Omar Hilale : « Cette crise pandémique mondiale a provoqué une montée du nationalisme, l’isolation et le repli sur soi de plusieurs pays »

Dans un monde déjà craquelé, la Covid-19 est venue ajouter à la fragmentation de la géopolitique et à l’instabilité des relations internationales. Une pandémie qui a été révélatrice de déficits et de dysfonctionnements existants auparavant et a mis en emphase les défaillances de la mondialisation. D’où la question qui s’impose d’elle-même : la pandémie nous mènera-t-elle vers la démondialisation ou au contraire vers une remondialisation plus équilibrée ? Par ailleurs, la crise sanitaire a permis aux États de mettre le point sur leurs forces parallèlement à leurs faiblesses. À tel point que les grandes puissances même ont pris conscience de la nécessité de leur indépendance économique notamment commerciale et industrielle. En somme, cette crise sanitaire qui a pris de court le monde entier le mettant face à ses limites a donné à voir la fragilité et les discordances au niveau des institutions internationales. Pour faire un tour d’horizon et comprendre un peu plus ce qui se passe sur le plan des relations internationales qui seront certainement impactées par la crise sanitaire, qui mieux que M. Omar HILALE, ambassadeur du Maroc auprès de l’ONU pour le faire, connu par son cursus de diplomate hors pair, son érudition, sa sagacité, ses analyses pertinentes, et surtout sa maîtrise des dossiers. Entretien.

  • MAROC DIPLOMATIQUE : Le Covid-19 bouscule, de plus en plus, les perceptions du monde et ébranle nos fondamentaux à tel point qu’on lit et entend partout qu’il y aura un avant et un après-Covid-19. Quelle en est votre lecture et comment voyez-vous l’ère post-Covid-19 ?

Omar HILALE : COVID-19 a été un révélateur de l’impréparation tant des États que des institutions internationales à faire face à de telles pandémies. Pourtant, des experts épidémiologiques, des think thanks et surtout la CIA dans son rapport de 2006, avaient bien prévu une telle catastrophe sanitaire en tant que menace sanitaire et économique à la paix et à la sécurité internationales. Ce signal d’alarme n’a malheureusement pas été pris en considération, voire ignoré. L’effet de surprise dépassé, avec son lot de morts et de désordre planétaire, les gouvernements ont su réagir drastiquement, pour la contenir et gérer ses conséquences socio-économiques fort désastreuses. Dans ce contexte de crise, nous devons être fiers de notre pays. Grâce à la clairvoyance de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu L’Assiste, le Maroc a été parmi les premiers pays à prendre des mesures courageuses anticipatrices, qui ont forcé l’admiration internationale. Y aura-t-il un monde différent après le COVID-19 ? Ce serait prétentieux de ma part de prédire l’avenir, tant que l’on n’aura pas déterminé la portée de cette pandémie et le spectre de ses conséquences. Pour le moment, je pourrais juste vous dire que le jour de l’après-COVID sera identique à la veille. Cependant, le corpus des priorités nationales et internationales s’en trouvera réadapté ou bien changé. En effet, l’accent sera davantage mis sur les impératifs sociologiques, écologiques et climatologiques. La réduction de la dépendance de l’étranger est aussi à l’ordre du jour de nombreux pays, car il y va de leur stabilité socio-politico-sanitaire voire leur souveraineté avec son corollaire de la bonne gouvernance.

  • MD : Représentant permanent du Maroc aux Nations unies, à Genève, en 2006, puis à New York, depuis le 14 avril 2014, après avoir été ambassadeur du Maroc à Singapour, en Nouvelle-Zélande, en Australie puis en Indonésie. De 2005 à 2006, vous avez été Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération. En 2019, vous avez été réélu pour la deuxième année de suite, par le Groupe africain des Nations unies, Vice-président du Conseil exécutif de l’UNICEF. En avril 2020, vous êtes nommé facilitateur du processus de renforcement des organes des Traités des droits de l’Homme de l’ONU. Monsieur l’ambassadeur, c’est dire qu’avec vous, la diplomatie est un mode de vie. Comment peut-on réussir tous ces rôles et surtout s’acquitter de missions aussi lourdes ?

