Pédophilie: quelle efficacité du système pénal marocain face à ce crime atroce ?

Le drame des crimes liés à l’exploitation sexuelle des mineurs qui se sont multipliées dernièrement ont fortement alerté quant à un fléau qui pèse lourd sur toute la société, et qui nécessite un grand effort de réflexion autour des moyens efficaces pour faire face à ce phénomène et protéger l’enfance de ces prédateurs humains.

Au-delà de la douleur et de l’horreur provoquées par de telles actes, les agressions sexuelles à l’encontre des mineurs commises ces derniers mois dans certaines régions du Royaume ont remis à table le débat autour de l’efficience de l’arsenal juridique pour lutter contre ces crimes.

L’avocat au barreau de Tanger, Soufiane Fkihi nous éclaire sur les peines appliquées par la loi marocaine contre les pédophiles, l’efficacité du dispositif pénal ainsi que les moyens pour lutter contre ce fléau.

Que dit la loi marocaine à propos des crimes relatifs aux agressions sexuelles sur mineurs?

Me Fkihi a souligné tout d’abord que le terme de « viol » signifie selon l’article 486 du Code pénal marocain « l’acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci », la punition est la réclusion de cinq à dix ans selon ledit article.

L’article 486 stipule également que « si le viol a été commis sur la personne d’une mineure de moins de dix-huit ans, d’une incapable, d’une handicapée, d’une personne connue par ses facultés mentales faibles, ou d’une femme enceinte, la peine est la réclusion de dix à vingt ans ».

L’article 484, a-t-il ajouté, évoque « l’attentat à la pudeur » et prévoit une peine de prison de deux à cinq ans pour « tout attentat à la pudeur consommé ou tenté sans violence, sur la personne d’un mineur de moins de dix-huit ans, d’un incapable, d’un handicapé ou d’une personne connue pour ses capacités mentales faibles, de l’un ou de l’autre sexe »

L’article 485 complété par la loi n°24.03, quant à lui, concerne l’attentat sur les mineurs de moins de 18 ans et stipule: « est puni de la réclusion de cinq à dix ans tout attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violences contre des personnes de l’un ou de l’autre sexe. Toutefois si le crime a été commis sur la personne d’un enfant de moins de dix-huit ans, d’un incapable, d’un handicapé, ou sur une personne connue pour ses capacités mentales faibles, le coupable est puni de la réclusion de dix à vingt ans ».

L’article 487 distingue entre plusieurs catégories de coupables, notamment ceux des ascendants de la victime (le cas de l’inceste): « si les coupables sont les ascendants de la personne sur laquelle a été commis l’attentat, s’ils sont de ceux qui ont autorité sur elle, s’ils sont ses tuteurs ou ses serviteurs à gages, ou les serviteurs à gages des personnes ci-dessus désignées, s’ils sont fonctionnaires ou ministres d’un culte, ou si le coupable quel qu’il soit, a été aidé dans son attentat par une ou plusieurs personnes… », la réclusion peut aller de cinq à trente ans selon les cas prévus.

Dans le cas de l’enlèvement d’un mineur, l’article 474 du code pénal punit de la peine de mort si la victime est décédée. Bien que la peine de mort reste une sanction légale au Maroc, la dernière exécution a eu lieu en 1993. Dans la pratique, les condamnés à mort sont condamnés à la réclusion à perpétuité.

Quelle efficience de la législation marocaine en matière de répression de crimes de pédophilie ? Pour Me Fkihi, les peines appliquées au Maroc contre les auteurs de ce crime ne sont guère adaptées à l’atrocité de l’acte et à ses effets sur toute la société, notant toutefois que c’est l’application des textes juridiques dans les tribunaux qui laisse à désirer. « La pédophilie est un crime grave qui touche à l’intégrité physique et psychique de l’enfant, c’est pour cela qu’il est primordial de créer un code de l’enfant, consacré intégralement à la protection des enfants de tous les dangers, à travers des textes spécifiques », a-t-il insisté. Il a, en outre, fait savoir que malgré que le Maroc ait adhéré à d’importants instruments internationaux pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, l’harmonisation de la législation nationale avec les standards internationaux reste toujours insuffisante.

L’avocat a également insisté sur la nécessité de la non application des circonstances atténuantes pour les cas des agressions et abus sexuels contre mineurs. « Le législateur marocain doit durcir les peines pour ce genre de crimes, et tout attentat à la pudeur contre un mineur quoiqu’il soit sans violence, doit être condamné à la réclusion à perpétuité », a proposé Me Fkihi, qui a insisté pour que ce soit l’Etat, et non pas les parents, qui décide de la poursuite du pédophile en justice, quand la victime est mineure. Comment faire face à ce fléau? Pour Me Fkihi, la lutte contre la pédophilie est l’affaire de tous les acteurs, Etat, partis politiques et associations de la société civile. Tous doivent mener une campagne nationale visant à sensibiliser les enfants quant aux actes de pédophilie, a-t-il dit.

Vulgariser la discussion avec les enfants autour du sujet de la pédophilie et les inciter à en parler est une nécessité, estime l’avocat, qui appelle aussi à inclure l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires pour sensibiliser les enfants et les protéger.

( Avec MAP )

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