Sahel, la Russie a-t-elle pris le pouvoir ?

Alors que l’attention est portée sur la présence des troupes occidentales au Sahel, la présence russe se développe non seulement dans les domaines de la défense et de la sécurité, mais aussi en termes d’acceptation sociale. Cette présence est particulièrement prononcée depuis septembre 2021,lorsque l’exécutif malien, incarné par le colonel Assimi Goïta a pris le pouvoir aux mains des civils occasionnant une condamnation internationale, sauf la Russie et son allié traditionnel la Chine, qui de plus en plus se substituent aux européens dans toutes les sphères géoéconomiques de la région.

Si l’accord militaire entre le Mali et la Russie a été signé en 2019, les deux ministres des affaires étrangères ont réaffirmé en décembre 2021 leur volonté de poursuivre le partenariat militaire, d’autant que la France avait annoncé la fin de l’opération Barkhane quelques mois plus tôt. L’opération Barkhane est une opération antiterroriste française qui a débuté le1er août 2014 contre des groupes djihadistes dans la région du Sahel en Afrique, avec jusqu’à 5 100 soldats français déployés sur le terrain. En avril, le Mali a reçu quatre hélicoptères militaires russes et environ 80 % du matériel militaire des forces armées maliennes provient de Russie.
Pas plus tard qu’en décembre 2021, la présence de la société militaire privée russe Wagner était niée au niveau institutionnel, bien qu’elle a été divulguée dès septembre que les premières discussions sur le déploiement des 1000 premières composantes du contrat militaire avaient eu lieu. En septembre, des rumeurs ont circulé selon lesquelles ils assureraient non seulement la sécurité de la junte militaire, mais aussi entraîneraient les forces armées et mèneraient des opérations conjointes de lutte contre le terrorisme. De plus, en décembre 2012, la présence de l’armée russe, ou société militaire privée Wagner, sur le territoire est devenue indéniable lorsque des photos aériennes ont fait surface de l’implantation d’une base militaire à côté de l’aéroport de Bamako. Le 5 janvier, des photos de la première victime de l’explosion Wagner/Russie dans le centre du Mali ont été rendues publiques et des rumeurs font état d’une présence sur la base militaire de Tombouctou, dans le nord du pays.
Les analystes sur le terrain ne peuvent pas dire avec certitude si l’armée russe ou le contingent Wagner se trouve dans les différentes régions du pays, mais cela n’a pas d’importance puisque Wagner, comme toutes les entreprises privées russes, est utilisé comme un instrument de gouvernement politique, militaire ou diplomatique.
Selon des experts, dont le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), les entreprises militaires privées russes ont signé 16 accords avec des gouvernements d’Afrique subsaharienne en 2021. Cette pratique s’applique non seulement à la Russie, mais également aux entreprises militaires d’autres pays du monde, telles que la Chine. Malgré le déni de la mission Wagner, il existe des relations démontrables non seulement dans la zone sahélienne mais dans le monde entier.
Wagner sur la sellette
Dans la même région, 35 corps calcinés ont été retrouvés en train d’être torturés. Plusieurs ONG enquêtant sur le terrain ont recueilli des témoignages affirmant avoir vu les forces armées dans des atrocités inédites au Mali depuis 2018.
Comme au Mali, c’est le ministre de la Défense Sadio Camara qui a organisé des rencontres entre la junte et Wagner. Selon les médias, après le coup d’État au Burkina Faso fin janvier, l’actuel président Damiba, par l’intermédiaire de l’ancien président Kaboré, a demandé l’aide de la Russie et de Wagner dans la lutte contre le terrorisme. En dehors de ces rumeurs, il n’y a aucune preuve d’une telle approche. Ce qui est clair, c’est qu’une partie de la société civile dans les différents pays du Sahel, en particulier dans les pays dirigés par des militaires (Guinée-Conakry, Mali et Burkina Faso),soutient les gouvernements qui ont des liens militaires avec la Russie ou ses sociétés militaires privées, surtout après l’échec des opérations internationales occidentales.
Des drapeaux russes ont été agités par de jeunes Sahéliens lors de manifestations de soutien à la nouvelle junte dirigée par Paul-Henri Sandaogo Damiba et lors de manifestations de soutien à la junte malienne suite aux sanctions de la CEDEAO. Ces sentiments pro-russes ont été alimentés par des personnalités sociales telles qu’Adama Ben Diarra, le patron de l’Association Yerewolo, qui depuis 2019 aurait demandé à l’ambassade de Russie de venir au Mali pour faire contrepoids entre l’ONU Multidimensionnelle Intégrée Mission de stabilisation au Mali (MINUSMA) et Barkhane pour servir. Si les forces de Wagner/Russie continuent à commettre des violations des droits de l’homme, ce soutien des sociétés pourrait diminuer de façon exponentielle.
Les Tchadiens réclament la Russie
 
Les 12, 13, et 14 mai, des centaines de Tchadiens, – pour la plupart des jeunes hommes – ont manifesté contre l’ancienne puissance coloniale, la France, qu’ils accusent de soutenir la junte militaire au Tchad depuis des décennies. Une alliance de l’opposition avait appelé à la manifestation dans la capitale N’Djamena. Des drapeaux français ont été déchirés et frappés à coups de pied et des stations-service Total -l’incarnation de la puissance française – ont été vandalisées. Durant ces manifestations, plusieurs jeunes ont brandi des drapeaux russes, lançant des vivats à la Russie. Ce soulèvement doux contre la France, mais aussi les européens, est une ouverture pour la Russie, qui, accompagnée de la Chine, change la donne géopolitique au Sahel, mais aussi en Afrique.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page