Qatar : un partenaire en plein essor

Par Anass El Rhazi

Le Qatar, ce pays, qui suscite admiration chez les uns et répulsion chez les autres mais qui ne le laisse personne indifférent, a pu, en un demi-siècle, passer du statut de village de pêche à celui de puissance montante.

Il n’est un secret pour personne que le petit émirat doit sa fortune à son importante manne gazière, mais sa fulgurante ascension a été pensée et planifiée par ses dirigeants qui, face aux bouleversements géostratégiques qu’a connu la planète après la chute du rideau de fer, ont décidé de faire sortir leur pays de l’ombre grâce au soft power.

Coincé entre deux géants que sont l’Arabie Saoudite et l’Iran et dans un contexte d’après- guerre froide marqué par l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein, l’émirat du Qatar se devait, pour rayonner, commencer par nouer de nouvelles alliances, et puis de se faire connaître.

L’année 1996 a marqué un tournant dans l’histoire du jeune pays avec la création de la chaine d’information en continu Al Jazeera, lancée par le cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, émir du Qatar, qui vient d’arriver au pouvoir en renversant son père. La même année, la base militaire d’Al-Udeid est construite pour un coût supérieur à un milliard de dollars. Une base qui deviendra par la suite la plus grande base militaire américaine du Moyen-Orient, et un gage de protection du pays contre d’éventuels actions de ses adversaires régionaux.

Pour consolider sa notoriété nouvelle, l’émirat a par la suite commencé à investir dans un autre levier de visibilité : le sport.

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En quelques années, le Qatar est passée de nation candidate à l’organisation de la coupe du monde et sponsor de quelques clubs européens à travers la Qatar Foundation, à une nation qui compte sur la scène sportive internationale, avec beIN Sports, le rachat du PSG, et finalement, le développement du projet Coupe du monde 2022.

Fort de sa nouvelle notoriété, le Qatar a pu faire face au blocus mené entre 2017 et 2021 par l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte.

Maroc-Qatar : une relation particulière

Partenaire stratégique du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), le Maroc su entretenir des relations équilibrées avec l’ensemble des membres du conseil lors du blocus. Fort de ses liens historiques avec les protagonistes et profitant de son éloignement géographique, qui le rend imperméable aux enjeux régionaux, le royaume a su maintenir ses liens avec le Qatar. En effet, en plein crise entre l’émirat et ses voisins, le souverain marocain s’était rendu à Doha pour s’entretenir avec Cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani.

Les relations entre le Maroc et Qatar remonte aux années 1970, au lendemain de l’indépendance du pays en 1971. Depuis, une série de conventions, de protocoles d’accord et de programmes exécutifs touchant plusieurs domaines ont été signés. Dans ce sillage, il convient de noter que la plus ancienne convention signée entre les deux Etats porte sur la coopération dans le domaine culturel et artistique remonte à 1975. Elle a été suivie par la signature de l’accord portant sur le recrutement de la main-d’œuvre marocaine au Qatar le 17 mai 1981.

En juin 1996, les deux pays ont conclu un accord pour la création d’une haute commission mixte pour le suivi de la mise en œuvre des conventions, et dont la huitième session a été tenue en février dernier.

Cette dernière session a été l’occasion d’évoquer de nouveaux horizons pour le développement des relations de coopération entre l’émirat et le royaume et a été marquée par la signature de plusieurs accords de coopération dans divers domaines.

Qatar Fund et aide au développement

En ce qui concerne les investissements, le plus grand projet de financement a été porté par le fonds souverain qatari, Qatar Fund, et a démarré en 2012 et a pris fin en 2017. Avec une enveloppe de 1,25 millions de dollars, l’État du Qatar a mené 13 projets de développement ciblant de multiples secteurs, dont la santé, les logements sociaux, l’enseignement supérieur, l’environnement et le développement durable, et la pêche.

Le programme du secteur de la santé comprenait la construction, la remise à neuf et la fourniture de technologie et d’équipements à plus de 16 hôpitaux dans neuf régions du Maroc. En conséquence, la capacité des lits d’hospitalisation dans ces régions a augmenté de 4 200 unités, ce qui a eu un impact durable sur la santé et le bien-être des communautés bénéficiaires.

Pour compléter la surcapacité des hôpitaux universitaires de Rabat et de Tanger, deux hôpitaux universitaires ont été construits avec une capacité totale supplémentaire de 1,350 lits d’hospitalisation.

Aussi, le programme développement durable et pêche a financé des projets de réhabilitation de l’agriculture communautaire, de plantation d’arbres fruitiers, de construction de complexes agricoles, d’acquisition de machines et de mise à disposition des agriculteurs de services de formation et de commercialisation. Ce programme comprenait également un volet d’accès au financement qui proposait des prêts « mezzanine » aux entrepreneurs agricoles et aux agriculteurs. Dans l’ensemble, plus de 30 000 personnes ont bénéficié de ce programme.

D’autre part, le programme a financé de grands projets d’infrastructures d’eau et de traitement des eaux usées qui ont permis à plus de 4 000 hectares de terres d’avoir accès à de l’eau douce et traitée, en plus de la création de coopératives, de centres de recherche et d’installations de formation pour les communautés d’agriculteurs.

Enfin, le programme soutient plusieurs projets visant la construction et la réhabilitation de quais de chargement et d’installations d’entreposage pour les pêcheurs, d’entreposage de carburant et d’ateliers de réparation de bateaux. Ces projets ont amélioré l’environnement commercial avec un impact sur plus de 45 000 pêcheurs et ont contribué à la création de nombreux emplois dans plus de 12 ports de pêche.

Des échanges commerciaux en plein essor et balance commerciale déséquilibrée

Les échanges commerciaux entre le Maroc et l’État du Qatar se sont accrus de 150% au cours des cinq dernières années, selon les chiffres de l’office, et de près de 70% entre 2020 et 2021.

Le volume des échanges s’est établi à plus de 1,7 milliards de dirhams (MMDH), avec une balance commerciale qui penche en faveur des importations (1,4 MMDH), composées aux quatre cinquièmes de matières brutes et de produits chimiques. Quant aux exportations, qui se sont élevées l’année dernière à 269 millions de dirhams, sont constituées essentiellement de produits alimentaires.

Et demain ?

A l’exception de la fermeture du bureau d’Al Jazeera à Rabat en 2010 avant d’être rouvert, les relations maroco-qataries se sont renforcées avec le temps. Aussi, le soutien assumé de l’émirat aux différents groupes de mouvance islamiste n’influe en rien les relations entre les deux pays.

Aujourd’hui, grâce au soft power du Qatar et la réconciliation entre les pays du golfe, le Maroc gagne à renforcer ses liens avec les membres du CCG, plus fiables que l’appui traditionnel qu’est la France, trop versatile au sujet de la question du Sahara.

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