Rabat: vernissage de l’exposition « Chaibia Talal, Fatima Hassan El Farrouj et Radia Bent Lhoucine : Voyage aux sources de l’art »

Le vernissage de l’exposition « Chaibia Talal, Fatima Hassan El Farrouj et Radia Bent Lhoucine : Voyage aux sources de l’art » a eu lieu, mardi au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain (MMVI) à Rabat, en présence de Son Altesse la Princesse Lalla Zineb.

La cérémonie d’ouverture de cette exposition, qui se poursuivra jusqu’au 23 janvier, a également été marquée par la présence de plusieurs personnalités éminentes du monde de la culture et des arts, de la politique et de la diplomatie.

Il s’agit d’une manifestation artistique qui met en perspective l’oeuvre de trois artistes pionnières de l’expression artistique spontanée au Maroc: Chaibia Talal, Fatima Hassan El Farrouj et Radia Bent Lhoucine. liées par une même appartenance identitaire, ces artistes sont toutes trois d’une origine rurale imprégnée de la tradition orale et des savoir-faire traditionnels liés à l’artisanat et aux arts populaires comme le henné, le tatouage, le tissage et la broderie.

Ces artistes ont, par ailleurs, toutes exercé une certaine forme de lutte pour l’émancipation des femmes à travers l’art, bien que leur initiation à la couleur et à la matière se soit faite grâce au contact avec des artistes académiques, que ce soit le fils, pour le cas de Chaibia et de Radia Bent Lhoucine ou de l’époux artiste peintre pour le cas de Fatima Hassan. Ainsi, n’ayant accédé à la formation artistique que de manière discontinue, elles ont su surmonter l’obstacle de leur autodidacte avec intelligence et finesse pour donner naissance à un non académisme.

Ce terme les définit, sans les stigmatiser ni les figer dans une démarche ou un courant. Elles créent simplement et donnent libre cours à leurs imaginaires, représentant les images de leurs vécus. Leur art sort des normes, des schémas institués, des règles, des limites et des frontières et c’est justement cette position spontanée qui nous interpelle et nous permet de saisir l’éblouissement de ce qui est au-delà de l’ordinaire: un art décomplexé par rapport aux critères académiques où le bidimensionnel prime sur les préceptes de la perspective en peinture.

Dans une déclaration à la MAP, le président de la Fondation nationale des musées (FNM), Mehdi Qotbi, a mis en avant la qualité de cette exposition qui regroupe une figure de proue de l’art moderne marocain, Chaibia Talal, aux côtés de deux grandes artistes, notant que ces trois femmes partagent plusieurs points en commun. « C’est une fierté de donner de la visibilité aux artistes marocains et un grand bonheur d’organiser cette manifestation de grande envergure » au MMVI, s’est-il félicité. C’est extraordinaire le débat qu’a provoqué cette exposition en suscitant diverses réactions dans le monde de l’art. Le musée est là pour provoquer des débats et laisser à réfléchir sur la manière de communiquer, a-t-il ajouté. De son côté, le ministre de la Culture et de la communication, Mohamed Laaraj, a salué l’organisation de cette importante exposition qui témoigne de la créativité artistique chez la femme marocaine.

Cette exposition, qui combine entre modernité et tradition, rend hommage à trois grandes peintres qui ont enrichi avec leurs œuvres l’art pictural national, a-t-il relevé.

Dans une déclaration similaire, Abdelaziz El Idrissi, directeur du MMVI, a indiqué que le musée a voulu mettre en lumière l’art spontané chez les artistes marocains, en consacrant cette exposition à trois grandes figures d’art qui ont entamé leur vie artistique au début des années 60.

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Les trois femmes, qui ont exposé à l’échelle nationale et internationale, représentent un courant d’art particulier qui a régné au Maroc. Les thèmes sont souvent liés à l’art spontané, naïf et brut, a-t-il noté. Les trois ont plusieurs points en commun: issues de la montagne et liées à l’art par le biais de leurs proches : Fatima Hassan est la femme de l’artiste Hassan El Farrouj, Radia Bent Lhoucine est la mère de Miloud Labyed et Chaibia est la mère de Houssein Talal.

Abdelmoumen El Farrouj, fils de Fatima Hassan El Farrouj, a confié pour sa part à la MAP qu’il entretenait une relation très profonde avec les trois artistes. « Si Fatima El Farrouj est ma mère biologique, Chaibia Talal et Radia Bent Lhoucine sont mes mères spirituelles« , a-t-il dit. Les trois femmes autodidactes sont des pionnières de l’art naïf, a-t-il souligné, ajoutant que derrière le succès de ces femmes, trois grands messieurs, à savoir Miloud Labyed, Hussein Talal et Hassan El Farrouj.

Imprégnées des rites, des paysages et des visages qui habitent leurs mémoires visuelles, Chaibia Talal, Fatima Hassan El Farrouj et Radia Bent Lhoucine peignaient des scènes du quotidien, qu’il s’agisse des scènes festives et rituelles accompagnant les cérémonies de mariage, ou des paysages rustiques exposant des formes humaines, animales et végétales souvent entremêlées, colorées, ornées et décorées jusqu’à la saturation.

La catégorie du portrait faisait aussi partie intégrante des choix plastiques des trois artistes qui ont dépeint les physionomies des gens qui animaient leurs quotidiens. Les œuvres des trois artistes dépassent la narration vers une transmutation, une caractérisation du réel. Si ces trois artistes avaient une multitude de points en commun, il n’en demeure pas moins que chacune d’entre elles incarnait une sensibilité particulière et se caractérisait par un traitement pictural singulier.

Bien que traversée par les mêmes problématiques, l’œuvre de ces trois artistes n’en reste pas moins spécifique. Leurs démarches respectives donnent à voir la simplicité des solutions techniques et picturales adoptées par chacune d’entre elles.

Les espaces présentés dans leurs tableaux sont extrêmement denses, malgré le cadre très large de l’environnement représenté. Ainsi, les vues d’ensemble des paysages et des scènes donnent aux spectateurs une impression d’ouverture comme si elles n’étaient pas délimitées par mes dimensions du support et continuaient d’évoluer hors de cadre du tableau suggérant ainsi l’infini du monde réel.

Un effet de verticalité traverse l’oeuvre de Radia Bent Lhoucine quand elle place ses sujets frontaux debout et au centre de ses compositions qui sont marquées souvent par ornementation verticale. Chaibia Talal met à son tour en exergue les personnages mais traite l’espace environnant comme une donnée secondaire qui se présente dans ses œuvres comme un arrière fond aplati où vient se superposer une scène , un portait ou un paysage. Quant à Fatima Hassan, elle procède par des plans hiérarchiques où les sujets se confondent avec l’espace par l’effet d’une stylisation ornementale géométrisante.

La scène de fête est un thème emblématique de la peinture des trois artistes. L’impression de lévitation que procure l’absence de perspective accentue l’expression de réjouissance collective des sujets. Elle donne aux représentations bidimensionnelles des danseurs et des musiciens mouvement et cadence, faisant de l’image statique du tableau un spectacle visuel vivant, presque sonore.

Dans leurs tableaux, les trois artistes ont porté un intérêt particulier au thème du paysage et à la représentation végétale. On y voit les couleurs vives et chatoyantes des végétations denses où des sujets humains se confondent avec des spectacles bucoliques excessivement colorés, rivalisant, souvent par leur taille, avec la hauteur des arbres et des plantes.

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