Ouadih Dada ou quand le rêve trace les contours de la réalité

Il est des personnes douées pour faire de leurs rêves une réalité pourvu qu’elles soient munies de détermi­nation, de persévérance et de volonté, imprégnées d’intelligence sage et de compétence. Ouadih Dada en fait partie. Petit, il caressait et nourrissait le rêve de devenir présentateur à la télé. Il ne savait pas que jeune homme, il allait devenir le visage le plus familier et le plus attendu des infos du soir. Adolescent, il se voyait en écrivain et était à mille lieues d’ima­giner qu’à 37 ans, il aurait deux livres à son actif et multiplieraient présentations et signatures.

Aujourd’hui et après avoir animé le journal télévisé francophone de 2M pen­dant plus d’une décennie, en imposant son style à son édition, sa voix qui porte bien les mots, résonne aussi à la radio. Le présentateur à l’élégance discrète im­pressionne son public par ses différentes et multiples sorties où il brille loin du plateau des Infos qui a longtemps été son unique univers.

L’année 2017, aura été pour le rédac­teur en chef et présentateur du journal télévisé, l’année de tous les challenges et de plusieurs succès tant par la sor­tie de son premier livre « Imaginez si c’était vrai ?! », son roman « 7080’ », que par les conférences et les ateliers qu’il anime. C’est dire que la platitude de l’actualité, fût-elle monotone, donne l’envol à l’univers romanesque dont il fait désormais son coup de coeur.

L’enfant prodige de 2M

Originaires de Bhalil, un joli village niché sur le flanc de la montagne, dans la région de Fès-Boulemane, ses parents quittent le Maroc en 1970 pour élire do­micile à Pierrelatte, dans le sud-est de la France où Ouadih vient au monde, le 8 février 1981. Pour ses études secon­daires et supérieures, il a dû quitter sa ville natale pour s’installer à Avignon où il obtient une maîtrise de droit en 2003. Son rêve de devenir journaliste ne le quittant pas, il fait ses premiers pas dans les colonnes de l’édition lo­cale du quotidien La Provence. En 2004, il décroche un Diplôme d’études approfondies (DEA) en droit public, à Montpellier, avant d’obtenir un Master en journalisme, à Grenoble, en 2006. Et c’est en intégrant 2M pour un stage, à 25 ans, qu’il fera ses débuts à la télévision en s’inspirant de son modèle de toujours, Patrick Poivre D’Arvor. Son passage se fera remarquer par la Directrice de l’in­formation, Samira Sitaïl, qui le mettra sur les rails de sa première aventure que le public allait partager, chaque soir, à 20h45mn, dès lors qu’il a fait le choix de rester au Maroc.

On peut dire que sa vie est une succes­sion de challenges animés par des rêves dont il fait une réalité. Ainsi, dans son imaginaire, il avait tracé les contours de son existence alors qu’il n’était encore qu’enfant. Il se voyait alors journaliste et présentateur de JT à la place de Pa­trick Poivre d’Arvor, son idole, qu’il allait rencontrer, quelques années plus tard, en collègue de micro et de plume. Et le visage que le public a vite adopté devient familier. En octobre 2009, il ani­mera l’émission économique mensuelle « Eclairage » et apprivoisera ainsi le plateau pour ne plus le quitter que pour changer de fusil d’épaule.