– O.H : Pour moi, la diplomatie est plus qu’un style de vie. C’est une passion. C’est une mission que j’ai la chance et l’honneur d’accomplir, au quotidien, pour mon Roi, Que Dieu L’Assiste, pour mon pays, et pour notre cause nationale. Si c’était à refaire, je choisirai sans hésitation la diplomatie. S’agissant des responsabilités onusiennes que j’ai l’honneur d’assumer, je dois préciser qu’elles sont confiées en premier lieu au Maroc, en raison de ses réalisations et ses engagements, au niveau national et international, grâce à la vision Royale pour un Maroc rayonnant internationalement, respecté et crédible mondialement, et sollicité en tant qu’interlocuteur et acteur de confiance. Je ne suis que l’humble exécuteur de la vision Royale.

Ces responsabilités tant par leur poids que dans leur diversité, me galvanisent et me poussent à donner le meilleur de moi-même, au service des Nations unies, au nom du Royaume. Je voudrais saisir cette occasion pour rendre hommage à mon staff diplomatique à 75% féminin, cité en exemple avec fierté à New York. Ces diplomates font preuve d’abnégation, de sacrifice et de hautes qualités professionnelles.

  •  MD : Avec l’ambassadeur de la Suisse, également co-facilitateur de ce processus, vous devriez soumettre, d’ici septembre, un rapport au président de l’Assemblée générale de l’ONU, exposant des recommandations à examiner, afin d’évaluer et de décider des mesures à prendre pour renforcer et améliorer le fonctionnement efficace du système des organes conventionnels des droits de l’Homme. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

– O.H : Tout d’abord, il est important de souligner que la nomination du Maroc pour mener le processus de révision d’un des piliers des mécanismes onusiens de promotion et de protection des droits de l’Homme, en l’occurrence les Organes conventionnels des droits de l’Homme, est le fruit des grandes avancées de notre pays dans ce domaine, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi, Que dieu L’Assiste. Elle témoigne également de la crédibilité dont bénéficie le Royaume sur la scène internationale, en particulier en matière des droits de l’Homme. S’agissant du processus en cours que je mène conjointement avec l’Ambassadeur de la Suisse, nous l’avons basé sur trois principes : la transparence, l’inclusivité et le consensus. La première phase, en juin, a été la collecte des contributions écrites sur les idées et positions de tous les acteurs concernés par le renforcement des organes des traités. La seconde phase, en août, a été des consultations informelles, à New York puis Genève, avec les États membres, les Présidents des Organes Conventionnels, la société civile et avec le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme. La troisième phase sera la préparation de notre rapport final au Président de l’Assemblée générale, qui contiendra notre évaluation du système des organes conventionnels et nos recommandations sur les voies et moyens pour le renforcer.

  • MD : Quelles sont les réalisations du Royaume qui ont animé sa reconduction pour une deuxième année à la tête du Segment humanitaire de l’ECOSOC, ce qui représente d’ailleurs une première dans les annales du Conseil Economique et Social des Nations unies ?

– O.H : Vous avez raison, la présidence du Maroc du segment des Affaires humanitaires de l’ECOSOC pour deux années consécutives est véritablement une première dans les annales des Nations unies. En effet, la reconduction du Maroc pour un deuxième mandat, en 2020, représente une reconnaissance de la part des membres des Nations unies des acquis réalisés et des innovations apportées par la présidence marocaine de cet Organe, en 2019. Le Maroc a, en deux ans, instauré de nouvelles pratiques et des méthodes de travail qui ont permis de renforcer le segment humanitaire de l’ECOSOC.

Il s’agit, entre autres, d’un travail de réflexion approfondie pour définir les thèmes et les priorités du segment, notamment à travers des consultations élargies, à Genève et New York, avec tous les acteurs humanitaires, notamment ceux sur le terrain. Le Maroc a également mené une initiative pour des visites sur le terrain, dont la première a été effectuée dans les trois pays affectés par le Cyclone Idai, à savoir le Mozambique le Zimbabwe et le Malawi. Une autre visite était programmée pour trois pays du Sahel -Burkina Fasso, Niger et Mali- en mars dernier, malheureusement compromise par la Covid-19. Enfin, la culmination de la présidence marocaine a bel et bien été l’Appel à l’Action, en appui à la réponse humanitaire à la Covid-19. Cet Appel a reçu un soutien record de 173 États et organisations régionales, dont l’UE et l’UA. L’Appel contient des dispositions et des mesures concrètes pour renforcer l’assistance humanitaire dans le contexte de la pandémie de Covid-19.

  •  MD : La présidence par le Maroc du Conseil d’Administration de l’UNICEF constitue une reconnaissance éloquente et une consécration distinctive des valeureuses actions et initiatives entreprises par le Royaume pour préserver et promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant. Pouvez-vous nous en dire plus ?

