Modèle de développement : un rapport qui place les attentes des citoyens en tête des priorités

Par Taoufiq Boudchiche*

Le rapport relatif au Nouveau Modèle de Développement a été validé par Sa Majesté le Roi qui a donné ses hautes instructions afin d’enclencher sa diffusion publique lors d’une audience accordée au Président de la Commission (CSMD), le mardi 25 mai 2021.

Selon le communiqué du Cabinet Royal, après avoir félicité les membres de la CSMD pour le travail et les efforts accomplis, Sa Majesté Le Roi a également instruit le Président de la Commission d’engager une campagne d’explication et de sensibilisation auprès des citoyens et des forces vives sur les enjeux et la portée des contenus du rapport. Une conférence de presse a été organisée mercredi 26 mai à cet effet, qui a constitué un moment précieux d’explications et d’éclairages.

La validation royale du Rapport est déjà un atout positif pour les travaux de la commission et devrait lever certains doutes énoncés ici et là avant la publication du rapport sur les efforts et les résultats de ces travaux.

Ceci étant, que pourrait-on retenir de ce rapport – volumineux – , selon une première lecture qui doit nécessairement en appeler d’autres, sans pour autant entrer dans les détails du contenu. Car pour ceux-ci, tout un chacun pourra y revenir et apprécier, selon son point de vue, les différentes dimensions analysées par la Commission nationale spéciale pour le développement.

Un rapport très riche dans le fond et dans la forme : tracer « les contours d’un nouveau chapitre dans l’histoire du pays »

Le point de départ est bien sûr le discours de Sa Majesté qui , annonçant la création de la commission avait clairement indiqué l’objectif :

« …Si le Maroc, disait en substance le Roi,  a réalisé des progrès manifestes, mondialement reconnus, le modèle de développement national, en revanche, s’avère aujourd’hui inapte à satisfaire les demandes pressantes et les besoins croissants des citoyens, à réduire les disparités catégorielles et les écarts territoriaux et à réaliser la justice sociale… ».

Sur le fond et la forme, il faut d’abord rendre justice aux travaux de la Commission, qui ont pu en un laps de temps très court, mener avec compétence et efficacité un état des lieux, conduit un diagnostic participatif sur le terrain, une écoute des forces vives de la nation et décrypter l’ensemble dans le cadre de la trajectoire historique de développement du Royaume.

→ Lire aussi : Le nouveau modèle de développement : le timing, la substance, le message et la force tranquille

D’autre part, il s’agissait également de relever le défi intellectuel de restituer cette trajectoire historique de manière simple et synthétique dans le cadre des enjeux des mutations nationales et internationales. Ensuite,  formuler sur cette base, les contours d’un nouveau modèle de développement qui incarnerait, selon les termes utilisés dans le rapport,  « une nouvelle ambition nationale » et tracer les contours d’un « nouveau chapitre de l’histoire du pays » comme il est dit dans le rapport.

Un rapport qui a embrassé avec succès une multitude de problématiques  sectorielles et transversales

Comme il est indiqué, dans le rapport, l’approche analytique proposée par la commission pour conduire ses travaux, a été d’embrasser plusieurs problématiques entre le diagnostic, les orientations et les axes stratégiques du nouveau modèle  en adoptant, dans les termes utilisés par le rapport, une approche globale et systémique pour rendre compte de la complexité des enjeux et des différentes interactions entre les acteurs politiques et socioéconomiques du développement.

En effet, le rapport aborde autant les questions sectorielles (numérique, santé, éducation, agriculture, environnement, secteur informel …) que les questions transversales (modernisation de l’administration, financement,  territoires, partenariat public-privé, apports des marocains du Monde,…). On notera une emphase particulière et bienvenue du rapport sur le tiers- secteur constitué de toutes ces structures intermédiaires entre l’Etat et le citoyen dont il est préconisé de libérer le potentiel (communautés territoriales, corps intermédiaires, ONG, associations de la société civile, etc.). Ce potentiel permettrait également de consolider le volet démocratique inspiré par le nouveau modèle en renforçant la démocratie participative au côté de la démocratie représentative.

