Pratique du Zazen au Maroc ou l’art de la méditation

 Par Idriss shah BADIDI

alias maître «Harmonie-Paisible»

Zen, signifie en japonais un état d’esprit à peu près équivalent à la « méditation », à la contem­plation, sans le sens statique et passif, associé à ces termes.

Ce n’est ni un culte, ni une philosophie, ni un sport. La dimension du Mot ne peut le saisir. C’est une pra­tique qui exige une expérience personnelle. Celle-ci a deux ca­ractéristiques : une posture et une respiration spéciales. La posture s’appelle « Zazen » ; elle res­semble à la position en jambes croisées, chez nous. « Za », en japonais signifie s’asseoir et « Zen », méditer.

Mais, que pourrait-on méditer ? Nous nous concentrons sur notre posture et sur notre respiration. Nous nous assurons que notre co­lonne vertébrale est bien verticale, que la 5ème lombaire régissant la droiture du corps est poussée en avant, que les ge­noux sont bien posés sur le sol, que les épaules sont décontractées, que la tête est levée, que le menton est rentré, la nuque aucune, et que l’extrémité de la langue touche le palais derrière les dents d’en haut.

Les yeux sont mi-clos, le regard se pose de lui-même à un mètre devant soi sans rien fixer. Il est en fait porté vers l’intérieur. On ne regarde rien même si, intuitivement, on voit tout. Les mains reposent sur l’abdomen, paumes en l’air, la main gauche sur la droite. Les pouces se joignent horizontalement, dans le prolongement l’un de l’autre par une légère tension. Ils ne doivent ni remonter ni s’affaisser, et sont ainsi un point de repère pour la concentration.

Simultanément, nous contrôlons notre respiration qui ressemble beau­coup plus à celle d’un animal ou d’un nouveau-né qu’à celle d’un homme. L’inspiration doit être courte et naturelle. Symbolisme : ne pas prendre beaucoup à l’univers. L’essentiel c’est l’expiration qui doit atteindre le « Hara », la matrice chez la femme et qui représente le centre de gravité et non le cerveau, pour les pra­tiquants du Zen.

La respiration Zen balaye les complications mentales

Au cours du « Zazen », nous avons l’impression de vouloir toucher le ciel avec notre tête et de pousser la terre avec nos genoux. Symbolisme : L’homme est un trait d’union entre le ciel et la terre. Il ne peut prétendre à la sainteté et à la plénitude de la liberté que s’il se meut et agit dans cette dimension. Pour les ama­teurs de définition ; le Zen, c’est comme un couteau sans lame et sans manche.

S’asseoir devant un mur : pourquoi ?

D’abord, pour que le pratiquant ne soit pas absorbé par ce qui l’entoure. Symboliquement, on tourne le dos aux préoccupations et aux ennuis de la vie quotidienne. Il apprend à faire quelque chose qui n’a aucune utilité d’usage, à se dépenser gratuitement, car l’intérêt motive tous nos gestes quotidiens. Et le fait de s’asseoir sur un « Zafu », petit coussin, rond, épais, en portant un ample habit noir « Kolomo » ou « Gandourah » devant un mur, permet d’entraîner les sens, le cerveau, les yeux et le coeur à se désintéresser, à patienter et à être gé­néreux. Une éthique de « l’ouïe », et du « oui » malgré les agressions du monde extérieur : c’est le principe de «Mu­chotocu », le principe du « non-profit». Ainsi, en nous concentrant sur la posture et sur la respiration, nous nous mettons à l’écoute du mouvement de la vie au fond de nous-mêmes, nous observons les idées qui comblent notre cerveau et nous envahissent, chaque instant, sans nous y accrocher, avec un esprit exempt de toute pensée, de tout sentiment, un état de conscience dans lequel les pen­sées se déplacent sans laisser de traces. Ces vagues d’idées emmagasinées dans le subconscient remontent à la surface et se volatilisent comme des bulles de savon entraînant par là-même un vide mental salutaire. Pendant Zazen, nous nous entraînons à vivre l’instant présent, à penser « ici et maintenant ».

Pour le Zen, le temps est plus important que l’espace

En effet, nous pouvons revenir sur un lieu mille fois, mais jamais nous ne pour­rons retrouver maintenant.

