Qu’il se tienne ou pas, que le Maroc y participe ou non, à quoi sert le Sommet arabe d’Alger ?

Par Hassan Alaoui

En principe, les 1eret 2 novembre prochain, Alger abritera le 38ème Sommet de la Ligue arabe. Nous disons « en principe » par mesure de prudence, non pas animés par une quelconque hostilité, mais attachés au postulat du doute méthodique. Nous avons connu par le passé tant de déboires liés à des contextes similaires qu’il nous faut aujourd’hui pêcher par une irascible précaution.

Au moment où un débat feutré est engagé ici et là pour savoir si le Roi Mohammed VI prendrait part au Sommet arabe prévu à Alger début novembre prochain, où l’enthousiasme des uns se heurte au scepticisme des autres, peut-être même à certaines réticences, la propagande algérienne – à travers ses réseaux et ses services parallèles – n’en finit pas d’attaquer le Maroc. Comme si l’invitation officielle lancée au Roi du Maroc, disons arrachée sous pression de la quasi-totalité des Etats arabes, n’était qu’une formule protocolaire, lancée à la cantonade ! Comme si, en effet, le souhait de la junte était de voir le Roi la refuser, moyennant quoi, habitués aux manœuvres dilatoires,  les généraux tourneraient en dérision le Maroc et son Souverain.

A ce machiavélique jeu de poker menteur le Roi ne participe jamais. Accepterait-il de prendre part aux travaux du Sommet arabe d’Alger, qu’il le ferait de bonne foi, la conviction panarabe chevillée au corps, une farouche volonté de fédérer les spécificités et les particularités des uns et des autres, la culture de paix hissée sur le fronton du Maroc. Le parti des généraux hostiles au Maroc, s’en réjouiraient à vrai dire qu’ils continueraient à tirer profit de cette « guerre froide » maroco-algérienne de cinquante ans , au détriment des deux peuples et au-delà de la nation arabe.

Les rédacteurs de cette feuille de chou dérisoire appelée « Ach-Chourouq », organe de l’armée algérienne, jubileraient déjà du possible et potentiel « non » du Maroc, mais ils ne seront pas pour autant renforcés.

Il n’en demeure pas mloins qu’en des temps difficiles, le Royaume du Maroc avait organisé  pas moins de sept à huit Sommets  arabes formels et de nombreux autres de moindre importance, avec succès et une participation de chefs d’Etat à nulle autre pareille. Le Roi Hassan II, par son entregent, sa rigueur professionnelle, son engagement personnel, sa passion pour les débats sereins en était sans conteste l’artisan.  Il conférait à ces rencontres la finalité théorique et pratique nécessaires, une dimension inégalée à « grands moments » qui, d’un succès l’autre, ont tracé le sillon d’une quête irrésistible : l’impossible unité des pays arabes.

A Rabat, Fès, à Casablanca et Marrakech, pendant quasiment trois décennies, le Maroc s’est pétri une image du pays d’accueil pour les chefs d’Etat arabes engagés dans des crises, en quête aussi de chemins pour la paix et les règlements de nombreux conflits qui les opposaient. Et s’il est une question essentielle, devenue l’épicentre des problématiques débattues, c’est bel et bien celle de la Palestine, qualifiée de « Cosa nostra », qui pour autant ne suscitait guère une unanime interprétation. Certains gouvernements arabes s’entredéchiraient comme des chiffonniers pour la tutelle du combat du peuple palestinien, à qui mieux, mieux, renchérissant gravement dans le jeu suicidaire du parrainage exclusif, tant et si bien qu’ils ont fini par disloquer les forces du peuple palestinien. La Syrie avait son « peuple palestinien », le Hezbollah le sien au Liban, les Etats du Golfe le leur, et mutatis mutandis la République islamique de l’Iran qui se fait le récupérateur de toutes les divisions du monde arabe. Il convient de souligner que la tragédie palestinienne reflète depuis belle lurette cette caricature de peau de léopard, lézardée à outrance.

