Scrutin du 8 septembre, le jour d’après…

Par Hassan Alaoui

L’interrogation est justifiée, présente d’une manière inégale chez les citoyens qui vont voter le 8 septembre prochain, brûlante chez les candidats et les responsables des états-majors des partis ! De quel nom sera la nouvelle majorité, au lendemain du mercredi 8 septembre ? Et d’abord quelle sera l’issue de ce scrutin à trois étapes et regroupées le même jour : local, régional et national ?

Quel que soit l’intérêt que l’on manifeste à l’égard de ces élections, le fait est qu’il s’agit d’un scrutin majeur qui sanctionne une activité politique depuis 2016 en principe dominée par le PJD, gagnant des dernières législatives. Cependant, dix ans et bientôt plus ont passé après la première victoire du Parti de la Justice et de la démocratie (PJD) en 2011. Quelque position que l’on affiche à l’égard de ce parti, il a gouverné bon an, mal an en fonction des circonstances dans lesquelles son arrivée à la tête du pouvoir s’est effectuée voire imposée.

La leçon des « printemps arabes »

Nous étions dans un contexte troublé dont le moins que l’on puisse dire – a posteriori – est qu’il était dominé par le ou « les » printemps arabes qui explosaient ici et là, emportant certains régimes , menaçant la stabilité d’autres et, in fine, nous acculant à une révision constitutionnelle déchirante. Si les « printemps arabes » de 2011 ont constitué ou se sont transformés pour certains en « révolutions », le Maroc s’est vite et d’autant plus adapté à cette nouvelle conjoncture que le Roi Mohammed VI, tout à sa perspicacité, a pris les choses en mains, en engageant une réflexion profonde sur les institutions, en réformant en profondeur la Constitution, en appelant à son adoption populaire, à de nouvelles élections pour être conforme à la nouvelle feuille de route et, en définitive, en veillant à la régularité du processus électoral et à l’application du fameux Article 47 de la Constitution sur le choix du chef de gouvernement.

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Une révolution ? Sans aucun doute, tant il est vrai que, de mauvaise fortune faisant bon cœur, le Roi s’est inscrit dans cette nouvelle dynamique qui était aussi l’écho idoine à ses préoccupations de grand réformateur. Une révolution menée par le haut. Néanmoins, elle incarnait le changement radical et réconciliait la société avec elle-même. Enfin, mutatis mutandis, elle avait le mérite d’offrir leur place aux « islamistes » par la voie démocratique, de les banaliser en quelque sorte, d’atténuer quand ce n’est pas éradiquer cette irascible méfiance qu’ils inspiraient auprès d’un certain Establishment et une catégorie de la population marocaine.

Prosélytisme au ras des pâquerettes

Il est sans doute nécessaire de souligner que le changement de 2011 n’a pas constitué pour autant une alternance islamique, tant s’en faut. La cohabitation étant la forme habituelle et la plus achevée en termes de formation gouvernement depuis des lustres, le PJD a donc gouverné tour à tour avec l’Istiqlal, le RNI toujours, le PAM voire le PPS… C’est de toute évidence une formation nationale, formée de patriotes, de responsables ombrageux quant à la défense des valeurs qui les animent. Qu’ils n’aient pas démérité ou a contrario commis des erreurs, n’ôte rient à la dimension qu’ils prennent sur l’échiquier politique. D’aucuns veulent tout de même reconnaître que le PJD a joué un rôle majeur sur le plan du maillage territorial, au niveau des soutiens aux associations engagées dans l’action sociale, de la proximité des catégories socio-économiques démunies et d’un travail mené en profondeur pour encadrer et conquérir des populations entières à ses idées. Un travail de prosélytisme mené au ras des pâquerettes…

Force nous est de constater que cette implantation « souterraine » au cœur d’une société en manifeste attente de changement a plutôt conquis les cœurs des électeurs et placé les autres formations politiques dans un désarroi. Entre 2011, date de la victoire du parti islamique, de la date de désignation en novembre à Midelt par le Roi Mohammed VI de Abdelilah à Benkirane en qualité de chef de gouvernement , ensuite en 2015, date des nouvelles élections et du « rempilage » du PJD, avec le moins indocile Saad Eddine El Othmani comme chef de gouvernement , le Maroc a fait son apprentissage de cacophonie. Il a évolué a hue et a dia , perdant à vrai dire des points de croissance, frôlant même des crises… Si la configuration politique a changé depuis, notamment en termes de partenaires, la cohésion a fait défaut, tant et si bien qu’aujourd’hui, à la veille du 2ème scrutin auquel participera en tant que parti au gouvernement le PJD, le taux de croissance qui était en 2010 de 7% en est à présent réduit à une peau de chagrin, soit près de 1% au mieux…Ce n’est certes pas un argument pour disqualifier sa gestion ; mais l’opinion publique n’y voit que sa seule responsabilité dans un gouvernement qui regroupe six formations toutes ou parties impliquées et , en principe, solidaires dans la réussite comme dans l’échec.

L’abstentionnisme, Talon d’Achille du scrutin

Les islamistes , à leur tête El Othmani, sont conscients et se font peu à peu à cette idée que le PJD pourrait perdre les élections et donc le sacre de premier parti sur l’échiquier. Quand bien même ils bénéficieraient encore d’un supplément d’âme et de la sympathie de la base, les analystes surgis et experts en états d’âme ne leur donneraient pas cher…D’où cet affolement en conclusions hâtives, de maîtres en science qui, déjà, fomentent ce que nos confrères italiens qualifient de combinazione . Le jeu des hypothèses est devenu leur sport national : Si le PJD venait, comme il est possible, à perdre les élections et que l’un de ses challengers à les gagner, qui serait le chef de gouvernement prochain ? Et si le même PJD rempilait et que Saad Eddine El Othmani devait a contrario abandonner sa fonction malgré la victoire de son parti, quelle formation numéro deux lui suppléerait , sachant que le choix demeure libre au chef suprême de l’Etat de nommer une autre personnalité , dans le souci de la continuité de l’Etat et de la préservation des institutions ?

Nous n’en sommes certes pas là ! Ou pas encore…Moyennant quoi, les illustres éditorialistes sont conviés à une sourcilleuse prudence et à la réserve tout court. Une inconnue dont peu de gens semblent parler reste le taux d’abstention – à défaut de dire de participation – qui, comme dans tous les autres scrutins précédents a été la caractéristique essentielle, le Talon d’Achille des élections au Maroc. Hormis le PJD qui n’y voit guère son intérêt, l’appel de tous les partis politiques à une « participation massive » favoriserait une réelle démocratie et, au-delà, une alternance que tout un chacun appelle de ses vœux.

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