Ouvrage: ‘’Khenifiss de Tarfaya, la légende du petit scarabée’’ de Karim Anegay

KHENIFISS DE TARFAYA, le nouveau beau-livre édité par La Croisée des Chemins, met le lecteur dans la peau d’un Indiana Jones des temps modernes.

Son auteur s’est découvert une vraie passion pour cette région, il y a quinze années, lors de son engagement en tant qu’assistant technique à la création du Parc National de Khenifiss (septembre 2004-mai 2006). C’est autant dans le but de faire connaître cette partie du Maroc que dans celui de la préserver qu’il a tenu à concevoir cet ouvrage publié dans le cadre d’un partenariat entre l’Agence du Sud, le Centre des études sahariennes et le Centre national des droits de l’homme.

« J’ai connu, il y a bientôt quinze ans, une région de Khenifiss âpre et sauvage, majestueuse dans son écrin de sable et d’eau. Sa beauté a sans doute été préservée jusqu’alors surtout à travers son éloignement, et attirer des foules de curieux peut remettre en question ses équilibres fragiles. Je forme donc le vœu que ce livre aide à la faire découvrir à ceux qui voudront l’apprécier en sachant la respecter et contribuer à sa préservation.»

Karim Anegay

À propos du livre

À cinq cents kilomètres au sud d’Agadir, ou deux cents kilomètres au nord de Laâyoune, se trouve le plus vaste Parc National du Royaume du Maroc, le seul au monde à réunir mer, désert et lagune.

Son littoral aux déferlantes éternelles est mondialement reconnu pour la pêche à la courbine et abrite les ruines médiévales de la plus ancienne fortifi­cation coloniale sur la côte atlantique du Maroc. Son arrière pays désertique, traversé par des rivières de sable, cache des cours d’eau pérennes inespérés à cette latitude et recèle d’innombrables vestiges du passé : fossiles marins, éclats de silex, gravures néolithiques, dunes coquillères, tumuli pré-islamiques…

La lagune immaculée est un site d’hivernage pour des dizaines de milliers d’oiseaux migrateurs, en même temps qu’un point d’ancrage des pérégrinations de nomades venant y chercher l’eau des puits d’aussi loin que le Tirss, aux con­fins de la frontière maroco-mauritanienne. C’est ici que la faune méditerranéenne passe le relais à la biocénose du désert, à moins que ce ne soit l’inverse, et c’est ici qu’Antoine de Saint-Exupéry a rêvé la magie du Petit Prince.

Tout cela, c’est Kheni­fiss. Khenifi­ss c’est tout cela, et plus encore…

Le parti-pris de cet ouvrage est de découvrir la région avec les yeux d’un voyageur qui arrive du Nord, pour traverser l’Anti-Atlas et longer les côtes du Maroc saharien jusqu’à Khenifiss.  Une jolie promesse lui est faite :

« Vous êtes arrivés le soir. Un épais brouillard vous a accueilli, et il se prolongera en brume matinale persistante sur un désert littoral où les ardeurs de l’astre solaire sont toujours tempérées par la brise marine. Nappés et engourdis de mystère, vous n’envisagez pas encore l’explosion de richesses patrimoniales dans un monde a priori austère.

Demain…

Nous irons à la découverte de vallées luxuriantes d’oueds improbables, avec des cascades en plein désert, nous sonderons les vasières pour retrouver les fondations d’une tour espagnole médiévale oubliée.

Nous verrons des oiseaux par milliers s’ébattre dans une lagune à peine fréquentée par l’homme.

Nous devinerons des ateliers de silex autour de sites à nécropoles millénaires.

Nous scruterons le rivage à la recherche de l’inestimable ambre de cachalot.

Nous suivrons les « fils des nuages » dans leur quête de pâturages.

Nous observerons les gestes séculaires des collecteurs des salines.

Nous écouterons chanter des dunes de différentes couleurs.

Nous suivrons les empreintes d’une faune farouche… pour finir par rêver la magie du Petit Prince, dans un décor d’escale d’aéropostale, immuable, mais constamment balayé par le sable.

