Renouvellement du pouvoir judiciaire en Espagne : Bras de fer entre le gouvernement et l’opposition

Par Omar EL MRABET

Le renouvellement du Conseil espagnol du pouvoir judiciaire (CGPJ), en suspens depuis trois ans, est l’un des défis majeurs de la rentrée politique en Espagne sur fond de discorde entre majorité et opposition.

Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), majoritaire au gouvernement, et le Parti populaire, principale formation de l’opposition, se livrent à un bras de fer sans merci pour avoir le monopole de cet organe important dont le renouvellement requiert un accord entre les partis les plus représentés aux deux chambres du Parlement espagnol.

Selon la Loi fondamentale espagnole, l’élection des membres du Conseil général du pouvoir judiciaire requiert une majorité qualifiée de 3/5 de chacune des Chambres (Congrès des députés et Sénat).

Actuellement, aucun groupe parlementaire ne disposant d’une telle majorité, un accord est nécessaire pour procéder à l’élection et au renouvellement des membres du Conseil, un facteur qui nuit au fonctionnement de cet organe constitutionnel chargé, entre autres fonctions, de la nomination des juges de la Cour suprême et des présidents des tribunaux supérieurs.

Ses membres sont chargés également de l’inspection des cours et tribunaux, de la formation, de la nomination, de la promotion et du régime disciplinaire des magistrats avec un budget annuel de plus de 70 millions d’euros.

Pour cette rentrée politique, les tensions reviennent au devant de la scène entre les socialistes et les populaires et les divergences ne cessent de s’approfondir. Pour sortir de l’impasse, le gouvernement de coalition conduit par le socialiste Pedro Sanchez suggère l’adoption d’une nouvelle loi permettant aux deux chambres du Parlement d’élire les membres du Conseil à la majorité absolue au second tour, en cas d’échec de la nomination des magistrats à la majorité des trois-cinquièmes.

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Le texte, critiqué et rejeté catégoriquement par le président du PP, Pablo Casado, propose également de réduire le pouvoir des juges du Conseil, une fois leur mandat abouti.

Pour ce parti, «les membres du CGPJ doivent être élus par tous les juges et magistrats en activité», soulignant que cette élection doit se faire « par vote personnel direct et secret ».

En plus, les populaires posent trois conditions au gouvernement pour lancer les négociations sur le renouvellement du CGPJ. Pablo Casado appelle l’exécutif à retirer du Parlement une proposition de réforme de l’élection du Conseil jugée « contraire à la Constitution, aux traités européens et à l’indépendance judiciaire et la séparation des pouvoirs ».

Le PP rejette également la participation de Podemos dans tout processus de négociation pour le renouvellement du « gouvernement des juges » et insiste sur sa proposition de dépolitiser cette démarche.

Face à cette situation, la Commission européenne (CE) a exhorté l’Espagne à renouveler le CGPJ, fustigeant la persistance du blocage de l’organe directeur des juges depuis 2018.

Dans un rapport publié récemment sur l’état de droit dans les pays membres de l’UE, la CE a braqué les projecteurs sur le CGPJ, dont elle craint qu’il soit perçu comme « vulnérable à la politisation » en raison de l’impasse dans laquelle se trouve l’élection de ses nouveaux membres.

Bruxelles suggère une élection basée sur les « normes européennes » afin qu’au moins la moitié de ses membres soient élus par les juges eux-mêmes, mettant l’accent sur l’importance de parvenir à un consensus entre le gouvernement et les partis politiques pour éviter l’impasse actuelle.

Formé en 2013 sous le gouvernement de Mariano Rajoy (PP), le Conseil général du pouvoir judiciaire est au centre d’une vive polémique en Espagne, une situation qui alimente la tension politique dans le pays et ravive les inquiétudes à Bruxelles.

( Avec MAP )

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