PJD-RNI : La « Guerre de Troie » n’aura pas lieu

Hassan Alaoui

Les « guerres » partisanes sont  le propre de la démocratie, et celles qui agrémentent amèrement notre quotidien depuis quelques semaines entre le RNI et le PJD, ne sont ni les premières ni les dernières. Elles relèvent à coup sûr du leadership que chacune des deux formations entend s’assurer.

Leur rivalité s’accentuera davantage et la bataille s’aggravera au fur et à mesure qu’approchera l’élection législative de 2021. Arrivé en tête des scrutins de novembre 2011 et d’octobre 2016, le Parti de la Justice et du développement (PJD) ne semble pas pour autant prêt à lâcher le 3ème  challenge ni à se prêter visiblement à une hypothèse d’alternance.

Pourtant, et ce n’est pas le diminuer, l’on dira que 10 ans de pouvoir à la tête du gouvernement – 2011-2021 – l’ont usé, et finiront en principe par convaincre ses dirigeants de l’impératif – démocratique – de céder la place à une autre formation. L’argument selon lequel ses dirigeants s’accrochent au pouvoir au nom des voix et des sièges obtenus, quand bien même il renforcerait leur légitimité, devrait en revanche les mettre en garde : les résultats économiques, pris globalement, ne suivent pas les succès des scrutins. Tant s’en faut… Le pouvoir d’achat a considérablement baissé pour ne pas dire dégringolé, exposant les ménages, classe moyenne et classe démunie réunies, à une précarité continue. La cherté de la vie constitue à présent l’un de facteurs, sinon le facteur majeur de l’appauvrissement des familles. Jusqu’en 2008-2010, le PIB frôlait quasiment les 4 à 5%. Aujourd’hui, à l’instar d’une peau de chagrin, il s’est considérablement réduit au chiffre fatidique de 2% , et il faudra attendre – selon la Banque mondiale – l’année 2021 ( !!!) pour le voir remonter en même temps qu’une inflation galopante et, évidemment, une hausse des prix…

En résumé, les années 2010 et jusqu’en 2015 ont connu une honorable croissance qui a vu émerger une non moins honorable classe moyenne, un recul relatif de la pauvreté, et surtout le développement par Sa Majesté le Roi des infrastructures et le lancement de projets structurants. La croissance s’est ralentie et le pouvoir d’achat s’est dilué dans une crise économique et sociale sans précédent, à la limite d’une paupérisation..

L’inlassable obsession de se hisser sur le pavois

On se croise les doigts, tant que le baril de pétrole ne nous aura pas de nouveau pris à la gorge. Sur fond de cette toile économique controversée, vient se greffer la crise politique nationale qui tient, on ne cessera jamais de le dire, de l’ordinaire complexité, tant nous y sommes habitués. Six partis politiques au gouvernement, quatre fois plus dans l’opposition dont certains s’apparentent à des groupuscules censés faire pencher la balance dans le jeu moribond des alliances. L’abondance numérique des formations va de pair, c’est clair, avec l’incohérence et l’inefficacité qui pend au nez des partis. L’antagonisme est certes la règle qui les caractérise et les distingue, mais à ceci près, ils ont tous le même objectif devant les yeux : la conquête du pouvoir, l’inlassable obsession de se hisser sur le pavois de l’échiquier.

Voici, néanmoins, deux importantes formations politiques que sont le RNI et le PJD qui cohabitent au sein de la même majorité, censés s’inscrire dans une même dynamique, dont les ministres se croisent, se congratulent voire s’embrassent lors des conseils de gouvernement et de ministres ou en d’autres occasions publiques, qui s’entredéchirent à présent dans une guerre de mots et de petites phrases assassines. Les voici ruant dans les brancards, plus que jamais mobilisés pour faire prévaloir chacun sa propre vérité dans ce qu’il est convenu d’appeler le « combat des chiffres »… Maurice Duverger nous a appris « qu’un antagonisme naît toujours dans un certain cadre, où il s’exprime d’une certaine façon, et les facteurs qui l’engendrent influencent aussi la forme de ce cadre et de ce mode d’expression ». L’antagonisme qui oppose le PJD au RNI ne tient pas essentiellement – même s’il est important – à la querelle sur les prix, les commerçants et autres questions sociales, mais à la vision politique et idéologique qui les distingue. Le parti islamique a pris le pouvoir en novembre 2011 par inadvertance, une sorte de coup d’Etat constitutionnel et par surprise, dégainant à un moment où, lassée et résignée, l’opinion publique contemplait non sans effarement un monde arabe déchiré de Tunis à Damas, en passant par Tripoli, Bagdad et Amman…

Le facteur « ras-le-bol populaire » favorise le PJD

D’où cette folle propension d’un certain Abdelilah Benkirane – leader fomenté en 2011 par la crise des Févriéristes – à se proclamer tout de go « sauveur suprême » et seule alternative à ce qui ne sera jamais, pour autant, le soulèvement insurrectionnel. Tant et si bien que l’arrivée prévue voire programmée du PJD au pouvoir s’inscrivait dans un agenda maîtrisé, Sa Majesté le Roi Mohammed VI ayant pris conscience des enjeux politiques et sociaux et prenant de vitesse le cours des choses. Or, le PJD était depuis quelques années dans l’antichambre du pourvoir, le ras-le-bol populaire, conjugué à une dépolitisation accrue,  lui a servi de marche pied. Les résultats des élections aussi bien de 2011 que de 2016, sont d’autant plus significatifs qu’ils ne modifient en rien le paradigme. Sur quelque 14 millions d’inscrits au vote,  moins de 8 millions y ont grosso modo effectivement pris part. Un million d’entre eux appartiennent par adhésion ou sympathie au parti islamique, entendu par-là que le taux de participation n’avait pas dépassé, dans un cas comme dans l’autre, les 45% et celui de l’abstention immense avait déformé le vote.

C’est peu dire que jamais le vote islamique n’a pu, contrairement à ce que certains s’étaient empressé d’affirmer, constituer le raz-de-marée annoncé. La carte sociologique non plus n’aura pas été bouleversée. Le RNI , après avoir connu une phase d’agitation due essentiellement à la crise interne de succession, reprend ses forces et n’en démord pas de tenir la dragée haute au PJD dans la course à la Primature de 2021. Il lui faudra tout de même gagner la 2ème place de l’échiquier qu’occupe le PAM, ensuite relever le défi des urnes, conquérir des milliers d’électeurs timorés, répondre à leurs attentes et, in fine, incarner le modèle de gouvernance et de croissance tant attendu. Pour l’heure, on se fie aux apparences du calme relatif et du calumet de la paix…

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