Venez… »

Promesse tenue puisqu’à la fermeture de cet ouvrage, vous n’aurez qu’une seule envie :
y aller vous-même !

Quelques extraits

CHAPITRE I. SI KHENIFISS VOUS ÉTAIT CONTÉ

« Il y a un monde avant, et un monde après les Atlas. En dessous de l’Anti-Atlas, vous êtes entré dans le Maroc de la langue hassani, dialecte arabe beydane que l’on pratique depuis les flancs sud de cette dernière chaîne de montagnes jusqu’aux confins de la Mauritanie. »

Page 9 

CHAPITRE II. L’EMPREINTE DU PETIT SCARABÉE

« Khenifiss, en dialecte marocain, qu’il soit hassani ou du nord, est une contraction de Khanfouss, et signifie littéralement le petit coléoptère, voire le petit scarabée. Or, on est dans le désert saharien, et on ne peut s’empêcher de penser immédiatement à la plus ancienne civilisation de cette région du monde, plusieurs fois millénaire, celle de l’égypte des Pharaons, pour qui le scarabée sacré (en l’occurrence une espèce de bousier) fut l’un des symboles religieux fondamentaux.»

Page 16

CHAPITRE III. LES TOPONYMES PLANTENT LE DÉCOR

« Nous considérerons donc la zone de Khenifiss comme s’étalant sur tout le littoral allant de l’oued El Ouaâr au plateau de Taoulekt, soit de 20 km au nord-est d’Akhfennir jusqu’à une quarantaine de kilomètres avant Tarfaya, avec une profondeur d’environ cinquante kilomètres, allant du littoral jusqu’à la cascade de Khaoui Naâm.»

Page 44

CHAPITRE IV. UN MONDE NOMADE

« Le soir venu, la tente installée, le thé mousseux jailli des braises, Salek me raconte cette anecdote à l’envi. Il s’agit du passé, son passé, le passé de sa tribu. Magnifié parce qu’indéterminé dans le temps. Le bkhour nous enveloppe. Il était une fois…

’Les troupes du sultan, lors d’une expédition royale, font halte aux alentours de la dune rouge, et sont reçues très frugalement par les autochtones sous leurs tentes en poil de chèvre. Le sultan, intrigué par le rapport que lui font ses éclaireurs à leur retour, fait mander une représentation de cette tribu. La délégation des Mejjat se présente avec une poignée de sable, du lait de chèvre et une pelote de poil caprin. Elle décrit ainsi son monde fait de rusticité et de simplicité, où l’univers est de sable, et les ressources sont caprines : ces chèvres qui fournissent lait et viande, et dont le poil sert à fabriquer les tentes, tisser les tapis et confectionner des vêtements. En présentant leur allégeance au sultan, ils lui offrent par ailleurs un petit troupeau de chèvres sahariennes. Cette tradition se serait perpétuée jusqu’au début du vingtième siècle, quand un autre sultan, qui s’amusa de voir, lors d’une cérémonie nationale d’allégeance (bey‘a) à Rabat, un bouc et quelques biques bêlant au pied de la tour Hassan, mit fin à cette pratique…’’

Page 90

CHAPITRE V. UN DÉSERT PEUPLÉ DE SOUVENIRS

« ‘’La lagune de Khenifiss, située entre l’embouchure de l’oued Draâ et le cap Juby, est l’un de ces lieux remarquables (…où) la vie semble s’être concentrée. On trouve Parfois dans un rayon de 500 mètres des tentes, des cabanes de pêcheur, des ruines de cahutes en pierres sèches, une ruine de comptoir espagnol, des tombes récentes, des tombeaux et monuments lithiques du Sahara ancien, des ateliers de pierres taillées néolithiques. Les morts et leurs vestiges humanisent, plus que les vivants peut-être, des lieux qui autrement nous paraîtraient particulièrement ingrats’’. C’est en ces termes qu’en 1961, Paul Pascon, que d’aucuns considèrent comme le père de la sociologie marocaine, s’extasiait sur une région qui l’avait particulièrement envoûté. »