L’engagement permanent du Maroc en Palestine

Jusqu’à nos jours, la lutte du peuple palestinien sert de prétexte à l’un et l’autre des pays arabes et subit des actions de récupération sordide. Or, l’aura combative d’autrefois qui suscitait forcément un flot de soutien s’est amenuisée tout au long des dernières années, concomitamment à une tragique déchirure qui traverse les diverses factions interpalestiniennes, désormais soumises à la Loi d’airain de l’éclatement caractéristique à chaque mouvement politique. Tant et si bien que le gouvernement algérien, tout à sa brutale compression, s’imagine être l’épicentre de la lutte pour la libération de la Palestine. Il s’efforce nolens volens de faire accroire qu’il est le Libérateur et le convoyeur de la Palestine et, ce faisant, se fait le violent accusateur d’un pays comme le Maroc. C’est bien évidemment oublier que notre pays s’est investi corps et âme en faveur de la Palestine, en faveur de son peuple et reste toujours le phare du combat pour le statut tripartite d’al-Qods, autrement dit Jérusalem. Le gouvernement algérien qui n’a pas encore ou peu réussi à asseoir la stabilité de son propre pays, qui fourvoie son peuple dans des mensonges d’Etat, a-t-il jamais déboursé quelque chose pour soutenir le Comité al-Qods comme le fait le Royaume du Maroc depuis au moins 30 longues années ? Fondé au temps du Roi Hassan II, ce Comité s’est imposé comme l’instance financière – et même politique – suprême du soutien concret à la Palestine. On en veut pour preuve, la décision que le Roi du Maroc vient tout juste de prendre pour construire une deuxième Université d’al-Qods dans le quartier est de la ville sainte, qui vient après celle de l’Université Hassan II de Gaza.

C’est peu dire que le Maroc joint l’acte à la parole et, surtout, finance les projets structurants, sans jamais être tenté cependant par cette perfidie du chèque corrupteur pour acheter les âmes comme croit le faire le gouvernement algérien. Le positionnement de notre pays dans l’ensemble du monde arabe correspond, en tout état de cause, à son histoire et à sa mémoire. Le Maroc et le seul pays arabe à n’avoir pas subi, à avoir repoussé en fait l’invasion turque et la conquête de l’Empire ottoman . Quatorze siècles officiels et plus de deux millénaires au moins inscrits dans le temps, le Maroc a constitué jusqu’à il y un siècle un grand empire, « l’Empire chérifien » que les divers impérialismes ont tour à tour et avec une violente appétence dépecé, morcelé et réduit à une peau de chagrin. Mais son implantation dans la Méditerranée, due au succès des conquêtes engagées au Moyen Age par Youssef Ibn Tachfine, sultan de la dynastie des Mourabitine ( Almoravide) avait gagné jusqu’à l’ouest algérien.

L’Islam du Maroc venu des contrées berbères

L’empire almoravide céda la place à celui des Almohades ( al-Mouahidine) et Ibn Toumert remplaça Ibn Tachfine. Or, l’empire, ce vaste territoire géopolitique marocain allant jusqu’aux confins de la Tunisie englobait l’Algérie, notamment sous Abd-el- Moumine qui réalisera l’unité de tout le Maghreb , appelé donc l’Afrique du Nord. Les dynasties berbères du Maroc ont répandu l’islam rigoureux jusqu’en Espagne, avec une forte influence et, n’était la trahison d’un Abouabdil qui avait « vendu son peuple pour l’argent », comme aussi la revanche d’Isabelle la Catholique pourchassant Arabes et Juifs, le long fleuve de l’Histoire de l’Espagne arabe  eût sans doute connu un autre cours.

