« Sale temps » pour les médias algériens

Plusieurs organisations de défense des droits humains et médias ont dressé un bilan sombre de la situation de la liberté de la presse en Algérie en évoquant un « sale temps pour les médias » dans ce pays maghrébin.

A l’instar des autres pays du monde, l’Algérie célèbre la Journée internationale de la liberté de la presse, mais « cette année, l’heure n’est pas à la fête », déplore dans ce sens « Observalgérie », relevant qu’en plus du coronavirus, la presse ne traverse pas ses meilleurs jours en Algérie.

Le journal explique que la presse algérienne vit une période difficile, la plus dure de son histoire, estimant que « pour cause, c’est son existence même qui est menacée ».

Dans ce sens, il rappelle que certains journaux dont « Le Temps d’Algérie » et  » Ennahar » ont déjà mis la clé sous la porte suite à la crise financière qui les secoue, mettant en garde contre le fait que d’autres titres risquent de fermer si leur situation financière ne s’améliore pas.

Concernant la presse papier, la publication fait savoir qu’elle est sérieusement prise par la gorge, un état de fait qui dure depuis plus de quatre à cinq ans, précisant qu’une grande partie de journaux font de la « résistance ».

« Non seulement, ces journaux ne recrutent plus, mais licencient pour réduire les dépenses. Ils roulent ainsi avec un effectif très réduit », poursuit la même source.

Notant que cette situation est dictée, en fait, par la réduction de la publicité, qui est induite par la crise financière qui secoue le pays depuis 2014, année du début de la chute des prix du pétrole, elle relève que la publicité étatique, distribuée par l’Agence Nationale d’Edition et de Publicité, se fait depuis au compte-gouttes et les ventes ont reçu un coup.

Le journal estime, par ailleurs, que l’évolution du monde virtuel a permis la création et le développement de la presse en ligne en Algérie, faisant constater toutefois que « ce n’est pas non plus le printemps pour ces journaux », qui sont souvent malmenés par le pouvoir en place.

Faute de pouvoir les contrôler, le pouvoir en place use du plan B : « le verrouillage et la censure », regrette le quotidien, arguant que rien que pour ces quelques derniers jours, au moins quatre sites ont été censurés, alors que les autres journaux électroniques encore en activité jouent au chat et à la souris avec les autorités pour « échapper » au blocage.

Trois médias en ligne, actifs dans la couverture du « Hirak », ont été la cible de censure: deux sites du groupe « Interface Médias », « Maghreb Emergent » et la radio web Radio M, ainsi que le site d’information généraliste « Interlignes ».

Il rappelle, en outre, que des journalistes croupissent encore en prison, comme Khaled Drareni, Fondateur et directeur du site d’information en ligne Casbah Tribune, correspondant de la chaîne de télévision française TV5 Monde et représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Algérie, faisant observer que ceux qui sont en « liberté » n’y arrivent plus financièrement car « le métier qu’ils exercent ne fait plus vivre en Algérie ».

Dans ce sens, plusieurs ONG et partis politiques ont exhorté les autorités algériennes à mettre fin aux poursuites judiciaires et à libérer les journalistes emprisonnés, dont Khaled Drareni.

Selon des défenseurs des droits de l’Homme, la liberté de la presse et d’expression se dégrade en Algérie, sur fond de la suspension du mouvement populaire anti-régime « Hirak » et de la crise sanitaire, avec des journalistes en détention et la censure de médias en ligne.

« Il n’est pas normal que des journalistes soient en prison. Il y a eu une Révolution pour un Etat de droit et des libertés, dont la liberté d’expression, mais le système politique poursuit des journalistes qui ont une ligne éditoriale qui déplaît », déplore l’avocat Mustapha Bouchachi, cité par les médias algériens.

Dans un communiqué, le Front des Forces socialistes (FFS), le plus ancien parti d’opposition algérien, a accusé pour sa part le gouvernement de se positionner « à contre-courant de la promotion des libertés en général et de la liberté de la presse en particulier » alors que la pandémie de Covid-19 « nous fait basculer dans l’inquiétude et l’incertitude ».

Dans le même ordre d’idées, la directrice d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Heba Morayef, a déclaré que « les autorités algériennes doivent immédiatement et sans condition libérer Khaled Drareni et mettre fin à ces poursuites scandaleuses ».

M. Drareni, placé le 29 mars en détention préventive au centre pénitentiaire de Kolea, à l’ouest d’Alger, dans l’attente de son procès, « est puni simplement pour avoir osé faire son travail journalistique de façon indépendante et courageuse », a dénoncé AI.

Ses avocats ont affirmé qu’il « offre toutes les garanties pour se présenter le jour de son procès » et que son emprisonnement est d’autant plus « arbitraire » qu’il exerçait ses fonctions de reporter lors de son arrestation.

L’Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a dégringolé de 27 places par rapport à 2015 (119e).

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