Page 100

CHAPITRE VI. SANTA CRUZ DE LA MAR PEQUEÑA

« Le 29 mars 1496, les rois catholiques ordonnèrent à Alonso Fajardo, troisième gouverneur des Canaries au nom de la couronne, d’élever une tour factorerie à leur gloire, dans la baie de la mar pequeña. Une expédition de cinq navires – caravelles et caraques, comme celles qui menèrent Christophe Colomb aux Amériques – partit de Las Palmas le 28 août 1496, avec des matériaux de construction (essentiellement du bois, de la chaux et du fer) et divers corps de métier (parmi eux trois contremaîtres, sept maçons, sept menuisiers, deux forgerons, et trois scieurs). L’expédition s’en revint aux Canaries en novembre 1496, laissant derrière elle une garnison de dix-sept hommes pour garder la fortification et assurer les échanges commerciaux. Sans doute cette tour servit-elle à la fois de tour de guet, d’amer, et de bastion de retrait en cas d’attaque, et sans doute était-elle entourée d’ateliers, magasins de stockage et campements pour la garnison. »

Page 129

CHAPITRE VII. PLUIE, SABLE ET VENT : LA VALSE DES ÉLÉMENTS

« Le désert est synonyme d’aridité, et l’imaginaire collectif l’associe – abusivement, car il existe des déserts froids à des températures élevées, avec de fortes amplitudes thermiques. Mais la région de Khenifiss est côtière, et ce désert jouxtant la mer voit sa température adoucie par la présence de cette dernière, l’amplitude thermique ne devenant importante qu’au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la côte. A cette latitude, les habitants du Sahara atlantique ont l’habitude de vivre en fonction d’un autre élément contraignant : le vent. »

Page 144

CHAPITRE VIII. VISAGES DE KHENIFISS

« Femmes et hommes, ils sont nés à Khenifiss, au bord de la lagune, dans le désert ou près des salines, ou alors viennent de Tarfaya, de Tan-Tan, de Laâyoune, d’Assa, de Beni Mellal, de Casablanca et même de France. Ils sont pêcheur, guide, restaurateur, hôtelier, sociologue, agent des Eaux et Forêts, activiste environnemental… Elles sont femme de pêcheur ou de nomade, institutrice, déléguée aux droits de l’Homme, gardienne de la mémoire collective… Tous représentent un échantillon de la mosaïque humaine de Khenifiss, aussi diversifiée que ne le sont ses paysages. En 2014, ils ont gracieusement accepté de se faire photographier, et leurs portraits sont autant de témoignages du Khenifiss d’aujourd’hui.»

Page 158

CHAPITRE IX. L’HUMBLE SALAIRE DE TAZGHA

« Les habitants de la zone, héritiers d’une tradition de collecte qu’ils considèrent comme un droit d’usage, se sont constitués en coopérative en 2001. En 2013, la coopérative Tazgha El Kheir regroupait ainsi 372 adhérents, tous artisans de la collecte de sel, qu’ils effectuent sur 433 petites parcelles occupant un total de 123 hectares. Huit autres opérateurs (sociétés et personnes physiques) exploitent les 267 hectares restants. Même si les exploitations de ces opérateurs sont formées de tables salantes de dimensions plus grandes et mieux organisées (alimentées en eaux de mer par un système de conduites, rigoles et pompes), ces derniers sont soumis, à l’instar des coopérateurs, aux aléas des fluctuations du marché. »

Page 197

CHAPITRE X. UNE FAUNE TERRESTRE DANS LE BROUILLARD

« Des espèces venues du nord trouvent ici leur extrême limite de distribution vers le sud, comme l’écureuil d’arganier, endémique de l’Ouest maghrébin, la perdrix gambra nord-africaine, ou même la bergeronnette printanière, commune dans toute l’Europe mais qui, au Maroc, ne se reproduit pas plus au sud que Khenifiss. Des espèces venues du sud et adaptées au désert seront barrées plus au nord. C’est par exemple le cas du renard de Rüppell que son cousin et compétiteur, le renard roux, remplace dès que le milieu est plus productif, ou du fennec qui ne se retrouve pas plus au nord le long du littoral. »

Page 214

CHAPITRE XI. UN PLAN D’EAU AU NOM D’OISEAUX

« Nous, le peuple à ailes, avons pour habitude de prendre les contraintes climatiques de haut. Contrairement à nos cousins à pattes, nous ignorons les contingences d’adaptation au milieu qu’imposent les saisons, car nous ne nous suffisons pas d’un unique domicile fixe. De nos contrées nordiques européennes voire américaines, nous allons suivre le littoral atlantique jusqu’aux tropiques d’Afrique, là où le soleil ne meurt jamais.»