– O.H : La Présidence par le Maroc du Conseil exécutif de l’UNICEF est doublement importante. Primo, elle conforte internationalement les excellentes initiatives prises par le Maroc sous la conduite clairvoyante de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu L’Assiste, et l’engagement personnel et résolu de Son Altesse Royale la Princesse Lalla Meryem, qui ont fait de la promotion et de la protection des droits de l’enfant une priorité nationale, et ce, bien avant l’adoption de la Convention Internationale des droits de l’enfant. L’UNICEF a nommé La Princesse Lalla Meryem qui a, d’ailleurs, reçu de l’ONU, le 23 novembre 2019, le titre de « Championne des Nations unies pour les Générations montantes » -Generation Unlimited-, qui est une distinction couronnant des décennies de militantisme, de défense et de service pour les droits de l’enfant. Secondo, elle représente une marque de confiance de la part de la communauté internationale envers notre pays, en vue de guider l’action mondiale en faveur de la protection des droits de l’enfant, au niveau international. Cette présidence a été menée dans un contexte hautement symbolique, marqué par la célébration du 30e anniversaire de la Convention sur les droits de l’enfant et le début d’une décennie d’actions audacieuses afin d’atteindre les objectifs du Développement Durable d’ici 2030, y compris l’objectif de « ne laisser aucun enfant pour compte ».

  •  MD : Cette crise qui a pris de court le monde entier a révélé sa fragilité et celle des institutions internationales. Aujourd’hui, la question du multilatéralisme se pose avec insistance. N’est-il pas temps de mettre en place des institutions multilatérales qui puissent répondre aux crises mondiales telles que l’actuelle crise sanitaire ?

 – O.H : En effet, la crise de Covid-19 a suscité un grand débat sur le devenir du multilatéralisme. Depuis le début de ce phénomène global, le monde a visiblement vécu un déficit de concertation entre les États pour faire face aux impacts multidimensionnels de la pandémie (sanitaire, humain, économique, écologique…) Cela illustre un énorme manque à gagner dans la manière de faire valoir le multilatéralisme à l’heure de la Covid-19. Cette crise pandémique mondiale a provoqué une montée du nationalisme, l’isolation et le repli sur soi de plusieurs pays. Au sein de l’ONU, plusieurs pays ont pris des décisions unilatérales pendant cette crise sur des questions diverses, à un moment où les choix des politiques devraient être conduits d’une manière plus concertée et consolidée entre les acteurs internationaux. En plus de cela, le désaccord sémantique entre les deux grandes puissances économiques mondiales a également accentué cette situation, montrant un certain écart entre la réalité de la globalisation et les lacunes d’un système multilatéral, affaibli par la polarisation de ses acteurs. Bien des fractures ont réapparu suite à cette crise. Même si elles sont éphémères, elles ont démontré qu’il y a une réelle crise du multilatéralisme qu’il faut résoudre. En une phrase, les instances multilatérales à l’instar de l’ONU doivent aujourd’hui être encouragées, gagner en efficacité et se libérer de l’anaphore rhétorique et des discours politiques. Cette exigence de changement vers plus de pragmatisme multilatéral n’est pas consécutive de la seule crise pandémique. Elle est induite par différents secteurs clefs de la coopération internationale comme la sécurité alimentaire, l’action climatique, la transition énergétique, la gestion migratoire, l’économie digitale, la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Parce qu’aucun pays ne peut seul les régler ou les gérer, ces facteurs sont en train d’accélérer, par leur globalité interconnectée, l’impératif de refonder le multilatéralisme sur des bases plus pragmatiques, solidaires opérationnelles et durables.

  • MD : Comment évaluez-vous la réaction de l’ONU à la crise Covid-19 ?

