompétence, elle n’est certainement pas le propre de cer­tains médecins ! Elle est sûrement dif­ficile à qualifier et à préciser. Certains médecins se voient qualifiés de très compétents par des patients, heureux d’être guéris, et de moins compétents par d’autres, rien que parce qu’ils n’ont pas goûté à la guérison, résultat que le médecin ne peut en aucun cas garantir.

C’est souvent sur une bonne ou mau­vaise expérience que des internautes conseillent ou non un médecin !

Les Instances professionnelles, le ministère de tutelle, les sociétés savantes et, dans un esprit d’ou­verture et d’apaisement, tout ac­teur qui se considère impliqué dans le domaine des soins, sont invités à faire en sorte que le rendement de ce secteur puisse devenir meilleur.

La qualification est devenue un processus inévitable, le sec­teur médical doit en bénéficier tout autant que les autres sec­teurs de la Société.

La dégradation du secteur public, quant à elle, est difficile­ment explicable ! Autant l’État déploie des efforts que nous ne pouvons nier, autant la qualité des soins prodigués ne se hisse pas toujours au niveau souhaité ! Il y a cependant une variation de cette qualité d’un établissement à l’autre et d’une région à l’autre.

Les causes bien souvent avan­cées pour justifier le manque­ment au devoir sensé être fourni, ne sont que partiellement ad­missibles. Le secteur public ne manque ni de moyens humains et techniques, ni d’infrastructures, il souffre essentiellement de la mauvaise gestion, de la mau­vaise volonté, d’un déficit réel de civisme, de l’absentéisme, de la rareté de contrôles réguliers et de sanctions … mais aussi d’en­couragements, de l’implication de la société civile qui devrait mettre la main à la pâte pour le bien de tous.

Le manque de vision à long terme, au niveau de la formation des médecins, concerne beaucoup plus les facultés privées, qui ont été autorisées à ouvrir leurs portes dans la précipitation, sans un véritable plan prévoyant toutes les dispositions utiles et nécessaires.

Les assurances doivent revoir à la hausse les remboursements des frais de soins

L’État marocain, conscient de la dif­ficulté de maintenir un secteur public de la Santé, totalement à but non lucra­tif, et à l’instar d’autres pays, a créé des Établissements de santé gérés de ma­nière autonome (les SEGMA). Le but étant de soulager la facture des soins fournis à la population.

Cela explique clairement le coût ex­cessif des soins, la difficulté de toujours faire face à des charges exorbitantes et le recours, parfois, à des procédés pour mieux établir les équilibres financiers de certains Établissements de soins au risque de les voir déposer la clé !

Il s’agit d’un comportement adop­té par des entreprises, tous secteurs confondus.

Il n’est en aucun cas acceptable de voir les patients payer les frais d’une telle situation. Les cliniques privées ne devraient non plus en faire les frais. Ce sont des établissements privés, et tout manque à gagner va les mettre dans des difficultés financières difficiles à sup­porter.

La facturation au niveau des cli­niques est soumise à la loi des finances, dans son aspect financier, aux contrôles des Assurances et Mutuelles, privées et publiques, à qui revient la tâche de faire respecter les conventions, à chaque fois qu’il leur paraît nécessaire de le faire. Les patients peuvent effectivement ignorer leurs droits, mais ils oublient surtout leurs devoirs et l’obligation d’honorer les soins dont ils ont béné­ficié.

 La Loi donne aux patients le droit de choisir leur médecin et l’éta­blissement de santé qui leur convient. Les Assurances ne doivent absolu­ment pas leur imposer ni médecin ni Établissement. Ces assurances doivent revoir à la hausse les rem­boursements des frais de soins, taux qui pour la plupart d’entre eux, datent depuis des dizaines d’années. Leur réévaluation est sensée faire diminuer la charge supportée par les patients et le recours, que nous pouvons consta­ter, par certaines cliniques pour res­ter capables de fournir un service de qualité.

Par ailleurs, les chèques dits de ga­rantie, que les cliniques demandent aux patients, sont des avances sur frais. Libre à ces cliniques de les en­caisser ou non. Dans un esprit de les soulager et leur faciliter l’accès aux soins, les cliniques proposent aux patients de patienter quelques jours avant d’encaisser le chèque, com­portement que beaucoup de gens apprécient. Le nombre de chèques non payés et le refus de payer le dû peuvent expliquer la méfiance des cliniques.

Le droit de recevoir une facture est garanti. Celle-ci est fournie en un seul exemplaire pour éviter de l’exploiter par certaines personnes, auprès de plusieurs Assurances, comme le sti­pule la Loi.

Tout différend pourra déboucher sur jugement auprès des médecins de contrôle ou au niveau de la Justice.

Les honoraires sont cependant « libres », dans la mesure où ils sont bien expliqués au patient bien avant tout acte de soins. Le patient pourra soit les accepter soit les refuser. Il ne s’agit absolument pas de surfactura­tion, mais d’une « transaction » en commun accord.

Ce secteur de Santé privée est de loin le moins « touché » par le « Noir » que vous avez cité dans votre question. Nous avons tous eu l’occasion d’en faire l’usage dans les secteurs de l’immobilier, des salles de fête, et bien d’autres sortes d’ac­tivités.

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