Résister en poésie c’est dénoncer les radicalités mais aussi dire la beauté du monde

Des poètes réunis samedi à Rabat autour d’une table-ronde sous le thème “résister en poésie”, ont souligné que l’acte de résistance chez les poètes consiste à dénoncer les injustices mais aussi à dire la beauté du monde, sa force et sa fragilité.

Lors de cette rencontre inscrite dans le cadre de la première édition de “la Nuit de la poésie” célébrée par l’Institut français de Rabat (IFR) à l’initiative de l’Institut du Monde Arabe à Paris (IMA), le journaliste, écrivain et poète Khalil Hachimi Idrissi a estimé que “l’acte de résistance en poésie réside dans le fait de s’opposer à toute radicalité qui constitue une menace pour l’humanisme que l’on veut cultiver”.

Après la lecture d’un extrait de son ouvrage “La foi n’est convoquée que les jours de fête”, qui traite de thématiques d’actualité telles que le terrorisme, l’humanisme ou encore l’esclavagisme tout en encourageant le vivre-ensemble. M. Hachimi Idrissi a relevé que le terrorisme est une négation de l’humanité, alors que “le poète n’est pas un être en dehors de la société”.

“L’acte d’écrire est un acte paradoxal puisqu’on écrit sur la vie et le monde même si ce monde parfois n’est pas joli”, a-t-il fait observer, notant que l’écriture poétique représente, quant à elle, un exercice de transgression où on étale, dans une forme d’impudeur, ses sentiments, son vécu, son conscient et son inconscient etc.

Dans cette forme d’écriture, a-t-il poursuivi, il y a une sorte de “libération”, on exprime des idées, des convictions et des valeurs, sachant que, selon lui, “l’écriture poétique est souvent un exercice physique dont la matière première est soi-même”.

Il a dans le même contexte souligné que “la foi en l’humanité compte tenu du monde dans lequel nous vivons est devenue impérieuse”, plaidant à ce propos en faveur d’un refus du nivellement des cultures, la défense de leur singularité, et de l’originalité des perceptions et de la richesse des approches.

M. Hachimi Idrissi a, d’autre part, affirmé qu’un journaliste n’a pas à tout dire puisqu’il doit obéir à une approche professionnelle, éthique, en général une commande de sa rédaction, il doit faire réagir des gens, sources, restituer et rapporter les informations, mettre en contexte, donner du sens et exploiter des archives entre autres, estimant que “le journalisme n’est pas une affaire de vérité, mais de compréhension et de restitution”.

De l’avis du poète, essayiste et critique littéraire, Sylvestre Clancier, “un poète, même s’il est toujours terrifié par les tragédies du monde, l’incompréhension entre les humains, l’intolérance et le fanatisme, peut à travers les mots redonner espoir pour retisser des liens, espérer la fraternité et dénoncer les injustices”.

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Il a considéré que le poète est naturellement un résistant dans le sens où il est amené à protester et à dénoncer le fanatisme, le dogmatisme et l’aveuglement des hommes. Il appelle à une humanité plus réelle, à la compréhension mutuelle et au partage des langues et de la diversité.

M. Clancier s’est par ailleurs réjoui du nombre de jeunes qui s’intéressent de plus en plus à la poésie, notant que cette forme d’expression littéraire maintient l’espoir d’une vie meilleure, dénonce l’injustice et permet d’être entendu.

De son côté, l’écrivain et poète Rachid khaless, qui animait le débat, a indiqué dans une déclaration à la MAP que la résistance en poésie, à double dimension, est à la fois “le positionnement du poète, corps et âme dans le monde, main nouée à la main de ses semblables, pour faire face aux dangers qui menacent la paix des peuples et des nations, mais en même temps la résistance face à ce qui est finitude et à ce temps qui passe”.

Il a à cet égard expliqué que “cette notion qui se fait chez les deux poètes, soit par la suggestion soit par l’évocation d’un temps passé mais réinventé, permet de regarder le monde autrement et d’y voir la beauté”.

Ce professeur universitaire a également mis en avant les paradoxes de la poésie en tant que genre pauvre en édition mais très prisé par le public. “Derrière cet événement qui peut paraitre festif, il a y a une dimension essentielle, liée à l’engouement pour la poésie que l’on trouve dans les objets et les valeurs du vivre-ensemble, la compréhension mutuelle et le dialogue entre les deux rives de la méditerranée à même de rapprocher les êtres humains dans leur fraternité” a-t-il fait remarquer.

Pour la directrice de l’IFR, Muriel Augry-Merlino, la poésie permet de s’évader, de résister à la fatigue psychologique du monde contemporain et à l’ennui. Elle constitue un moyen d’échange, de partage et d’espoir afin de se ressourcer pour créer et réenchanter le monde, a-t-elle dit.

S’exprimant sur l’événement, Mme Augry-Merlino a indiqué que la première édition de la Nuit de la poésie, organisée simultanément avec Paris dans 10 villes, à savoir le Caire, Bagdad, Doha, Djeddah, Riyad, Khartoum, Manama, Rabat, Abou Dhabi et Tunis, prévoit dans sa programmation des ateliers de création poétique avec la poétesse Siham Bouhlal et un spectacle en langues arabe, amazighe et française baptisé “Le silence déraille”.

Au menu figurent également une exposition intitulée “Entre peinture et poésie” de l’artiste-peintre Mohamed Mourabiti et la projection du film “A voix hautes: la force de la parole” de son réalisateur Stéphane de Freitas (César 2016).

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