Migration vers l’enseignement public : les écoles privées à genoux !

L’hémorragie continue dans l’enseignement privé. En plus du bras de fer avec les parents d’élèves, les retombées de la crise covid commencent à devenir très palpables. De plus en plus d’élèves migrent vers le public, poussant de nombreuses écoles à mettre les clés sous le paillasson et les chiffres le confirment cette fois-ci. L’école privée n’est pas au bout de ses peines !

Ils étaient 52.000 élèves à quitter le privé en 2019, selon les chiffres fournis par Saaid Amzazi, en passage devant la deuxième chambre en octobre dernier, cette année leur nombre a triplé. Plus de 150.000 élèves ont migré vers le public, soit 15% de la totalité des élèves inscrits dans les établissements privés, laissant derrière eux 48.000 personnes sans emplois et 1,5 milliard de dirhams de manque à gagner, selon les chiffres la Fédération de l’enseignement privé (FEP) de la CGEM. Des chiffres qui n’ont toujours pas été confirmés par le ministère de tutelle.

Contacté par MAROC DIPLOMATIQUE, Kamal Daissaoui, président de la FEP considère que c’est « un problème d’ordre socioéconomique dû à la crise covid, qui a fortement impacté la situation financière des familles marocaines, dont certaines ne sont plus en mesure de payer les frais de scolarité de leurs enfants ». Et pourtant, lors d’un entretien que le président de cette fédération nous avait accordé, il y a un mois, il avait insisté sur le fait que l’exode n’aura pas lieu, mais aujourd’hui, les chiffres disent bien le contraire. Interrogée sur ce fait, notre source tente de s’expliquer, en disant qu’à ce moment, la fédération n’avait pas mesuré l’impact de la pandémie au niveau social. Pour étayer ses propos, Kamal Daissaoui nous donne l’exemple de Marrakech, « une ville qui vit en grande partie du tourisme où des milliers de personnes travaillant dans ce secteur se sont retrouvées sans emploi », dit-il. Face à cette situation qui risque de faire couler l’enseignement privé, la fédération n’a plus d’autres choix que d’appeler à ce que l’État intervienne pour sauver les milliers d’emplois qui sont perdus.

Toutefois, si le retour des écoliers au public continue de prendre de l’ampleur, les conséquences risquent d’être catastrophiques pour le système en entier. Supposant que 20% seulement des effectifs du privé décident de migrer le public pour cette rentrée scolaire, qui s’annonce dans les prochains jours, cela représente tout de même plus de 200.000 élèves à accueillir ! On parle de plus de 400 établissements, sur la base de 500 élèves par établissement. Une mission impossible ! Notons qu’en 2019, 1,04 million d’élèves inscrits dans les écoles privées pour les trois niveaux de l’enseignement (primaire, collégial et secondaire) ont été recensés, soit 17% de la totalité des apprentis, d’après les derniers chiffres du département de l’Éducation. En plus du risque de contamination, un exode massif des élèves vers le système public pourrait saturer les capacités d’accueil de celui-ci et renouer avec le phénomène de massification au sein des classes, ce qui affectera considérablement la qualité des apprentissages scolaires.

Cet exode serait-il donc synonyme de perte de confiance dans le privé ? « Non, pas du tout », tranche notre source, qui considère que c’est question de moyens financiers avant tout, « cet exode vers le public touche des classes sociales déterminées, surtout celles qui se privaient pour pouvoir assurer un enseignement de qualité à ses enfants, donc, ils ont pris leurs enfants et l’ont inscrit au public à fortiori ».

Mais, Covid oblige, certains parents n’ont plus de quoi payer ces frais de scolarités, qui relèvent de la pérennité de ces écoles. « Les écoles sont des entreprises dont les seules recettes proviennent des frais payés par les parents, face à cela, il y a des dépenses et comme n’importe quelle entreprise et elle doit honorer ses engagements et payer ses charges, sinon elle ne pourra pas tenir longtemps », conclut le président de la FEP.

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