Potasse de Khémisset : vers un arbitrage international à fort enjeu

Emmerson PLC a engagé une procédure d’arbitrage international contre le Maroc devant le CIRDI, après le rejet de son étude d’impact environnemental pour le projet de potasse à Khémisset. L’entreprise britannique réclame 2,2 milliards de dollars, invoquant une violation du traité d’investissement signé entre le Maroc et le Royaume-Uni.
Un nouveau contentieux oppose le Maroc à l’entreprise britannique Emmerson PLC devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), relevant du groupe de la Banque mondiale. Cette procédure d’arbitrage, enregistrée sous la référence ARB/25/22, concerne le projet minier de potasse de Khémisset, dont la mise en œuvre est aujourd’hui compromise.
À l’origine du différend, la société Emmerson, à travers ses filiales Khemisset UK Limited et Potasse de Khemisset S.A., conteste la décision des autorités marocaines de rejeter l’étude d’impact environnemental et social (EIES) du projet. Cette étude, préalable indispensable à l’obtention des autorisations nécessaires, avait reçu un avis défavorable de la Commission régionale unifiée d’investissement (CRUI) le 28 octobre 2024. Le motif principal évoqué : une inquiétude quant à la pression que le projet pourrait exercer sur les ressources en eau, déjà sous tension dans cette région.
Pour Emmerson, ce rejet équivaut à une exclusion arbitraire de son investissement. L’entreprise s’appuie sur les dispositions du traité bilatéral d’investissement conclu entre le Royaume-Uni et le Maroc en 1999 (et entré en vigueur en 2002), qui encadre et protège les investissements réciproques. Elle accuse le Maroc de ne pas avoir respecté les engagements liés à la protection des investisseurs étrangers, notamment en matière de traitement juste et équitable.
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La société britannique réclame une indemnisation de 2,2 milliards de dollars, montant qu’elle estime être la valeur totale du projet. Afin de soutenir les coûts liés à cette procédure d’arbitrage, Emmerson a sécurisé en janvier 2025 un financement pouvant aller jusqu’à 11,2 millions de dollars. Ce soutien est structuré de façon à être remboursé uniquement si le recours aboutit favorablement.
Le projet de Khémisset constitue le cœur de la stratégie de développement d’Emmerson. Il repose sur des gisements estimés à plus de 311 millions de tonnes, avec une concentration moyenne de 10,2 % en oxyde de potassium. En 2018, une première analyse économique avait souligné la compétitivité du projet à l’échelle mondiale, tant en termes de coûts d’extraction que de proximité logistique avec les marchés européen et africain.
Les prévisions initiales tablaient sur un démarrage des travaux dès 2022, avec une mise en production en 2024. Cependant, le blocage réglementaire a suspendu l’ensemble du calendrier.
Ce litige intervient dans un contexte délicat, où le Maroc cherche à concilier attractivité pour les investisseurs internationaux et préservation de ses ressources naturelles. Le recours d’Emmerson soulève des enjeux majeurs liés à la souveraineté environnementale, à la sécurité juridique des investissements et à la place de l’arbitrage international dans la résolution de conflits entre États et multinationales.
Selon les estimations d’Emmerson, la procédure pourrait durer environ deux ans. En attendant, l’affaire met en lumière les tensions croissantes entre développement minier et exigences écologiques à l’échelle nationale et internationale.