Pratiqué quotidiennement, Zazen est très efficace pour l’élargissement de la conscience et le développement de l’in­tuition. Cette posture dégage une grande énergie, car les points d’acupuncture se situant aux enchevêtrements des nerfs sur douze méridiens du corps qui s’étendent des orteils jusqu’au tour des hanches, des doigts jusqu’aux épaules et de la 5ème vertèbre lombaire jusqu’à la nuque, se massent et stimulent les centres d’énergie du corps. Il existe environ 3600 points.

Cette opération de massage ou « Acu­pression » a un effet extraordinaire et bé­néfique sur le cerveau. Celui-ci se divise en deux : schématiquement, l’encéphale droit et l’encéphale gauche. Le premier, en connexion avec l’environnement immé­diat et les spectres du cosmos, est le siège de l’intuition et est en rapport avec les sens (l’odorat, la vue, etc…). Il est d’ailleurs plus développé chez l’animal que chez l’homme. Le second, plus performant chez l’homme, est le siège de la réflexion parce que fonctionnant jour et nuit, d’où le risque de fatigue et de stress.

Pendant Zazen et surtout dans la posture du lotus ou demi-lotus, « Attarbiâ » chez nous, les pieds pressent sur chaque cuisse des zones comprenant des points d’acupunc­ture importants correspondant aux méridiens du foie, de la vésicule biliaire et des reins. Autrefois, les samouraïs stimulaient auto­matiquement ces centres d’énergie par la pression de leur cuisse sur le cheval.

 En basculant le bassin en avant au ni­veau de la 5ème lombaire (vertèbre), la masse du corps se porte en avant, allégeant ainsi la colonne vertébrale, censée être à cet instant, bien droite. Cette opération régule et stimule fortement la sexualité. Grâce à la respiration (Inspiration courte, naturelle, expiration longue, profonde, le souffle doit descendre jusqu’au « Hara », (la matrice chez la femme, au bas ventre). On extériorise les gaz toxiques accumulés à l’intérieur du ventre, ce qui entraîne un massage salutaire des organes internes.

Le cerveau s’irrigue par davantage d’oxygène, les tissus cellulaires se renou­vellent et celui-ci se repose. L’homéosta­sie des muscles s’équilibre.

On ressent une relaxation allant parfois même jusqu’à connaître le grand frisson. Le soma du corps se régule. Une véritable alchimie se met en branle dans le corps, ce qui permet la régulation de son biorythme.

L’afflux des idées qui perturbent, à chaque instant, notre esprit contre notre gré, s’arrête net.

L’encéphale droit, paresseux chez l’homme, se réveille et on ressent alors des choses inouïes. Le Zazen dure envi­ron 1 heure, entrecoupée d’une marche zen « kin-hin », d’environ 10 minutes avant la fin du Zazen. Nous chantons le « Hanya-shingyo » ou chant de la sagesse suprême. C’est un exercice de respira­tion, une combinaison de phonèmes qui sortent du « Hara », des viscères. Avec cet exercice, on évacue le gaz carbonique stagnant au fond des poumons, lequel gaz génère la nervosité, et bien d’autres ma­ladies.

La respiration zen ressemble à la respi­ration de certains soufis de l’islam pendant les séances d’invocation de Dieu « Ad- Dhikr ».

Au Maroc, nous percevons Zazen comme un moyen d’entraînement à la relaxation, à la vertu de tolérance, une approche de proximité afin de connaître l’autre de l’intérieur, à travers son expé­rience et son enseignement de la sagesse. Zazen n’aliène, en aucune façon, notre ancrage dans notre identité arabo- musul­mane, mais l’approfondit.

Zen et soufisme

Essayer d’expliquer Zen ou le soufisme, c’est comme chercher à saisir une flèche au vol.

L’essence du Zen, c’est le contrôle de l’esprit, du mental par le corps. « Nous n’avons pas un corps. Nous sommes un corps » avancent les adeptes du Zen. C’est par un effort détendu que l’on se réalise, que l’on se spiritualise. Nous nous situons ainsi dans la philosophie de l’Être et non de l’Avoir.

Le soufisme est une spiritualité. Le corps est au service de l’esprit d’où cer­taines pratiques de mortifications du corps. Rares, il est vrai, par les temps qui courent, certaines ascèses tendent à maîtriser cette coquille charnelle, source de vices. Au contraire, le Zen tire partie de la vie.