–  O.H : Comme ses États membres, les Nations unies ont subi, de plein fouet, le choc de cette pandémie qu’elle n’a pas vu venir. Cependant, la reprise en main de la situation a été prompte et à la hauteur de cette crise. Ses opérations de maintien de la paix ont continué à fonctionner normalement sur le terrain. Ils ont même apporté aide et assistance aux pays hôtes pour faire face à la pandémie. Grâce aux nouvelles technologies, le Conseil de sécurité a tenu ses réunions normalement. Les réunions statutaires ont été maintenues. Seules les grandes conférences ont été reportées par précaution pour la santé des délégations. Bien plus, le Secrétaire Général, Antonio Guteress, a lancé plusieurs initiatives multilatérales plausibles, face à la crise de Covid-19. Il a par exemple initié la création du fonds de l’ONU pour la reconstruction face à la Covid-19, au profit des pays à faible revenu. l’ONU a également contribué à la mobilisation du Groupe de la Banque mondiale en faveur des pays en développement avec une enveloppe de 160 milliards de dollars sur les 15 prochains mois, la suspension du remboursement de la dette africaine pour un an, ainsi que le renforcement de la « Global Response Initiative », lancée le 4 mai, avec l’appui de l’UE et d’une quarantaine de pays dont le Maroc, le plus grand donateur sur le continent africain. Toutes ces initiatives ambitionnent de développer des solutions concrètes à la crise de la Covid-19, sur les plans sanitaire, économique et humain. Il a également lancé des appels pour les droits de la femme, des enfants durant le confinement ou le rôle des leaders religieux dans la conscientisation sociale afin de mieux répondre à cette pandémie. La mission du Maroc à New York a relayé cet Appel en organisant une conférence virtuelle de haut niveau avec la participation des représentants des trois religions monothéistes. Le SG de l’ONU a instruit son équipe d’en assurer le suivi avec le Maroc.

  • MD : En votre qualité de président du Comité de l’Information des Nations unies, quelle lecture faites-vous de la désinformation qui a sévi de façon toxique lors de la pandémie de la Covid-19 ?

– O.H : La désinformation est un phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années. Il s’est intensifié de manière inquiétante durant la pandémie de la Covid-19, à tel point que le SG de l’ONU l’a qualifié « d’infodémie ». Ses dommages sont plus grands que le Coronavirus lui-même. En effet, la désinformation peut avoir des conséquences gravissimes, notamment aux niveaux sanitaire, sociétal, sécuritaire et politique surtout en période de pandémie. Elle doit, par conséquent, non seulement être prise très au sérieux, mais combattue.

C’est pourquoi le Département de la Communication globale des Nations unies a déployé des efforts considérables pour lutter contre ce fléau, et ce dès le début de la crise, en développant de nouvelles initiatives louables telles que la création du label « verified », qui certifie la véracité de l’information, ou les campagnes de sensibilisation sur les dangers de la désinformation. Le Comité de l’information, étant mandaté par l’Assemblée Générale pour initier l’orientation stratégique du Département de la Communication Globale, a recommandé la lutte contre la désinformation en tant que priorité majeure dans l’action globale de l’ONU.

  • MD : Depuis que cette pandémie est apparue, causant des dégâts partout, d’aucuns trouvent que c’est une catastrophe qui s’abat sur le monde, mais d’autres y voient une chance et une opportunité pour les relations internationales. Qu’en pensez-vous ?

– O.H : En effet, je partage la conviction que la crise de la Covid-19 peut être considérée comme une opportunité pour les relations internationales à plus d’un titre. Aujourd’hui, la solidarité internationale a connu une redynamisation dans le contexte de la pandémie, soutenue par des financements orientés “COVID” et des appels aux dons essentiellement pour aider au traitement des malades et la prévention des nouvelles contaminations. À moyen terme, on peut espérer que cette expérience internationale pourra être un moteur de renforcement non seulement des systèmes de santé et de la coopération scientifique médicale, mais essentiellement une chance et une opportunité pour la solidarité internationale face aux drames globaux, liés aux migrations, le changement climatique, la famine et l’extrême pauvreté, les atteintes aux droits de l’Homme et les économies au bord de l’asphyxie. Les leçons de la gestion de la Covid-19 devraient servir de moteur à la dynamisation des relations internationales face aux phénomènes globaux les plus pressants. De ce point de vue, la Covid-19 agit comme un révélateur de ce qui se passe dans le présent et indéniablement, de ce qui pourrait se passer dans le monde de demain, où la question de la gestion interdépendante des connaissances et des compétences ainsi que l’impératif de solidarité, pour résoudre les problèmes de fond auxquels fait face l’humanité sera indispensable. Pour le Prix Nobel de la Paix, l’économiste Muhammad Yusuf « la reconstruction pour l’après-Covid doit partir de ce principe fondateur : la conscience sociale et environnementale comme pilier central de toutes les décisions ».

  • MD : À voir les conséquences multidimensionnelles de la crise sanitaire, peut-on augurer l’avènement d’un nouvel ordre international post-Covid-19 ?

