Repenser le vivre-ensemble pour vivre dans la paix

DOSSIER DU MOIS

Le vivre-ensemble en débat

Soad Begdouri Khemmal

Fondatrice de l’association « Les victimes du 16 mai », Présidente de « l’Association Marocaine des victimes du Terrorisme » & écrivaine

 

Certains sont arrivés à un niveau d’intolérance et de rejet de l’autre tel qu’ils tournent le dos aux principes et aux valeurs éducatifs qui ont toujours fondé et illuminé notre chemin et nos vies. Comme quand la famille se regroupait autour d’un repas et regardait la même chaîne de télévision… peut-être est-ce une forme de nostalgie de ma part, mais je ne peux renoncer à l’idée qu’une forme de notre passé commun ne doit pas forcément passer… Quand les parents jouaient leur rôle en écoutant, orientant et en accompagnant leurs enfants, quand l’école jouait aussi son rôle d’outil d’apprentissage d’activités sportives et artistiques. Le fossé s’est en somme beaucoup creusé, élargi, entre les jeunes et les adultes, notamment les responsables politiques et, surtout, ceux des organisations politiques qui n’assument plus leur rôle de « modèle fédérateur » et d’ »exemplarité »  constructive, créative pour la jeunesse.

A mon avis, nous vivons ensemble mais comment ?  Sûrement, chacun dans son coin. Séparés les uns des autres, presque emmurés dans une espèce d’ »individualité collective ». Il y a donc urgence à repenser, à approfondir les principes éthiques et politiques nécessaires au vivre-ensemble, tisser, en somme, les liens entre les différentes composantes de notre société, s’ouvrir sur nous-mêmes autant que sur les autres.  Abdelkébir Khatibi parlait du Maroc au pluriel. Du pays comme une identité, Une et multiple.

A ce propos, je me souviens quand j’étais enfant, avec nos voisins espagnols à Tanger, nous cohabitions et nos relations étaient formidables. Mieux, nous partagions plusieurs choses simples de la vie tout en conservant nos particularités et nos habitudes respectives. C’est un grand mur qui s’est installé au fil des années. Un mur que certains érigent en haine et, souvent,  rejet catégorique de toute forme d’altérité. Mais un rejet d’autant plus paradoxal et, j’ajouterai, schizophrénique, qu’il ne s’empêche, sans la moindre hésitation,  d’accepter et de revendiquer le confort d’un monde «moderne» qu’ils tiennent eux-mêmes pour absolument suspect tant moralement que politiquement !

Notre société a toujours été multiculturelle et multiethnique et notre religion, l’Islam malékite modéré a fait de nous des Marocains tolérants et ouverts, mais c’est la propagation du wahhabisme à travers nos mosquées, nos établissements scolaires et universitaires qui a bouleversé, depuis quelques décennies, le vécu de plusieurs de nos compatriotes. Nous n’avons donc pas besoin d’une nouvelle «éthique», nous avons juste besoin de vider nos esprits des idées rigides qui transforment nos jeunes en des machines à tuer et dans les meilleurs des cas, en des « mcharmlines »(«coupeurs de routes»), des drogués ou des «harragas».

Je ne vois pas d’autres issues pour sortir de la crise morale qui nous infecte qu’à travers le retour à l’Islam modéré de nos parents et grands-parents qui, eux,  nous ont appris à cohabiter avec l’autre avec (et non malgré !) ses différences. L’autre moyen c’est l’école et le système éducatif. D’abord, il faut assurer la scolarisation à tous nos enfants dans de bonnes conditions. Et puis poser la question : qu’est-ce qu’on doit apprendre à nos jeunes pour pouvoir les protéger de tout danger et leur donner les moyens et les méthodes pour être à l’abri des idéologies fondées sur la haine et le rejet de l’Autre . Sans oublier également le rôle de la sensibilisation et de l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs morales universelles que nous partageons, lois constitutionnelles à l’appui, avec toute l’humanité.

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