Il y a là le risque pour le Soufi de tomber dans une religion de l’imaginaire, les sens pouvant tromper sa lucidité, ses schèmes psychologiques et lui tendre le piège d’être obsédé par Satan. L’adepte du Zen n’échappe pas lui aussi à ce phénomène. Si pendant Zazen la posture et la respira­tion ne sont pas correctes, l’état d’esprit du pratiquant s’en fera ressentir.

Celui-ci acquerra des pouvoirs malé­fiques –Joriki- qui, s’il s’amuse à les uti­liser, seront destructeurs et fatals pour son expérience, telle l’utilisation mondaine et ludique de la télépathie.

Points Communs entre Zen et Soufisme :

La sollicitude d’un maître, la médita­tion, une auto thérapie par l’apprentis­sage des vertus du silence et l’arrêt du bavardage intérieur. La conception Zen de l’existence est très originale – autant d’approches, autant de pratiquants. Op­timiste et joyeuse, elle cultive la facul­té d’être émerveillé par n’importe quoi. C’est une approche subjective, abrupte des choses, plus proche de la nature que de la perception mentale des intellec­tuels.

Pendant Zazen, on ne recherche rien à atteindre. C ’ e s t c o m m e quelqu’un qui épluche un oignon à la recherche d’un noyau, il trouvera le vide. Au commen­cement était le vide, ce qui ne signifie pas que le monde est réellement un rien mais que sa nature ne peut être saisie par aucun sys­tème de définition ou de classification fixe. Le pratiquant ne peut appréhender le fond des choses que s’il arrive à se débarrasser du bavardage intérieur qui le poursuit et le hante de la naissance à la mort et à créer un vide dans son mental. Pendant Zazen, on est inondé par les ondes Gamma, traversé par les forces géothermiques de la terre, on capte aisé­ment le flux énergétique par le souffle. Après chaque séance, le pratiquant ressent une relaxation incomparable. Toutes ses obsessions se volatilisent. La quiétude et la sérénité se substituent au ressassement des idées qui submergent l’homme. L’esprit devient limpide, les chocs nerveux et l’anxiété émanant du cerveau disparaissent. À ce moment-là, le pratiquant commence à prendre conscience de soi-même et de l’univers, non seulement à l’aide des forces men­tales de raisonnement dissimulées dans le cerveau, qui « n’est qu’un organe du corps mais avec tout son corps ». C’est la perception par le corps, l’intelligence du corps, la conscience biologique qui se manifeste. C’est la pensée au-delà de la pensée : conscience « Hichiryo ». Le soufisme n’est pas loin….

L’école « Rinzai » est la plus impor­tante des écoles Zen. Elle vise, en plus du Zazen, à apprendre au pratiquant à assi­miler et à saisir l’impulsion de la vie dans ses racines grâce au « Koan ». Cet exer­cice consiste en une question curieuse ou une problématique que le maître pose ou suggère au pratiquant. Ce dernier est censé la résoudre. L’énigme du « Koan » ne peut être décelée que si le disciple se débarrasse du raisonnement ambiant et parfois de l’entendement humain.

Il sort de cette opération exténuante, épuisé mais libéré de la pesanteur du connu. Ainsi, de nouvelles voies de conception et de perception compatibles avec la « vérité cosmique » pratiquée et connue des Soufis de l’islam s’ouvrent devant la personne humaine.

Au Maroc, nous avons adopté la pra­tique de l’école « Soto-zen » du Japon, qui correspond à notre environnement arabo-musulman.

Nous pratiquons Zazen, silencieuse­ment, en respectant la posture et la res­piration et seulement le Zazen. Il a pris ainsi une coloration locale, débarrassée de toutes les coquilles et les pesanteurs qui peuvent entacher notre foi islamique. Au Maroc, pays où la spiritualité est très vivante, le meilleur moyen de faire avan­cer le Zen, c’est de donner tort au Zen constitué.

Une pratique nouvelle est en train de s’enraciner, s’inspirant du soufisme, adop­tant les techniques de respiration du Zen. La pratique du RIEN, très proche des re­cherches développées par la physique sé­mantique et que j’appellerai dorénavant « Al Oummia Al Jadida »,- la virginité spirituelle- pratique dont le grand mérite est l’Acceptation de ne RIEN résoudre, de ne RIEN proposer.

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