Neila Tazi-Abdi au Forum de Dakar sur la migration : L’Afrique reste notre partenaire privilégié

Vice-Présidente de la Chambre des Conseillers, Neila Tazi Abdi a conduit du 12 au 15 février une importante délégation parlementaire au Forum organisé à Dakar sur « les enjeux et défis de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO et de la problématique de la migration ».A cette occasion, elle a prononcé une importante allocution qui est un polaidoyer pour une nouvelle vision sur le phénomène de la migration. Voici le texte intégral de son intervention :

 Honorable Monsieur Moustapha Cissé Lo, Président du Parlement de la CEDEAO,

Honorable Monsieur Moustapha NIASSE, Président de l’Assemblée Nationale de la République du Sénégal,

Honorables Présidents de Parlements et d’Assemblées Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Honorables Invités,

« Permettez-moi tout d’abord d’adresser mes vifs remerciements à la République du Sénégal pour l’accueil si chaleureux qui nous a été réservé dès notre arrivée à Dakar et pour la qualité et la réussite de l’organisation de cet important évènement. Mes remerciements s’adressent particulièrement à son Excellence Monsieur Macky Sall, Président de la République du Sénégal et à l’honorable Moustapha Cissé Lo, Président du Parlement de la CEDEAO. Cet espace de coopération et d’intégration qui n’aurait pu voir le jour ni se renforcer sans l’énergie et la motivation de dirigeants visionnaires.

En qualité de Vice-Présidente de la Chambre des Conseillers du Royaume du Maroc (l’équivalent du Sénat) je suis ravie de prendre part aux travaux de ce forum accompagnée d’une délégation représentant le Parlement Marocain et ses deux chambres. La réforme constitutionnelle de 2011 a donné à la Chambre des Conseillers une place particulière dans notre édifice institutionnel. Elle réunit en son sein toute les compétences et les expertises des forces vives de la nation.

Aux cotés des représentants des Collectivités locales, siègent les représentants des Chambres professionnelles, ceux des Syndicats et ceux du Patronat, que j’ai l’honneur de représenter. Cette complémentarité entre nos deux Chambres est mise à profit pour renforcer la performance et la  qualité des lois pour bâtir un Etat de droit dans une démocratie moderne capable de faire face à tous les défis et celui de la migration en est un.

Tous les experts internationaux s’accordent à dire que l’Afrique sera le continent de demain. Pour tous l’Afrique  se conjugue au futur proche. Loin des idées reçues et du destin tout tracé que certains s’étaient empressés de lui baliser, le continent bouillonne d’énergies, foisonne d’initiatives pour dessiner ses propres perspectives. Dans la foulée de sa jeunesse, il impressionne – surprend même – par son inventivité et sa créativité. La force du continent c’est sa population et la vitalité de sa jeunesse.

Toutes les études nous expliquent que l’un des grands changements à venir est l’accroissement de la population de notre continent. L’Afrique compte aujourd’hui un milliard deux cent millions d’habitants, elle avoisinera les deux milliards cinq cent millions  en 2050. Les moins de quinze ans représentent 41 % de la population africaine, les moins de 24 ans 60 %. En 2050, l’Afrique devrait être la seule région du monde à avoir moins d’un quart de sa population âgée de plus de 60 ans.

>>Lire aussi : Le Maroc, un modèle en matière de gestion des questions de migration

Le poids du Nigéria dans le monde

Le Nigeria fera partie des 7 pays du monde les plus peuplés, après la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, l’Indonésie, le Brésil et le Pakistan; c’est vous dire la puissance et la vitalité de notre continent. Cette vitalité est une chance. Ce capital humain un véritable levier de développement économique, un élément de puissance de l’Afrique.

Si  des hommes et des femmes partent, prennent le risque de laisser leur village et leur famille, c’est qu’ils sont poussés par la misère, par le chômage et par les inégalités sociales…Les causes en sont multiples. Malheureusement certains tentent d’effacer de la mémoire collective le fait que la migration est depuis toujours inscrite dans le fonctionnement même de nos sociétés.

Comme l’a souligné avec conviction Sa Majesté Mohammed VI , dans son discours du 30ème Sommet de l’Union Africaine, au cours duquel il a présenté « l’Agenda Africain pour la Migration » : (je cite) « il est temps de déconstruire, un à un, les mythes associés à la migration….il n’y a pas de déferlante migratoire puisque les migrants ne représentent que 3,4% de la population mondiale…. la migration est un phénomène naturel qui constitue la solution et non pas le problème ».

En effet les statistiques en la matière sont sans équivoque : l’Europe n’est pas la destination principale des Africains. La migration africaine constitue une part marginale des mouvements vers les pays développés.  Elle est d’abord intra-régionale. 80 % de ces migrations se font entre pays du Sud. En revanche, et il faut le dire d’une voix qui porte, environ 30 000 (trente mille) migrants sont morts en tentant de rejoindre l’Europe depuis l’an 2000. Et la capacité d’indignation des bonnes âmes de «  l’Europe qui protège » s’éteint de jour en jour.

Face à ce drame l’Europe s’est fixé comme priorité d’abord de stopper les flux migratoires en direction de l’Europe,  et non  pas d’en éteindre les causes.   En vérité l’Europe a fait le choix de construire une Europe forteresse. Elle s’est fixé pour mission principale la surveillance des côtes et la chasse aux migrants, alors que l’humanité exige un devoir de fraternité et la politique commande une responsabilité partagée dans l’écodéveloppement, d’autant que le changement climatique va bouleverser notre écosystème avec une série de conséquences géopolitiques qui surplombent toute la réalité politique.

La question « qui sont ces migrants et pourquoi quittent-ils leur pays ? » ne semble intéresser personne. C’est pourquoi je me réjouis de voir mon pays esquisser une véritable politique d’accueil et de régularisation de dizaine de milliers de migrants. Dans ces conditions, la coopération Sud-Sud apparaît comme un élément essentiel d’une stratégie visant à répondre aux défis et aux dangers naissants qui menacent la région. Elle est aussi le moyen pour les pays africains d’amorcer un changement technique, de transformer la structure de leur économie et de poser les bases d’une croissance vigoureuse et durable.

Le Maroc n’a cessé depuis toujours de démontrer à quel point l’intégration économique du continent africain est une nécessité, une force motrice du développement de nos pays. Le  Maroc dessine une nouvelle approche de ses relations économiques sur le continent. Pour les opérateurs marocains l’Afrique se conçoit comme un Grand continent. Un continent exerçant son influence sur l’économie mondiale, une influence qu’il répand partout où il peut porter son talent, son génie, sa culture et ses atouts.

En février 2014 à Abidjan, le Roi Mohammed VI  énonçait une phrase qui a marqué un tournant dans l’esprit de chaque marocain, et je cite  « L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique » (fin de citation). Oui cette confiance est le socle du partenariat, de l’intégration et de l’union. Et nous devons faire vite car le futur est déjà là. A la mémoire de tous ceux et celles qui ont risqué leur vie, je terminerai par une célèbre phrase de Léopold Sédar Senghor :

« Non, vous n’êtes pas morts gratuits. Vous êtes les témoins de l’Afrique immortelle, vous êtes les témoins du monde nouveau qui sera demain. »

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