Mezouar et la langue d’Esope

Hassan Alaoui

L’exercice auquel s‘est livré mercredi 23 janvier Salaheddine Mezouar, président de la CGEM, a-t-il été convaincant pour celles et ceux qui sont venus l’écouter et qui, dit-on, formaient le parterre le plus impressionnant de la presse nationale ? Longue prestation qui a excédé presque deux heures, compartimentée en trois axes principaux, la première partie – longue à la limite fastidieuse – consacrée à ce qu’il faut bel et bien appeler la mise au point avec le rappel des derniers événements ayant marqué la CGEM, ou plutôt un règlement de comptes, la seconde à la riposte méthodique et la 3ème enfin aux projets, au programme de développement de cette institution qui n’a jamais été autant exposée à ses nouvelles fragilités.

Autant dire qu’il n’y avait nullement de sérénité et l’échange participait d’un plaidoyer « pro domo », livré par le président Mezouar, soucieux de défendre son image que d’expliquer, prompt à se justifier, enclin à charger ce que certains de ses collaborateurs qualifient « d’ennemis ». L’exercice initial était de fédérer et de colmater les brèches d’une profonde crise avant de calmer une fois pour toutes les esprits. Y est-il parvenu ? Pour eux qui ont fait l’effort – ils ne sont pas légion – de bien lire et écouter entre les lignes, le style indirect auquel le président de la CGEM  a recouru, comme un fil d’Ariane, visait d’un bout à l’autre la personne de Mme Neila Tazi, ancienne vice-présidente, débarquée ex abrupto du bureau de la 2ème Chambre, malmenée ensuite par une camarilla d’hommes qui, dans un assaut inquiétant et anticonstitutionnel, se sont acharnés sur elle.

Quand il évoque « ceux qui ont remis en question son élection », qu’il a gagnée très largement avec 80% des voix, c’est naturellement pour battre en brèches ceux qui n’ont eu de cesse d’affirmer qu’il était tantôt le candidat parachuté, tantôt l’homme politique venu conquérir une institution économique toute vouée en principe à la défense de l’entreprise. «  J’étais l’extraterrestre, -affirme-t-il d’un brin moqueur et autosatisfait-, un politique alors qu’auparavant , il y a quelques années on me louait pour mon soutien au secteur privé »…Ici, la modestie comme le ridicule ne tue pas, sauf que le Moi perce comme une volonté de balayer d’un tour de main toute velléité de débat que lui-même, pourtant, appelle de ses vœux.

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Sur la question essentielle du Conseil d’administration, sa composition, les modalités ayant présidé au choix de ses membres, la « marge du tiers », il a rétorqué avec le ton tranquille de celui qui entend être le maître du changement, du Mezouar tel qu’en lui-même. Le recours au « Je » singulier n’en démord pas, il a décidé d’élargir le Conseil, il a choisi ses membres, tous fidèles et pour un peu lui manifestant l’allégeance, il a donc obtenu la représentation la plus élargie possible. Les statuts de la précédente mandature étaient-ils mis en œuvre et respectés ? Faux, encore faux, dit-il. « J’ai dit qu’ils étaient dépassés et exprimé ma volonté d’agir pour les changer », affirme-t-il ! La preuve ? Il a nommé un Comité statutaire pour ce faire.

« Il y a eu volonté de nuire (…) on a préféré l’extérieur et les médias pour débattre, alors que les questions internes doivent être débattues au sein de la CGEM »… Un tel vœu, si louable en effet, est vite démenti par ce propos qui relèverait d’un César : j’ai décidé de nommer le président du groupe parlementaire ainsi que le vice-président, c’est moi qui décide…En même temps, cette lumineuse phrase : « Il n’ y a pas de rente de position et je la combats, fini le fait du Prince »… Le sens de la formule ici n’abuse point ceux et celles qui savent à quoi s’en tenir dans cet indicible procès à charge contre la précédente mandature, quand bien même, il jouerait le tempo de l’anti-sexisme, car plus il s’efforçait de se peaufiner un visage de saint avec l’immaculée blancheur, moins il convainquait.

« Je veux mettre en place des règles et non le copinage » ! Même sans la nommer directement, Salaheddine Mezouar, vise sa prédécesseure qui a assuré deux mandats avec succès et, surtout, fait l’unanimité. Sur le départ précipité de Ahmed Rahhou, président du CIH et membre influent de la CGEM, Mezouar aura été plus qu’expéditif alors que l’affaire constitue un véritable cas de conscience et de moralisation publique. Il existe entre les deux hommes une relation d’amitié, certes, mais le président du CIH qui a joué un rôle essentiel dans la mise en œuvre d’une stratégie et d’une vision exemplaire n’est pas parti tout de go, au prétexte fallacieux – comme il a été dit – qu’il avait envie de changer. Il a fait l’objet d’attaques ad hominem, qui ont mis en cause outrageusement sa crédibilité, son intelligence par un certain entourage.

L’exercice oral de près de deux heures auquel s’est livré le président Mezouar ne laisse de surprendre in fine . A notre sens, s’il devait encore mettre le doigt sur la plaie, s’il devait de nouveau rallumer les feux, il ne se serait pas pris autrement, tant le propos – une véritable langue d’Esope – maquillait la critique menée au pas de charge et n’apaisait que peu la controverse.

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