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Réseaux sociaux : le nouveau visage du commerce informel au Maroc

Au Maroc, les réseaux sociaux se muent en véritables vitrines commerciales. Portée par des contenus viraux et des interactions discrètes, une nouvelle économie numérique parallèle émerge, contournant les circuits classiques du commerce formel. Elle révèle une génération d’entrepreneurs connectés, agiles et créatifs, mais opérant en dehors de tout cadre légal ou fiscal.

TikTok et Instagram ne sont plus de simples plateformes sociales au Maroc : ils hébergent une nouvelle économie informelle, dynamique et dématérialisée. Sans statut légal ni traçabilité, des milliers de vendeurs y prospèrent, portés par la viralité et la souplesse des outils numériques.

Au Maroc, avec plus de 12 millions d’utilisateurs sur TikTok âgés de 18 ans et plus et près de 12 millions sur Instagram, ces réseaux sont devenus le terrain de jeu d’une nouvelle forme de commerce, libre, agile, et surtout informel.

Loin des boutiques classiques et des vitrines officielles, de nombreux vendeurs proposent leurs articles – vêtements, cosmétiques, gadgets – directement via des stories, des vidéos tendance ou des échanges dans des groupes fermés. Selon les médias, ce phénomène s’apparente à une véritable économie parallèle, structurée mais non réglementée.

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Cette dynamique s’inscrit dans un contexte plus large : le secteur informel marocain compte quelque 2,03 millions d’unités de production, dont près de 50 % actives dans le commerce. Pourtant, ce nouvel écosystème digital ne doit rien au hasard. Il repose sur une logistique discrète et un usage stratégique des outils numériques.

Au cœur de ce réseau invisible se trouve l’application Telegram. Ce n’est pas seulement une messagerie : elle sert de plateforme centrale pour organiser les livraisons, gérer les stocks et échanger avec les fournisseurs. Grâce à sa confidentialité et sa flexibilité, elle est devenue un outil privilégié pour ces commerçants numériques non déclarés. Ces vendeurs, qui opèrent sans structure légale, misent sur leur capacité à exploiter les codes des réseaux sociaux. Un produit repéré dans une vidéo virale le matin peut se retrouver commercialisé l’après-midi. Ils s’appuient sur une réactivité extrême et une parfaite compréhension des tendances pour écouler rapidement leurs articles.

Malgré la présence d’outils technologiques performants au Maroc – plateformes de paiement mobile, services bancaires digitalisés, solutions e-commerce – les acteurs de ce commerce parallèle choisissent délibérément de ne pas y recourir. Ce n’est pas par manque de moyens techniques ou de compétences, mais par volonté d’éviter toute traçabilité. Les transactions s’effectuent généralement en espèces ou via des moyens de transfert directs comme Inwi Money, Orange Money ou Barid Cash. Cette absence de facturation et de suivi rend leur activité quasiment invisible aux yeux des institutions et hors du périmètre des statistiques officielles.

Ce manque de transparence n’est pas sans conséquences. D’une part, il fragilise les droits des consommateurs, privés de garantie en cas de litige. D’autre part, il maintient un fossé entre cette économie souterraine et l’écosystème formel, avec lequel elle ne communique pas.

D’après les experts en transformation numérique, le véritable enjeu ne réside pas dans le manque d’outils technologiques, mais dans l’absence de solutions flexibles et accessibles. Ces auto-entrepreneurs du digital ont ainsi conçu leurs propres mécanismes, faute d’une offre institutionnelle capable de répondre à leurs besoins en matière de simplicité, de réactivité et de rentabilité. La réponse ne doit donc pas passer par une régulation rigide ou punitive, mais par une approche plus souple et inclusive. Il s’agirait de proposer des mécanismes numériques légers et interopérables, capables d’intégrer ces acteurs sans compromettre leur agilité.

Le commerce informel via les réseaux sociaux ne relève pas d’une simple mode éphémère. Il représente une évolution profonde, portée par une jeunesse connectée, audacieuse et créative. Selon les experts, toujours, c’est une mutation que l’économie marocaine doit non seulement reconnaître, mais aussi accompagner intelligemment.

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