Révélations du Covid-19

Par Selma ZERHOUNI*

La pandémie du Corona virus perturbe notre vision du monde de façon radicale. Les pays dominants montrent leurs faiblesses et semblent vraiment fragiles. On découvre qu’ils ont perdu de leurs puissances et sont démunis. On y parle de pénuries de masques, de manques de lits d’hôpitaux, de recherches scientifiques en berne, de douleurs de la perte des anciens dans les hospices (pardon, EHPAD !). On présente à la télé des infirmiers, des pompiers, des jeunes de quartiers défavorisés s’occupant de leurs voisins, des bénévoles de toute sorte, des artistes talentueux qui font diversion…Tous ces nouveaux héros anonymes, sont mis au-devant de la scène le temps d’une crise, d’une catastrophe sanitaire, d’une pandémie immaîtrisable. On s’y montre à nu, faible, dépourvu, on s’y montre vrai, seul, dépouillé, sans ressources ni artifices.

Avec le Covid-19, les habitants des pays dits riches, se sont réveillés en plein désarroi. Que se passe-t-il ? On ne peut plus compter sur le recours à l’État providence ?

Mais leurs douleurs est la nôtre. On la partage avec eux. On scrute leurs médias pour déceler une amélioration. Car pour nous aussi, c’est d’eux que devrait provenir la promesse de guérison, le remède attendu, le vaccin, l’arme ultime contre la pandémie. On voit bien que les présentateurs à la télé s’évertuent à garder le sourire, à rassurer les téléspectateurs. Mais on sent que rien ne marche plus comme « avant ». Des penseurs humanistes disparus des médias sortent de leur mutisme. Des économistes prédisent l’effondrement de l’économie libérale, la nécessité de compter avec les pays pauvres parce que le virus est mondial, qu’il ne comprend pas l’idée de frontières, ni de murs, ni de couleurs de peau.

L’Afrique se réveille aussi dans ce nouveau monde. Les habitants du continent réalisent que la fermeture des frontières est pour tous. Des chefs d’État, des nantis, des plus riches, tout le monde est coincé chez soi, contraint au confinement.

Alors, les Africaines et Africains passent à l’action. C’est que la solidarité est habituelle. Ils se mettent à coudre leurs propres masques, inventent des respirateurs, organisent l’aide aux confinés nécessiteux, prennent d’assaut les réseaux sociaux… là, la parole se libère. On y aspire ouvertement à l’autosuffisance. On y réclame l’autonomie de gestion des ressources naturelles. Plus de Franc CFA, plus de dettes publiques, plus de dominations néocoloniales, chinoise ou étrangère. On réclame plutôt des hôpitaux performants, des équipements, des infrastructures…

On dirait que les Africains ne veulent plus de privilèges, qu’ils ne veulent plus suivre ce chemin de croix pour être admis à traverser les frontières des pays riches, qu’ils ne cherchent plus à être dispensés du fameux visa, avec les humiliations qui vont avec, qu’ils sont heureux de pouvoir recevoir des soins chez eux, dans leurs pays.

Ce petit virus a réussi à faire perdre la saveur de liberté qui accompagne le voyage. Dorénavant, on y réfléchira à deux fois avant de prendre un billet d’avion. Car hormis les contraintes administratives, il y a aussi la pollution atmosphérique. Et puis, on réalise le bonheur de rester chez soi. De circuler peu, d’approcher ses voisins, d’avoir le temps pour prendre des nouvelles de la famille, des amis, d’utiliser les moyens dont on dispose, les siennes propres, pour aider les autres et écouter les idées de ses concitoyens, de rire de leurs humours, de saluer leurs compétences. C’est bien la meilleure chose que le virus nous révèle. Quand chacun reste chez soi, dans sa réalité, dans sa dignité, il n’a plus besoin de partir ailleurs, ni d’avoir un autre passeport et encore moins une autre nationalité.

 

*Architecte

 

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