Procès à distance: Une transformation numérique en pleine crise sanitaire

En pleine crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19, les premières audiences du procès à distance ont été tenues dans les différents tribunaux du Royaume, marquant ainsi un changement qualitatif dans la mise en œuvre d’une justice efficace qui répond aux défis et aux mutations survenus, tout en garantissant les conditions d’un procès équitable et en toute sécurité.

Ainsi, le coup d’envoi du dispositif des procès à distance a été donné au Tribunal de première instance à Salé et ce, en présence du président-délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, du ministre de la Justice et du président du Ministère public, en plus du président de l’Ordre des avocats au Maroc.

Suite à la décision conjointe entre le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), le ministère de la Justice et la Présidence du ministère public, qui interdit le transfert des détenus aux tribunaux et étant donné que les affaires portées devant les tribunaux dans des délais raisonnables constitue une condition sine qua non d’un procès équitable, le Conseil a procédé, en coordination avec tous les partenaires, à l’application et à la mise en œuvre du procès à distance dans le cadre des mesures proactives, afin de renforcer la sécurité sanitaire des détenus, de toutes les composantes de la famille de la justice et des usagers.

Le recours à ce dispositif, bien qu’il soit simple dans sa quintessence, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des mesures préventives et du renforcement de la sécurité sanitaire des détenus du milieu carcéral et de la mise en place des éléments du tribunal numérique à même de contribuer à la consolidation de l’infrastructure technologique de l’administration, en fournissant les systèmes informatiques sécurisés et les programmes relatifs à la gestion des affaires et des procédures.

Dans le cadre de l’adoption des procès à distance, il a été procédé à l’équipement des salles dédiées à cette opération dans les établissements pénitentiaires, en les reliant aux salles des audiences dans les tribunaux via des moyens de communication modernes, où les organes judiciaires auditionnent le détenu qui se trouve en prison après qu’il ait accepté de se présenter devant la cour et peuvent aussi rendre leur jugement en présence de son avocat.

Au niveau de la Cour de cassation, le premier procès à distance a eu lieu le 6 mai en visioconférence, sous la supervision du premier président de la Cour. Elle a été consacrée à des affaires d’extradition, où les mis en cause, des étrangers de différentes nationalités, ont communiqué avec les magistrats chargés de leurs affaires et ce, après leur consentement et en présence d’interprètes et de leur défense, en consécration des conditions du procès équitable.

Par ailleurs, un total de 11.846 audiences à distance ont été tenues dans les différents tribunaux du Royaume, entre le 27 avril et le 18 décembre, lors desquelles 218.839 affaires ont été mises au rôle, selon le CSPJ.

Des milliers de détenus ont bénéficié de cette opération pour leur épargner tous les risques sanitaires en cette conjoncture exceptionnelle marquée par la propagation du coronavirus, précise la même source.

Le Conseil a, dans ce sens, estimé que ces chiffres reflètent, sans nul doute, les énormes efforts consentis par les autorités, les institutions et les professionnels, pour une meilleure consécration des pratiques et une amélioration de la qualité de cet important projet.

Tout en se félicitant du bilan du procès à distance, le Conseil a affirmé que cette opération se déroule conformément aux conditions d’un procès équitable, soulignant qu’il veille à la bonne application de ce processus à travers le suivi quotidien et précis de tous les détails d’ordre organisationnel, technique et de ressources humaines dans les différents tribunaux du Royaume, en vue de dépasser les difficultés et les obstacles et d’améliorer les mécanismes de gestion à même d’assurer les valeurs de base d’un procès équitable et préserver la santé et la sécurité de tous.

En juin 2018, le président du Ministère public, procureur général du Roi près la Cour de cassation, Mohamed Abdennabaoui, avait affirmé dans un rapport publié sur la mise en œuvre de la politique pénale et présenté lors d’une rencontre de communication, que l’accélération du rythme du traitement des dossiers et la mise en place d’un cadre juridique dédié au procès à distance à l’aide des moyens audiovisuels, ainsi que le règlement des problématiques de transfert des détenus aux tribunaux, constituent un impératif pour une amélioration de l’action judiciaire et une application optimale de la politique pénale.

La Cour de cassation avait placé ce chantier de modernisation, depuis 2003, au cœur des priorités de son plan stratégique visant une mise en œuvre effective des mécanismes de qualité, d’efficacité et de transparence et développer l’action judiciaire pour qu’elle réponde aux attentes des usagers.

Le procès à distance constitue donc une première étape d’orientation pour la transformation numérique du système judiciaire, comme l’avait souligné le ministre de la Justice, Mohamed Ben Abdelkader, dans un exposé présenté devant la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme à la Chambre des représentants en juin dernier.

Ce plan de transformation numérique devrait encourager l’émergence d’un nouveau modèle adapté aux techniques de communication à distance et d’intelligence artificielle, au cours des différentes étapes du service judiciaire, a-t-il relevé.

Pour accompagner ce processus, qui a marqué un nouveau tournant dans le contexte de la modernisation numérique du système judiciaire, le ministère de tutelle a mobilisé une enveloppe budgétaire de 4,705 MDH dédiée à l’accompagnement du dispositif des procès à distance.

Dans le cadre des tâches qui lui sont conférées en vue de garantir le bon fonctionnement des tribunaux du Royaume et offrir les conditions d’accès à la justice et en exécution du mémorandum d’entente signé avec la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), le département a consacré ce montant pour l’acquisition et l’installation de tous les équipements techniques et logistiques à même de garantir la qualité de cette opération, selon un communiqué publié récemment par le ministère.

Ainsi, nombreux sont les secteurs qui se sont adaptés aux nouvelles circonstances imposées par la crise sanitaire de la Covid-19. Celui de la Justice n’a pas dérogé à la règle, étant donné qu’il a entrepris les mesures nécessaires pour assurer la tenue des procès à distance, dans le respect des procédures proactives et préventives, dans des délais raisonnables, dans le cadre du processus de transformation numérique, un des chantiers de la réforme du système judiciaire.

( Avec MAP )

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