Ecrire pour s’évader de l’univers télévisuel

Présentateur emblématique du JT, sa voix qui a longtemps accompagné les spectateurs de 2M, à la « même heure et au même endroit », puis les auditeurs de la matinale de Radio 2M « Oui mais non » à travers « Imaginez si c’était vrai ?! », s’éclipsera derrière l’écran de son ordinateur pour faire parler son coeur et tisser un univers de mots afin de vivre sa première expérience dans le monde de l’écriture. Ses chroniques, qui commencent toutes par « Imaginez» et se terminent par « et si c’était vrai?! », d’où le titre, sont décalées mais bien en emphase avec l’actualité sur laquelle il porte un regard plutôt pétillant et sati­rique et le font découvrir sous un nouvel angle loin de l’aspect grave et solennel du journal télévisé. Ce qui ne laissera pas indifférente Fatiha Elaouni, Rédac­trice en chef de Radio 2M qui l’incitera afin de retravailler ses chroniques cir­constanciées et inédites, les revisiter et les réadapter pour en faire un recueil où actualité insipide et froide se mêle à la fiction surréaliste drapée dans une teinte atemporelle. Et c’est ce premier livre qui nous plonge dans le rêve et le monde merveilleux de son imaginaire dévoilant ainsi une autre facette du jeune homme qui peut se targuer d’avoir plusieurs cordes à son arc. Seulement quelques mois plus tard, « 7080’ » se fera accueillir en grande pompe. En ef­fet, ce roman tissé à quatre mains, coé­crit avec Youssef Zouini, jeune homme du quartier Malakoff, témoigne d’une épreuve douloureuse dont Ouadih Dada a fait matière à récit et de catharsis d’un drame parcouru qu’il vivra par procu­ration. Ce titre crypté cache l’injustice dont a fait objet ce Franco-marocain en 2007, alors qu’il avait écopé de dix ans de prison par la Cour d’assises de Loire-Atlantique pour un braquage d’un supermarché avec prise d’otages. Bien qu’il ait clamé son innocence pendant des années, il passera deux ans dans les ténèbres de la détention et le cycle in­fernal de l’injustice pour une erreur du système judiciaire français et ne sera, finalement, acquitté qu’en mai 2009.

Maintenant que le livre à succès fait parler de lui, au Maroc et même ailleurs, les deux auteurs ambitionnent de voir cette histoire adaptée au cinéma.

D’un coup de baguette magique, le présentateur des Infos plutôt trop sérieux voire austère s’est affranchi du costume qui l’engonçait pour laisser éclore l’écri­vain et l’animateur conférencier qui sommeillaient en lui. Aujourd’hui, il arrive à jongler aisément avec ses mul­tiples casquettes et son succès –récent mais flagrant- dans tout ce qu’il entame n’est pas fortuit. Il le doit à son talent et à sa persévérance. Son prochain défi sera la production de programmes innovants et de qualité pour le web et la radio et se lance même dans l’édition.

Avec lui, il n’y a pas que ça. Il est bien en évidence et donne le coup d’envoi d’une belle carrière d’écrivain à bonne enseigne et plus encore. MAROC DI­PLOMATIQUE l’a interviewé pour vous.

 

  •   MAROC DIPLOMATIQUE : Oua­dih Dada, vous êtes l’enfant de 2M qui nous a accompagnés pendant de longues années « à la même heure et au même endroit » pour présenter le JT. Aujourd’hui, vous troquez le mi­cro contre l’écriture romanesque ou peut-on dire que c’est juste un prolon­gement?

– Je dirai effectivement que ce goût que je développe pour l’écriture s’ins­crit dans la continuité de mon travail de journaliste. C’est un métier qui permet de forger sa plume. Et j’ai donc eu en­vie d’aller au-delà des lancements du JT ou des récits de reportage. Même si ma manière d’écrire n’est pas totalement éloignée de mon style journalistique. J’aime utiliser des phrases courtes, des mots tranchants et des formules imagées. Et c’est d’autant plus efficace lorsqu’il s’agit de raconter le réel.

  • Pendant votre passage à la télé, les spectateurs étaient happés par votre élégance plutôt discrète et le public ne connaissait de vous que le présenta­teur. Ces derniers mois, vous multi­pliez les cordes à votre arc. Entre les présentations-signatures de vos deux livres, les conférences ou ateliers que vous animez et les interviews que vous accordez aux différentes radios, c’est une star montante qu’on découvre ?

– Je ne me considère pas comme une star. Et je ne le serai jamais. J’ai la chance de ne pas avoir fait ce métier pour être reconnu dans la rue. C’est avant tout le résultat d’une grande his­toire d’amour avec le journalisme télé qui est née d’un coup de foudre pour le JT de TF1 et son présentateur em­blématique de l’époque, PPDA. Il faut reconnaître cependant qu’on ne fait pas ce métier par hasard. Il y a nécessaire­ment un désir d’être aimé ou du moins apprécié. Quant aux différentes facettes professionnelles que je dévoile, elles sont le reflet d’une volonté profonde de ne pas me laisser enfermer dans le cos­tume de présentateur du journal télévisé. Aussi confortable soit-il, il commençait à devenir un peu trop étroit. J’ai l’ambi­tion de faire beaucoup de choses qui me passionnent et qui m’attirent.

  • Qu’est-ce qui a déclenché en vous ce désir d’écrire ? Que représente donc pour vous l’écriture ?

