Nominations : faut-il craindre le coup de balai de Joe Biden ?  

Le 20 janvier 2021, le nouveau président élu Joe Biden, succédera officiellement à Donald Trump. S’il a fallu plusieurs mois voire des années au Républicain pour nommer les nouvelles personnes aux postes clé, Joe Biden, lui, n’a pas perdu une minute et a déjà nommé de nouvelles têtes depuis son élection. En tout, ce sont près de 4000 postes qui sont renouvelés à chaque administration dans le cadre du « Spoil System ». De quoi s’agit-il ? Et que risquent les partenaires dont le Maroc, face à ce renouvellement au sommet de l’État ?

Le Spoil System, ou le « système des dépouilles » en français, est un outil que beaucoup de pays envient certainement aux Etats-Unis. Il consiste en un grand ménage de l’administration en cours lors de l’alternance. En effet, la tradition américaine depuis le 19e siècle lors de la victoire de Jackson, veut qu’à chaque changement de bord politique, une nouvelle nomination de personnes, qui seront loyales et dévouées au nouveau président et à la majorité ait lieu. Ainsi, grâce à ce système qui s’oppose au « merit system », la politique du nouveau gouvernement est plus efficace selon ses promoteurs, car ils ont été nommés pour « appliquer cette politique et non pas assurer une forme de continuité de l’État et mettre en place des barrières aux réformes » nous explique Mohamed Badine el Yattioui, chercheur en Relations Internationales. Autrement dit, le « spoil system » permet de récompenser ceux qui ont aidé la campagne, ce qui revient à privilégier la connivence plutôt que la compétence explique la littérature disponible à ce sujet.

Parmi ces quelques 4000 personnes qui sont concernées par ce grand ménage, plus de 1000 doivent être auditionnées et confirmées par le Sénat, dans le cadre de la procédure du Check and Balances. Un quota qui reste toutefois moindre puisque ce sont près de deux millions de fonctionnaires fédéraux qui servent les Etats-Unis chaque année. Ainsi, ce système permet de régénérer les élites de la haute fonction publique avec des profils bien spécifiques, parfois des proches du président nouvellement élu.

Avantages, limites…
L’avantage d’une telle procédure, que certains pays ont voulu emprunter à plusieurs reprises à l’instar de la France de Macron, est que « le gouvernement est entouré de conseillers qui sont à ‘sa botte’ et qui vont appliquer à la lettre ses recommandations, puisqu’ils sont nommés, mais savent qu’à la fin du mandat du gouvernement ils seront mis de côté et rendront leur tablier » explique le chercheur. Une procédure qui par ailleurs engendre beaucoup de passages au Sommet de l’État. Un autre avantage, serait cette possibilité de passage du privé au public, et vice versa. Il s’agit d’un point positif car cela « permet de sortir des clichés du haut fonctionnaire qui passe toute sa vie, fermé aux changements de la société et aux évolutions ».

Il existe toutefois des inconvénients, parmi ceux qui reviennent le plus souvent, la nomination de personnes pour leur proximité avec le dirigeant et non plus pour leurs compétences et leur mérite. Pour El Yattioui, la question du conflit d’intérêt est aussi une limite de ce système. « Une personne nommée a une fonction publique et qui auparavant appartenait à une fonction privée, non seulement provoque un manque de continuité au sein de l’État, du fait de tous ces changements, mais peut dans certains cas causer des conflits d’intérêts. »  

Le Maroc doit-il craindre cette vague de nouvelles nominations ?
Selon El Yattioui, la question du « Spoil system » ne devrait pas influencer quoi que ce soit pour le Maroc, tant que le département d’État, la Maison Blanche et le Pentagone (accord de défense sur une période de 10 ans) ne changent pas d’avis. « Ce qui nous intéresse plutôt dans ce cas, c’est la nomination de Blinken. Car c’est certainement ce dernier avec Joe Biden qui nommeront par exemple le futur ambassadeur. Et ce dernier, quel qu’il soit (homme d’affaires, universitaire, homme politique…) sera tenu d’appliquer la politique voulue par les deux premiers. Les signaux sont positifs car Blinken n’est pas contre le Maroc à priori, il faut donc pas trop s’inquiéter ».  

La vraie question qu’il faudrait plutôt se poser explique la même source, est du côté de la Maison Blanche. « S’ils ne reviennent pas sur la décision de reconnaissance faite par Trump, il n’y aura pas de souci à se faire. D’ailleurs c’est de plus en plus compliqué pour les pro-polisario de défendre cette thèse, car les accords faits par l’administration Trump avec le Maroc, ficelle assez bien la suite des évènements. » 

En résumé, jusqu’à présent, les nominations faites par Biden ne vont pas à l’encontre des intérêts du Maroc, mais il faut rester méfiant nuance toutefois le chercheur, car la décision de Trump en a surpris plus d’un aussi. « Mais pour le moment, nous n’avons pas de personne démocrate anti-marocaine qui a été nommée. Par ailleurs, le fait d’avoir combiné rapprochement avec Israël et reconnaissance du Sahara marocain, permettra peut-être d’avoir le soutien du lobby pro-israélien américain, l’AIPAC. » Il deviendra alors peut-être compliqué pour Biden d’écouter et suivre les pro-polisario sur place conclut-il.

 

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