Pour Joe Biden, le piège de l’immigration avant les élections de mi-mandat

Si le président américain, Joe Biden peut se féliciter d’avoir honoré l’une de ses promesses de campagne, faire entrer à la Cour Suprême la première femme noire, Ketanji Brown Jackson, il ne peut se vanter d’avoir rempli un autre de ses engagements, celui de résoudre le problème de l’immigration illégale.

Son administration s’apprête à faire un premier pas pour humaniser le traitement des centaines de milliers de migrants qui attendent à la frontière avec le Mexique de pouvoir être admis aux Etats-Unis. L’un des principaux obstacles depuis deux ans avait été une ordonnance de l’ancien président, Donald Trump, dite Titre 42, qui avait stoppé les entrées pour des raisons sanitaires, la peur que les nouveaux arrivants apportent avec eux le Covid-19. Les risques d’infection ayant sensiblement diminué, le Centre américain de prévention et de contrôle des maladies (CDC) a donné au gouvernement le feu vert pour lever l’ordre de santé publique de mars 2020. La mesure prendra effet le 23 mai. Si les organisations de défense des migrants se réjouissent de cette décision, elle soulève l’inquiétude dans les milieux politiques.

La levée des restrictions va plus que probablement augmenter le nombre des candidats à l’asile. Or déjà l’an passé, la police frontalière avait déjà expulsé 1.7 millions de personnes, renvoyées soit au Mexique, soit dans leur pays d’origine. Depuis octobre jusqu’à aujourd’hui, un million supplémentaire a été arrêté, au rythme de 7000 par jours. Les autorités s’attendent donc à voir ce nombre doubler, voire tripler, une fois les restrictions du Titre 42 terminées. L’administration américaine est-elle prête pour un tel afflux ? La réponse est non, en dépit des efforts faits pour essayer de mettre en place une stratégie capable d’endiguer le flot migratoire prévu. Certes le budget 2023 inclut une augmentation des fonds des services concernés. Le ministère de la sécurité intérieure devrait recevoir 5,4% de plus. Le service des douanes, 15 milliards de dollars, la police frontalière, 8 milliards.

Le gouvernement compte aussi faire appel au personnel de la FEMA, l’agence de la gestion des crises, qui intervient dans les cas de catastrophes naturelles telles que cyclone, incendie ou tremblement de terre. Mais dans l’immédiat, tout le monde s’accorde à dire que les Etats-Unis ne sont pas prêts à faire face à un possible tsunami migratoire. Et c’est inquiétant pour Joe Biden. Personne n’a oublié le chaos provoqué en septembre dernier par l’arrivée de 15.000 Haïtiens ayant traversé le Rio Grande pour camper dans des conditions désastreuses sous un pont de Del Rio, au Texas. Ils avaient été promptement renvoyés chez eux, sans jamais avoir la chance de plaider leur cause. C’est ce genre de situation que les républicains comptent employer pour reprendre le contrôle du Congrès en novembre. Ils vont faire de l’immigration leur arme offensive contre les démocrates.

→ Lire aussi : Biden annule une mesure controversée limitant le droit d’asile

Le chef de la minorité républicaine au sénat, Mitch McConnell, lance dans l’hémicycle : « Ils vont annuler le Titre 42 sans plan de sécurité pour le remplacer. C’est une décision si absurde, une gaffe telle que même certains de mes collègues démocrates la critiquent ». Si la gauche démocrate applaudit Biden, les centristes ne partagent pas leur enthousiasme. C’est le cas du sénateur Joe Manchin, épine dans le pied de son parti, pour avoir fait capoter le deuxième volet du plan d’infrastructure de la Maison Blanche, « Reconstruire en mieux », plan qu’il jugeait ruineux. Il estime la levée des restrictions sanitaires prématurée.

Il n’est pas le seul. Le sénateur Mark Kelly, ancien astronaute, qui représente l’Arizona, Etat frontalier avec le Mexique, a adressé au président Biden une lettre de protestation. Sénatrice du même Etat, Kirsten Synema, est elle aussi opposée à la levée du Titre 42, tout comme le sénateur noir, Raphael Warnock de Géorgie, dont la réélection n’est pas assurée. Pour les rassurer, le ministre de la sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, promet que les nouveaux migrants seront passés au peigne fin, et que tous les indésirables seront expulsés. Joe Biden se trouve entre l’enclume et le marteau.

D’une part, il veut rendre la politique migratoire plus humaine comme il l’avait promis et comme le réclame sa gauche et les associations pro-migrants, mais se faisant, il irrite le centre, et fournit des munitions aux républicains avant le rendez-vous électoral de novembre. De plus, il doit répondre aux injonctions des tribunaux. En mars dernier, une cour d’appel de Washington a ordonné la fin des expulsions de toute personne risquant d’être persécutée ou torturée si elle est renvoyée dans son pays d’origine. Cette mesure entre en vigueur ce mois-ci. En mars déjà, le CDC avait levé le Titre 42 pour les mineurs sur ordre d’un juge texan. La guerre en Ukraine s’est invitée dans la crise. Des milliers d’Ukrainiens arrivés par avion au Mexique sont venus s’ajouter à la foule de migrants de tous les pays du monde, et plus seulement ceux du Mexique et d’Amérique centrale, qui font la queue pour entrer.

Les Ukrainiens toutefois bénéficient d’un meilleur traitement et obtiennent un permis de séjour d’un an beaucoup plus rapidement. Ce qui amène l’ancien ministre du logement de Barack Obama, Julian Castro à déclarer : « Nombre d’entre nous se réjouissent d’ouvrir nos bras aux Ukrainiens qui le méritent absolument. Mais le méritent aussi les Haïtiens, et bien des habitants d’Amérique centrale».

Avec MAP

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