– O.H : La crise de la Covid-19 a mis à mal la mondialisation basée sur le néolibéralisme, qui a prospéré pendant les quatre dernières décennies avec une libre circulation des biens, des services et des personnes. Cet ordre international avait accentué l’interdépendance entre les acteurs internationaux et accentué les inégalités sociales dans les pays et entre eux. La crise sanitaire a ainsi déclenché une réaction à cette mondialisation galopante qui s’est manifestée par la montée du populisme dans plusieurs pays non seulement au nord, mais également au sud. Je ne fais pas partie des collapsionistes.

C’est pourquoi je ne crois pas à la démondialisation. Le confinement de plus de la moitié de l’humanité a démontré l’exigence de l’action collective pour contenir et éradiquer ce fléau. Le choix judicieux d’associer notre pays aux essais cliniques du vaccin chinois est une illustration éloquente de l’incontournabilité de la coopération internationale, comme c’est déjà le cas pour la préservation de la paix et la sécurité internationales, la lutte contre le réchauffement climatique ou la mise en œuvre de l’Agenda de Développement Durable de 2030. La mondialisation, avec nécessairement une amorce plus humaine et plus juste et un virage plus technologique et virtuel, selon les experts de Wall Street, survivra à la Covid-19. Elle est un phénomène inévitable. Ne nous berçons pas d’illusions. Ce qu’il y a lieu de changer ce ne sont pas les institutions internationales, mais la posture et les paradigmes qui président aux relations entre États et leurs actions, tant en interne qu’à l’international. Les Nations unies ainsi que l’environnement géopolitique actuel sont aujourd’hui et resteront demain encore les miroirs grossissants des politiques de leurs États membres et de leurs acteurs. Le dysfonctionnement de l’ordre international n’est pas systémique, mais de gouvernance mondiale.

  • MD : Une dernière question monsieur l’ambassadeur : vos réponses cinglantes et vos plaidoyers concernant le dossier du Sahara font toujours parler d’elles et nous donnent un goût de victoire. Quelle est votre lecture quant au détournement de l’aide humanitaire du PAM (Programme humanitaire mondial) par le Polisario aux dépens des populations séquestrées à Tindouf ?

– O.H : Le détournement des aides humanitaires internationales destinées aux populations des camps de Tindouf est un fléau scandaleux propre à ces seuls camps de réfugiés dans le monde. Cette captation scandaleuse, depuis 40 ans, profitant aux leaders du Polisario et des responsables locaux algériens, a été dénoncée par les rapports d’enquêtes menées par le HCR, le PAM, ainsi que par le Bureau de la lutte anti- fraude de l’Union européenne (OLAF).

Le rapport de l’OLAF, rendu public dernièrement, est sans appel. Il indique, notamment, qu’une partie importante de l’aide européenne a été détournée par les dirigeants du « polisario » et les responsables locaux et servi à leur enrichissement personnel. Soulignant que ces détournements ont été rendus possibles, notamment, en raison de la surestimation du nombre des populations des camps et donc des aides fournies. Et de conclure que « le nombre de faits de détournements rapportés, la similitude des témoignages quant aux noms des personnes ayant bénéficié des infractions, les différents modes opératoires utilisés, enfin la durée des détournements ne laissent pas de doute sur le fait que des manœuvres frauduleuses organisées se sont produites, au cours d’une longue période ». Alerté par la gravité de ces révélations, le Parlement européen a adopté une résolution demandant à la Commission européenne de « clarifier les mesures prises en réponse aux conclusions de ce rapport » et de « veiller à ce que les individus algériens ou sahraouis incriminés par le rapport de l’OLAF n’aient plus accès aux aides financées par les contribuables de l’Union ». Ce pillage de l’aide humanitaire a été rendu possible par le refus de l’Algérie, pays hôte des camps de Tindouf, depuis 40 ans, de permettre l’enregistrement des populations de ces camps, et ce en violation de ses obligations internationales découlant de la convention de 1951 sur « le statut des réfugiés ». Ce qui est encore scandaleux c’est que le pays hôte arme frénétiquement les séparatistes du Polisario, mais demande à la communauté internationale de nourrir les populations des camps. Il est temps que la communauté internationale mette fin à cette double souffrance infligée à nos sœurs et frères dans les camps de Tindouf. Ainsi aux affres d’un exilé forcé et sans fin, le Polisario et le pays hôte leur imposent la famine, en détournant honteusement l’aide humanitaire qui leur est destinée.

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