Le rapport va susciter un débat national salvateur, le nouveau modèle de développement n’est pas un programme politique mais indique les chemins d’un projet sociétal et institutionnel rénovés

Le rapport comme souligné par le Président de la CDSM lors de la conférence de presse, ne veut en aucun cas constituer un substitut d’aucun programme politique et de quelque parti que ce soit. En effet, à sa lecture, on constate qu’il suggère  des orientations « de cadrage politique », dont la plupart d’ailleurs issues de la constitution du Royaume,  sans pour autant imposer une ligne idéologique et/ou politique.

L’accent est mis sur un projet sociétal rénové tout en étant enraciné dans l’histoire millénaire du Royaume, l’une des plus vieilles nations du Monde, est-il  rappelé. Le projet sociétal souligné est  appelé à se rénover en permanence dans le cadre, notamment,  des valeurs constitutionnelles consacrées du Royaume : raffermissement de l’Etat de droit et des libertés publiques, reddition des comptes, consolider l’ouverture économique, progresser vers la justice sociale, attachement à la diversité culturelle…

Cette rénovation sociétale doit se faire sur la base d’un socle commun de valeurs. Le rapport évoque « un référentiel commun » dans le cadre d’une dynamique d’un « Etat fort articulé à une Société forte ». Cela sera l’objet d’un nouveau « Pacte National de Développement » qui s’inscrira dans le temps long. L’institution monarchique, selon le Président de la CSMD, permet cette singularité marocaine d’inscrire les réformes structurelles dans le temps long au-delà des contingences partisanes et électorales. C’est un atout considérable en effet.

Un rapport qui préconise des innovations institutionnelles, le pacte national de développement sera doté d’un statut solennel particulier et d’un mécanisme de suivi sous l’égide de Sa Majesté le Roi

La question de la mise en œuvre des réformes et recommandations suggérées dans le rapport continuera d’alimenter les débats dans les prochains jours. Quelques indications ont été suggérées.

D’abord, la création d’un consensus national sur les valeurs et le projet de société, comme souligné plus haut, est proposé qui sera l’objet  du nouveau Pacte National de Développement.

Ce pacte, selon les indications signalées par Monsieur Chakib Benmoussa en conférence de presse, fera l’objet d’un acte solennel de signature par les représentants institutionnels et des forces vives de la Nation. Le pacte national de développement sera doté d’un mécanisme de suivi placé sous la Haute Autorité de Sa Majesté le Roi.

Le mécanisme de suivi permettra d’évaluer la mise en œuvre des orientations préconisées par le nouveau modèle de développement et d’apporter si nécessaire les corrections nécessaires dans le cadre d’une évaluation continue. A cet effet, le rapport suggère un horizon d’agenda 2035 et des indicateurs mesurables d’évaluation de la nouvelle trajectoire de développement.

Un rapport qui a placé les attentes du citoyen en tête des priorités pour les réformes préconisées en développant un nouveau modèle « maroco-marocain » de mobilisation nationale

Comme mis en exergue par le Président de la CSMD, le rapport doit aussi être considéré comme  un levier d’intelligence collective qui a  placé les attentes du citoyen recueillies sur le terrain en tête des priorités pour apporter les réponses nécessaires  aux freins et limites  de notre  modèle de développement actuel.

A l’examen du contenu clair du rapport et des conclusions fortes et audacieuses, mais réalisables, l’exercice est réussi par la CSMD. L’esprit de la réforme du modèle souhaité par le Souverain qui avait orienté les travaux de la commission en indiquant que :

« … Nous attendons de cette commission qu’elle remplisse son mandat avec impartialité et objectivité en portant à Notre connaissance un constat exact de l’état des lieux, aussi douloureux et pénible puisse-t-il être. Elle devra aussi être dotée de l’audace et du génie nécessaires pour proposer des solutions adaptées… ».

Il convient après cette incitation royale au changement de nous mobiliser citoyens et acteurs de la société politique et civile pour contribuer à préparer le Maroc souhaitable à l’horizon de 2035.

L’horizon est relativement court. Ce sera l’horizon de voir grandir notre jeunesse dans un pays qui doit leur redonner confiance dans l’ambition de leur nation. Ce sera, pour reprendre une nouvelle fois, les termes du rapport,  le Maroc de la prospérité également partagée, le Maroc de la résilience contre les crises, le Maroc des compétences, le Maroc inclusif et solidaire, le Maroc ouvert sur le Monde tout en préservant son enracinement culturel  millénaire.

*Économiste

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