Nasser Bourita, le soliste virtuose de la diplomatie nationale

D’ores et déjà, Nasser Bourita peut s’enorgueillir de figurer bien en vue parmi les trois ou quatre plus performants ministres des Affaires étrangères de l’histoire moderne du Royaume, et certainement en tête de liste de ses homologues d’Afrique et du monde arabe.

 Acinquante-deux ans, cet enfant de Taounate a accompli des exploits diplomatiques dignes d’un authentique homme d’Etat comme on n’en a pas vu parmi nous depuis Ahmed Balafrej (7 décembre 1955-16 avril 1958), My Abdallah Ibrahim (24 décembre 1958-21 mai 1960) et même Hassan II (2 juin 1961-5 janvier 1963) qui ont dirigé alors de main de maître la jeune diplomatie nationale. Chronique d’un parcours diplomatique sans faute étalé sur près de trente ans.

S’il est un diplomate marocain dont les chancelleries internationales, les mille-feuilles des institutions européennes et les arcanes onusiens connaissent l’acharnement patriotique depuis les lendemains de l’implosion du Glacier soviétique, c’est bien ce Nasser-là qui avait vite compris que l’ère du nassérisme, du tiers-mondisme, du baassisme et du collectivisme était bel et bien révolue.

Bien évidemment, depuis qu’il fut fait secrétaire général du ministère en août 2011, et surtout depuis sa nomination au poste de Secrétaire d’Etat en février 2016, il était solidement outillé d’une vision royale claire doublée d’une feuille de route exhaustivement fournie en étapes décisives dans le traitement diplomatique de la cause saharienne.

Déployer une coopération bilatérale dynamique avec l’Afrique subsaharienne, étendre le plus largement cette coopération aux flancs anglophone, lusophone, hispanophone…du continent noir, retrouver, le moment venu et la tête bien haute, la place naguère désertée au sein de l’organisation panafricaine, puis capitaliser sur les retombées de ladite coopération, notamment au chapitre des retraits de la reconnaissance de la fumeuse RASD et enfin donner le coup de grâce à cette dernière au sein même de l’Union africaine et de l’ONU. Telle était la feuille de route chevillée à la vision souverainiste de Mohammed VI, le véritable maître constitutionnel du «domaine réservé» qu’est la diplomatie.

Bénéficier d’une telle vision, si ambitieuse, et d’une telle feuille de route aussi claire a, certes, constitué l’atout majeur du sacerdoce diplomatique exécuté avec brio, comme une partition de musique, par le jeune quinquagénaire issu de Taounate, la ville saâdienne qui s’illustre par la plus grande réserve d’eau du Royaume. Il fallait, en effet, un soliste de talent pour interpréter la partition marocaine du concerto géopolitique africain et celle de la symphonie géostratégique internationale. Nasser Bourita était ce soliste qui s’est révélé véritablement en virtuose !

Il fallait surtout suffisamment de courage pour, chose nullement aisée, mettre KO sur le ring diplomatique africain tant de commis-bluffeurs de la Junte militaire algérienne.

Davantage encore de courage pour tancer le voisin du Nord soupçonné à juste titre d’intervenir auprès de la nouvelle administration américaine en vue de l’inciter à retirer la reconnaissance par l’Oncle Sam de la marocanité des provinces sahariennes. Une Espagne qu’on dirait soudainement frappée de spasmes paranoïaques quant à l’éventuelle installation de bases américaines au Maroc, entre autres. La même Espagne exhortée, ainsi que l’ensemble des pays de l’UE, dès le 15 janvier dernier, à «sortir de leur zone de confort et à suivre la dynamique des États-Unis». «Une partie de l’Europe doit être audacieuse, car elle est proche de ce conflit», avait déclaré le diplomate-en-chef marocain, faisant ainsi allusion à l’Espagne.

La mise en musique du principe des «rapports d’égal à égal», qui constitue le rhizome de la doctrine de Mohammed VI à l’égard de l’Europe depuis qu’il était encore le Prince héritier, alors auteur d’une audacieuse thèse de doctorat sur les «relations entre le Maghreb et la CEE», exigeait rigueur et audace, comme en témoigne le report sine die, à deux reprises, à la demande du Maroc, du sommet bilatéral initialement prévu le 17 décembre 2020. Sans rappeler qu’en août 2014, le Maroc avait déjà suspendu sa coopération en matière de sécurité avec l’Espagne, après que la Garde civile eût osé intercepter – «par erreur», avait-on dit – le yacht dans lequel Mohammed VI naviguait dans les eaux de Ceuta à destination de Tanger.

Le temps de la tolérance zéro en matière de dignité marocaine est donc bel et bien arrivé !

Il en fut logiquement de même quand le Sieur Miguel Berger, secrétaire d’État allemand aux Affaires étrangères de son état et néanmoins originaire d’Espagne, s’était rendu coupable d’entourloupettes «manigancières» ayant abouti à la crise inédite que traversent les relations germano-marocaines pourtant considérées jusqu’il y a peu comme étant «traditionnellement proches, amicales et sans tension». D’autant que ce secrétaire d’Etat allemand qui semble avoir un étrange ascendant sur son ministre, n’avait pas lésiné en visites à l’illustre Malade algérien sur son lit d’hôpital, selon des sources concordantes.

Il est également un exploit marocain que la diplomatie allemande sous la conduite du trouble personnage susnommé a activement tenté de minorer. Il s’agit de la longue, patiente et laborieuse action marocaine en faveur de la réconciliation des différentes parties tribales et politiques libyennes.

Des témoignages oculaires attestent de l’implication totale de Bourita, parfois jusqu’à l’aube, dans tous les rounds de négociation entre Libyens, aussi bien à Skhirat qu’à Bouznika. Les appétits hégémoniques russes et turques, tout comme les appétences pétrolières et gazières européennes, ne furent pas absentes de ces négociations et l’intercession marocaine fut reçue comme une interférence mal appropriée par ces puissances qui rechignent à reconnaître au Royaume son statut de leader régional et continental.

Bien que sa doctrine, sa dimension visionnaire et sa partition géostratégique est due au Souverain, la diplomatie marocaine est admirablement orchestrée et mise en musique par l’enfant de Taounate dont le paysage politique marocain si terne n’attendait aucunement l’irruption en ces temps si venteux et, à maints égards, tsunamiques. Nasser Bourita, dûment épaulé par les outils stratégiques de souveraineté que sont la DGED et la coopération policière internationale pilotée par Hammouchi au moyen de ses performants organismes, a prouvé que le volontarisme et l’audace paient à la longue.

De par sa capacité à camper la complexité des situations géopolitiques régionales, continentales et internationales et la vivacité de sa réactivité, Nasser Bourita nous rappelle l’aplomb du jeune Bouteflika du temps de Boumediene, le sens de l’opportunité mâtiné de sérénité de Saoud ben Fayçal ben Abdelaziz (1975-2015) et le courage de son compatriote meknassi Michel Jobert du temps de Pompidou.

Lui rendre hommage aujourd’hui participe de la considération unanime que porte le peuple marocain à son Souverain au diapason de la restauration du rayonnement diplomatique national à travers le monde.

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