OXYMOT

Par Mustapha Saha

« L’art est un mensonge qui nous dévoile la vérité » Pablo Picasso. L’adjectif grec oxus signifiant, au sens propre, aigu, piquant, acide, se retrouve essentiellement dans des termes scientifiques comme oxyde, oxygène… 

L’oxygène, ce corps pur impalpable, qui vivifie l’esprit scabreux et revigore le cœur ténébreux, oxyde indéfiniment la vie qu’il génère et régénère inlassablement la matière qui dégénère.

En littérature, oxymore ou oxymoron , du latin oxymorus, désignant la finesse se drapant d’une apparente ineptie, est une figure de style paradoxale associant deux termes antinomiques comme l’obscure clarté ou la folle sagesse. L’oxymore est une vision poétique qui transperce le réel pour dévoiler l’invisible et traverse le surréel pour décrypter l’illisible. Comme l’oxymel, breuvage d’eau, de miel et de vinaigre, qui était censé, selon Pline l’Ancien, guérir la goutte, cette maladie des mal-mouvants, l’oxymore marie l’aigre et le doux, pour porter la finesse de l’esprit à sa plus subversive expression.

Jusqu’au dix-septième siècle, mot, verbe et parole avaient le même sens et se confondaient dans les mêmes contresens. Il a fallu attendre le Dictionnaire français de Richelet, paru en 1680, pour distinguer le mot qui se prononce et s’écrit isolément de la parole qui exprime oralement un discours. Aucun discours n’existe sans mots mais le mot existe sans discours.

Nous définissons l’oxymot comme une entité autonome, un électron libre de l’intelligence, un artefact autogéré de la pensée, qui nomme sans être nommé, identifie sans être identifié, révèle sans être révélé. L’oxymot traquera sans relâche la trompeuse vérité dans l’amphigourique évidence, démasquera l’ange démoniaque dans l’infernal paradis et détectera la lumineuse folie dans l’obscure sagesse.

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