Salvador: Nayib Bukele, le président qui veut incarner le changement

Avec l’espoir d’en finir avec les maux du pays, les Salvadoriens ont porté au pouvoir le plus jeune président d’Amérique Latine. Nayib Bukele, 37 ans, a promis d’ouvrir un nouveau chapitre en incarnant le changement tant attendu au Salvador, pays qui souffre de la pauvreté, des inégalités sociales et de la violence.

« Notre pays est un enfant malade. La pilule ne passera pas facilement. Nous allons tous souffrir un peu et assumer notre responsabilité« , a prévenu le nouveau président salvadorien dans son discours d’investiture début juin, sur la place centrale de la capitale, San Salvador.

L’ancien maire de la capitale (2015-2018), d’origine palestinienne, a ainsi rompu avec le bipartisme qui régnait au pays depuis la fin de la guerre civile en 1992. Le parti de droite Arena (Alliance républicaine nationaliste) et l’ex-guérilla FMLN (Front Farabundo Martí de libération nationale) ont cédé la place à Nuevas Ideas (Nouvelles idées), un « mouvement citoyen » fondé par Nayib Bukele.

L’élection de Bukele a donc mis fin à trois décennies de bipartisme, qui ont succédé aux treize ans de guerre civile, entre l’Alliance républicaine nationaliste (Arena, 1989-2009, droite) et les ex-guérilleros du FMLN, au pouvoir entre 2009 et 2019, a confié à la MAP le professeur des sciences politiques à l’Université des Amériques, Mohamed Badine El Yattioui.

Le nouveau président hérite de son impopulaire prédécesseur Salvador Sanchez Ceren du parti de gauche (FMLN) une série de problèmes épineux, comme la violence liée au narcotrafic, une corruption endémique et l’exode de milliers d’habitants en quête du « rêve américain« .

Elu sur les promesses de mettre un terme aux scandales de corruption, de relever l’économie et de s’atteler sur la création d’emplois, première attente de ses électeurs, le plus jeune président au Salvador annonce de grands changements aussi bien au niveau de la politique intérieure qu’extérieure du pays.

Sa politique étrangère favorise l’intégration régionale (Salvador est le siège du Système d’intégration centraméricain, SICA, dont il en assurera la présidence en juillet 2019) et une relation privilégiée avec Washington, a expliqué M. Badine El Yattioui.

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Cultivant une image d’homme politique simple et honnêteté, Nayib Bukele a su se démarquer de la classe politique traditionnelle. Alors que ses trois prédécesseurs ont été poursuivis pour détournement et blanchiment de fonds, le nouveau président a promis l’instauration d’une commission internationale contre l’impunité.

Le sixième président salvadorien depuis la fin de la guerre civile, qui a ensanglanté le pays pendant une douzaine d’années, s’est donné aussi pour mission de rompre avec la double malédiction de la violence des gangs criminels et de la misère.

Le pays manque de ressources naturelles et son économie est fragilisée par la faiblesse des investissements, un déficit des comptes publics et un commerce extérieur largement dépendant des États-Unis (48% des exportations). En 2019, la croissance reste la plus faible parmi les pays d’Amérique Centrale.

Aussi, Nayib Bukele s’est-il engagé à favoriser l’investissement dans l’industrie, le numérique et l’agriculture en utilisant deux instruments: les incitations fiscales et les aides publiques. Son ambition est de faire baisser l’émigration de ses concitoyens vers les Etats-Unis et réduire l’insécurité, a-t-il relevé.

Le nouveau président est conscient que pour sortir de la pauvreté, il est impératif de créer les conditions adéquates pour attirer les investissements et améliorer la production. C’est aussi la condition pour mettre également un frein à l’émigration.

Reste que les transferts des Salvadoriens de l’étranger est l’un des principaux moteurs économiques du pays, qui compte quelque deux millions d’émigrés aux Etats-Unis.

Le Fonds monétaire international estime que les transferts de fonds de l’étranger en 2017 ont représenté plus de 15 % du PIB du Salvador, avec certaines conséquences négatives, notamment la réduction de la force de travail et une baisse de la productivité dans le pays.

Autre défi pour le prochain gouvernement consiste à proposer une solution au fléau de la corruption, a fait observer l’universitaire qui souligne que ce phénomène est accentué par les autres maux auquel le Salvador est en bute comme une forte criminalité liée au trafic de drogue et des inégalités sociales importantes. Le Salvador a certes enregistré l’année dernière sa plus forte croissance des cinq dernières années (2,6%), mais elle reste insuffisante pour répondre à la croissance de la population active et revaloriser les salaires, alors que 30,3% des Salvadoriens vivent en dessous du seuil de la pauvreté.

Avec une superficie de près de 21.000 km2 pour une population de 6,6 millions d’habitants, le Salvador est l’un des pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui affiche les plus fortes inégalités socio-économiques. Son territoire et sa population sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique, autre défi qui attend le nouveau président qui veut amorcer une nouvelle ère pour son pays.

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