Quand les chasseurs de têtes de l’ailleurs nous dérobent nos cerveaux

Dossier du mois

Fatiha. G, Gérante d’un patrimoine immobilier

Nous avons du mal à reconnaître le Maroc d’aujourd’hui

 A 13 ans, ma fille Nadia quitte la France où elle était née pour suivre ses parents au Maroc.

Inscrite au collège de la mission française Saint Exupéry à Rabat, elle découvre un monde étranger : des enfants de ministres, d’ex­patriés, de Marocains qui ont tra­vaillé à l’étranger et qui ont été obligés de choisir ce genre d’éta­blissement même si leurs moyens ne leur permettaient de payer la scolarité que difficilement.

Dans ce milieu, les classes so­ciales ne se mélangent que rare­ment : tel fils de ministre n’invite que les enfants des hauts placés. Tel jeune qui ne se sépare pas du fils d’un haut fonctionnaire et qui n’hésite pas à dire que les réseaux se font maintenant pour plus tard.

A midi, le défilé des voitures de luxe commence. Beaucoup appartiennent à l’Etat et sont conduites par des chauffeurs de l’Etat. Quand l’envie lui prend, le «gosse» du fonctionnaire téléphone au chauffeur pour que celui-ci lui ramène un menu Mc do. Quant aux discussions de ces enfants « d’une autre planète », les marques d’habits et les adresses de luxe l’emportent sur les sujets culturels. Tout est apparences, faste et flamboyance.

Les années du lycée sont pa­reilles pour ma fille qui ne s’y re­trouvait pas.

Le climat est tellement étouffant qu’elle demande une année sabba­tique pour respirer et prend, sans hésiter, la direction de Séville afin de perfectionner sa langue espa­gnole.

Une année après, le retour au lycée Descartes lui amène une grosse déception : la vie à Séville était tellement enrichissante, simple et agréable. Or, ici, en de­hors du lycée, le vide culturel était tuant.

Le peu d’infrastructures qui existent ne sont pas accessibles. Pour aller à la piscine, faire du ten­nis ou de la musique, il faut payer.

La rue représente un autre cal­vaire. Pour sortir, il faut faire at­tention à ne pas mettre un short ou une jupe courte sinon le harcèlement est garanti et même « mérité ».

La seule bouffée d’oxygène qu’elle pouvait se permettre était ses rencontres philoso­phiques, dans le jardin public, à côté de Cervantes ou dans des ap­partements privés où des jeunes se rencontraient pour parler de sujets d’ordre social ou philosophique.

Une fois son bac en poche, Na­dia ne réfléchit pas deux fois et s’envole pour la France. Là-bas, le respect, la liberté étaient au rendez-vous. Là-bas, elle a pu dire adieu à l’obscurantisme et à tous ces gens qui croient que Dieu a be­soin d’eux pour le défendre. Elle a pu dire adieu à ces magasins qui mettent le coran à fond et qui n’hé­sitent pas à vous arnaquer.

Voilà une toute petite partie de la vie de ma fille dans ce Maroc que nous-mêmes avons du mal à reconnaître, aujourd’hui.

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