– C’est d’abord un autre rêve de ga­min. N’étant pas un grand lecteur, même si je corrige ce défaut, j’ai décidé de me lancer dans l’écriture. A 16 ans, j’avais tenté de raconter le retour d’une famille de Marocains de l’étranger au pays d’ori­gine, pendant les vacances d’été. Mais j’avais abandonné le projet en cours de route. Je savais que j’allais revenir à la charge. Et c’est presque naturellement, sans que je m’y attende, que l’opportu­nité de publier des « chroniques radio » s’est présentée. Pendant cette période j’étais en train d’écrire mon parcours à 2M, depuis mon arrivée au Maroc en mai 2006 (qui paraîtra en octobre 2018).

  • « Imaginez si c’était vrai », est un titre qui, en principe, annonce un uni­vers romanesque fictif. Or ce sont vos chroniques qu’on y retrouve. Pourquoi avoir voulu passer de la voix à l’écri­ture en portant un regard décalé sur ce qui se passe dans le monde ? La réalité n’est pas toujours bonne à écrire ?

– Raconter le réel, je le fais au quoti­dien par caméras interposées. Lorsque j’ai eu l’opportunité de participer à la matinale de Radio 2M, j’ai voulu déve­lopper un autre regard sur l’actualité. Et comme je crois profondément dans le pouvoir des rêves, je voulais montrer qu’il suffisait parfois de porter un autre regard sur une réalité difficile, pour la rendre plus douce. Et puis c’était aussi l’occasion de m’amuser avec les mots ; un exercice que j’affectionne particuliè­rement depuis le collège. A l’origine, ces chroniques ne devaient pas être publiées. C’est sur proposition de la responsable de la radio, Fathia Elaouni, que j’ai tenté de sauter le pas. Et il a fallu pour cela un énorme travail de sélection et de relecture pour rendre tous les textes intelligibles.

  • Juste quelques mois après votre premier livre, vous passez au roman en bonne et due forme. On voit bien que vous êtes un passionné des mots. Info Soir vous réprimait ?

– Sans 2M et la présentation du jour­nal beaucoup de choses n’auraient pas été possibles ou n’auraient pas eu l’am­pleur qu’elles ont eue. Mais il est vrai qu’après plus d’une décennie à la tête du journal télévisé, en tant que présen­tateur d’abord puis en tant que rédacteur en chef, je commence à éprouver une certaine lassitude. En ce sens, l’écri­ture a été un extraordinaire refuge et une véritable bouffée d’oxygène. Elle m’a ouvert d’autres horizons et a même facilité la transition dans ma carrière audiovisuelle.

  • Dans « 7080’ », vous retracez l’expérience douloureuse de Youssef Zouini, victime d’une erreur judiciaire. Votre écriture est très expressive et inti­miste au point que le lecteur peut vous confondre avec le personnage princi­pal. Vous a-t-il été aisé de vivre son histoire par procuration ?

– A l’origine, il était question de réali­ser un ouvrage d’entretiens avec Yous­sef Zouini. Mais assez rapidement, je me suis rendu compte que l’exercice n’allait pas permettre de restituer toute la dimension humaine, dramatique et psychologique de cette mésaventure. Alors j’ai décidé de me mettre dans la peau de Youssef. Et cela a été particu­lièrement éprouvant. Sur le plan per­sonnel d’abord, j’ai dû faire un énorme travail pour maîtriser parfaitement tous les rouages de cette histoire avant de m’imprégner dans les moindres détails de sa psychologie. Ensuite au niveau de l’écriture, j’ai dû agrémenter le réel d’une atmosphère romanesque sur cer­tains passages.

  • Vous avez annoncé que vous vous apprêtiez à lancer de nouveaux projets au sein de 2M que finalement vous ne quittez que pour mieux revenir, vous avez parlé du deuxième tome de vos chroniques et d’une autobiographie, vous vous lancez aussi dans l’édition. Ouadih Dada, comment vous faites pour trouver le temps pour tout cela ?

– Je pars du principe que quand on aime on ne compte pas. Tous ces pro­jets sont en cours et bien d’autres encore sont à venir. Comme ce sont des choses que je fais avec plaisir, je les fais for­cément plus facilement. Le secret, c’est aussi de dormir relativement peu, entre 4 et 6 heures par nuit. Et en plus de tout cela, j’ai la chance d’être épaulé par un excellent manager, qui n’est autre que ma soeur Afafe.

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