S’il n’était pas un « Grand Empire chérifien », le Royaume du Maroc n’aurait jamais subi les assauts répétés et quasi coordonnés à la fois des Espagnols, des Portugais, ensuite des Allemands, plus tard des Français…A l’inverse, les Rois du Maroc, nous avons dit Almoravides et Almohades ont régné sur l’Afrique du Nord et jusqu’à Tlemcen même, plus tard, les Saadiens dont le sultan Mansour Addahbi poussera le front de conquête jusqu’au Mali…Il n’eût pas non plus fait l’objet d’une conférence en 1884 et surtout en 1906 à Algésiras qui a réuni les puissances impérialistes de l’époque, impatientes d’en découdre avec le poids et l’influence du Royaume dans la région : la France, l’Espagne qui occupait déjà une partie du territoire, la Grande Bretagne, l’Allemagne voire même la Russie…Tout au long du siècle dernier, nolens volens, le Maroc était confronté à plusieurs impérialismes et donc à collusion internationale qui a généré ses appendices, dont l’Algérie reste le modèle figuratif.

En 1958 , la France a transfiguré la carte géographique du Maroc, ses militaires ont découpé à leur guise le territoire de celui-ci , déplacé les frontières et les populations, offert à l’Algérie indépendante plusieurs provinces marocaines, arrachées manu militari dans le cadre de son plan machiavélique de l’OCRS (Organisation commune des régions sahariennes) censée constituer un vaste territoire français d’Afrique du Nord, pourvu de gaz et de pétrole, mais au prix d’une extorsion que le Maroc paye chèrement aujourd’hui. Sans doute en effet d’aucuns, méconnaissant ou occultant délibérément cette réalité historique, nous tourneraient-ils en dérision ! Mais elle est là, elle nous pend au nez, plus présente que jamais, parce que le conflit actuel maroco-algérien est la conséquence de cette aberration que la France devrait assumer. Parce que le Maroc, animé d’une telle profession de foi devenue sa doctrine, ne cèdera jamais au prétexte qu’ne poignée de mercenaires, tous originaires du Royaume et ayant grandi au Maroc, récupérés, manigancés et formés par les agents de Boumediene, ont été victimes du mirage que ce dernier nourrit et dont l’irascible volonté, reprise par la junte qui lui a succédé, est ni plus ni moins de reprendre à son compte la politique coloniale de la France et de disloquer le territoire national marocain.

Un Sommet arabe rongé de l’intérieur

Le Sommet arabe d’Alger, constituerait-il un test de bonne volonté des dirigeants algériens à l’égard du Maroc, offrirait-il les meilleurs gages pour une normalisation entre les deux pays, que  jamais il ne réglerait une fois pour toutes un contentieux vieux de soixante-deux ans où se mêlent la passion triste des dirigeants d’Alger, leur mauvaise foi irréductible, leur propension au rédhibitoire expansionnisme, leur stratégie de fourvoyer les autres pays, africains notamment, et leur impopularité face à leur propre opinion. Qu’il se tienne comme annoncé, le Sommet d’Alger promet d’ores et déjà un échec patent, que le Maroc y soit ou non, ne changerait nullement les paradigmes d’une politique algérienne qui, pour exister ou tout simplement survivre, recourt aux arguties et à de fallacieuses récriminations contre le Royaume du Maroc. Le Sommet d’Alger qui cristallise à présent toutes les passions en Algérie se tiendrait au prix de plusieurs renoncements voire des sacrifices : le retour de la Syrie sur lequel  Tebboune et Chengriha tablaient ne serait pas, a priori, au goût  des participants et celle-ci n’y  prendra pas part, la carte du Royaume du Maroc dans son intégralité – avec le Sahara – ne serait pas tronquée ; enfin la présence du polisario aux travaux du Sommet est exclue et, comme l’exige la Ligue arabe, aucune référence voire allusion au conflit du Sahara marocain ne serait faite… Cependant, au-delà de ces demi-mesures à la limite symboliques, que gagnerait-on, sinon encore renforcer l’obsession du gouvernement algérien arc-bouté sur l’obsession de redorer son blason ?.

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