Page 240

CHAPITRE XII. UNE PÊCHE MIRACULEUSE

« Au-delà des caprices d’Eole, l’activité de pêche est subordonnée à l’alternance des périodes de grande marée (appelée localement « tigri ») sur 9 à 10 jours, et de petite marée (« amarz ») sur 5 jours. Pour chaque mois lunaire, commençant avec la nouvelle lune, le rythme de succession de ces marées correspond au schéma suivant : les périodes « amarz » sont généralement meilleures pour la capture du poisson et le maniement du matériel, et les périodes sans lune correspondent à moins de prises. Enfin, même si les conditions éoliennes sont bonnes, les pêcheurs de la lagune utilisent rarement les filets en période de transition entre grande et petite marée.»

Page 272

CHAPITRE XIII. AKHFENNIR, SUR LA ROUTE…

« Implanté sur un site de grande beauté, correspondant à la rencontre d’une plage de sable avec la fin des falaises rocheuses, Akhfennir est d’abord un cap, repère maritime comme terrestre. Une étymologie probable serait composée des termes berbères ‘’akhf’’ ou ‘’ikhf’’ signifiant protubérance ou cap et ‘’ir’’ signifiant falaise. Akhf-n-Ir serait ainsi le cap des falaises, décrivant effectivement leur extrémité. Une autre signification proposée fut celle de ‘’cap de la pointe du museau’’, rapportée par Paul Marty en 1920.»

Page 306

CHAPITRE XIV. LES DÉFIS DU PLUS GRAND PARC NATIONAL DU MAROC

« Des lagunes d’une richesse écologique comparable à celle de Naïla, il y en a certes très peu dans le monde. Il y en a encore moins sur un littoral en bordure de désert, et Khenifiss est le seul cas sur la planète où ces trois biomes distincts (désert, lagune et mer) ont pu être regroupés au sein de la même aire protégée. »

Page 322

CHAPITRE XV. L’AVENTURE CONTINUE AU SUD

« L’avenir du Parc national de Khenifiss se situe au niveau de sa partie marine. Cette mer, qui a longtemps séparé Khenifiss des Canaries voisines, va bientôt les relier par liaison ferry, assurant probablement le déversement d’un flot continu de touristes débarquant à Tarfaya, qui deviendra alors la porte d’entrée principale du parc.»

Page 342

À propos de l’auteur

Karim Anegay est diplômé des universités de Strasbourg et Freiburg en Ecologie et Zoologie. Il s’est d’abord forgé une expérience internationale de sauvegarde d’espèces en péril ou de gestion d’écosystèmes fragiles (biodiversité de crabes porcellanidés au Venezuela, réintroduction d’outardes houbara en Arabie Saoudite, gestion communautaire de récifs coralliens et mangroves aux Philippines) avant de revenir au Maroc pour diriger divers projets environnementaux de développement durable (cultures alternatives dans le Rif, valorisation du cactus dans la région de Guelmim, promotion et développement des produits du terroir des régions oasiennes et sahariennes des provinces du Sud). Cette riche expérience multidisciplinaire l’a conduit récemment à coordonner le Comité Scientifique de la Présidence marocaine de la COP22. Au-delà de la gestion des projets, il a également largement contribué au marketing territorial de ces diverses expériences, à travers la publication de plusieurs brochures et beaux livres. KHENIFISS DE TARFAYA, LA LÉGENDE DU PETIT SCARABÉE est le fruit de son expérience d’assistant technique à la création du Parc National de Khenifiss (septembre 2004-mai 2006), renforcée par une décennie de pratique des provinces du Sud, pour le compte de leur Agence de développement.

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