Repenser le vivre-ensemble pour vivre dans la paix

DOSSIER DU MOIS

Le vivre-ensemble en débat

 

Dans un monde en effervescence, nous  aspirons tous à la paix. Pourtant, l’intolérance et le rejet de l’autre prennent le dessus. qu’est-ce qui a fait qu’on en arrive là ? Comment réinventer le vivre-ensemble, aujourd’hui ? Faudrait-il engager une nouvelle éthique à cet effet ? Les invités de Maroc diplomatique nous éclairent sur ces points.

 

Valérie Morales Attias

Journaliste, écrivaine et militante associative à Marocains Pluriels

 

Intolérance, rejet de l’autre… il n’y a là rien de nouveau sur le plan humain à travers les siècles. Ce qui est nouveau, ce sont les codes de la guerre actuelle qui paraissent injustes aux yeux du monde occidental et concernent tout le monde, les civils comme les militaires de métier, les hommes comme les femmes, les enfants, les innocents, les coupables, les blancs et les noirs. Tout le monde est dedans, tout le monde est mouillé et chacun n’a, in fine, qu’une seule question fondamentale à poser : pourquoi ? Pourquoi cette flambée de l’islamisme radical ? Pourquoi les musulmans en sont-ils les premières victimes ? Pourquoi cette revanche sanglante à prendre sur l’Europe ? Pourquoi, pourquoi ? Les experts en donnent les raisons géopolitiques, politiques, civilisationnelles, sociales, psychologiques, etc. Ces réponses sont probablement toutes justes. Mais le monde d’aujourd’hui s’en tient aux faits, c’est-à-dire aux symptômes, et se fiche un peu des causes. C’est comme pour une grave maladie dont on ignore l’origine exacte, mais dont le patient à qui l’on assure par devoir les soins palliatifs va mourir dans tous les cas. Ces soins palliatifs appliqués par nos gouvernements sont simples : la reconnaissance des faits, car ces faits sont têtus et exigent des réponses sur le terrain. Ce sera donc la guerre et le patient peut bien mourir, on l’a déjà oublié.

Sur le plan géopolitique, le vivre-ensemble est de plus en plus vrai, aussi vrai que les flux de populations augmentent et se mélangent par la force des choses. Mais sur un autre plan, social celui-ci, à force de vivre ensemble, les communautés se replient, s’échauffent, les identités s’exacerbent. On pourrait penser que les peuples s’irritent les uns les autres à se fréquenter de trop près. L’irritation se transforme en allergie aigüe, et c’est ce que l’on peut observer en Europe où l’on est désormais allergique à l’Islam, au point de ne plus pouvoir entendre un discours, même intelligent, sur le sujet. On ne veut plus en entendre parler, point. Le point de rupture est atteint quand on touche à la fin du langage. Nous n’en sommes pas loin. Hélas. À mon avis, il faut réinventer le discours, les mots que l’on se dit, dans la rue, dans les cafés, les lieux de culte et surtout à l’école. Il faut réinventer un «naturel» humain. Je ne parle pas de tolérance ici, car c’est un mot suspect qui sous-entend une forme de condescendance (on est tolérant avec ceux qu’on pense qu’ils se trompent, on les regarde avec pitié, etc.). Non, je parle d’humanité, celle qui fait que l’on se raconte nos histoires et que l’autre trouve qu’au fond elles ressemblent aux siennes. La paix n’est pas d’être d’accord sur nos discours, mais de comprendre que la vérité est toujours ailleurs, qu’elle est multiple et qu’elle ne mérite donc pas qu’on en meure. Avec ou sans Dieu. Si aujourd’hui, je prie pour la paix, ce n’est pas au nom de Dieu, c’est au nom de l’Humanité.

Les religions nous ont toutes appris à être doux les uns envers les autres. Pas besoin d’inventer une nouvelle éthique. Enseignons celle qui fond notre humanité à tous et que nous connaissons. Sortons cette valeur-là de son habitat naturel, les vieilles églises et les vieux temples, et imposons-la, là où elle n’est plus. Aussi bien au sein des quartiers précaires que dans les hautes écoles de commerce.

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