Seul un Etat social fort est capable de recevoir et d’amortir les chocs (PCNS)

Le Policy Center for the New South (PCNS) a publié, le 7 juillet 2020, un Policy Paper réalisé par un groupe d’experts et de chercheurs, intitulé « L’Etat au révélateur de la Covid-19« . Ce document explique les effets de la pandémie sur la santé, l’économie et la société marocaine, tout en mettant l’accent sur le rôle des Etats dans la lutte contre les crises. « les dimensions sécuritaire et sanitaire, ainsi que les enjeux posés, ont contribué à la consécration de l’Etat comme seule entité capable de protéger les populations et contrecarrer les impacts négatifs de la crise« , indique les experts du PCNS.

Résumé Analytique : La crise de la COVID-19 aura été tant un point de départ que le révélateur de profonds bouleversements économiques, sociaux, et humains au Maroc et dans le reste du monde. Cette pandémie aura également été à l’origine d’un vent d’incertitude pour les populations, entraînant ainsi de fortes répercussions sur la santé publique, la quiétude de l’humain et sa sécurité. En effet, les dimensions sécuritaire et sanitaire, ainsi que les enjeux posés, ont contribué à la consécration de l’Etat comme seule entité capable de protéger les populations et contrecarrer les impacts négatifs de la crise.

L’influence des Etats – qui se caractérisait par un désengagement progressif et leur retrait de plusieurs secteurs clés – se voit ici renforcée par l’idée que seul un Etat social fort, régulateur et doté de moyens importants, est capable de recevoir et d’amortir les chocs. Néanmoins, plusieurs défis se posent aux institutions des pays. Bien que les populations voient leur relation avec l’Etat changer afin d’inclure leurs intérêts et besoins, la question de l’impact et du rôle des collectivités territoriales reste en suspens. En effet, il a été donné d’observer une faible implication des élus locaux et des services déconcentrés dans leur traitement de la pandémie. Une décentralisation inachevée et une déconcentration hésitante sont dans une large mesure la cause de ce phénomène. Il faudra ainsi penser un renouvellement des relations entre l’Etat et les collectivités locales pour parvenir à la formulation de politiques novatrices qui viseraient à réduire les fractures sociales et territoriales.

Les Etats se voient également amenés à gérer le flux de l’information à l’ère du digital, où la presse traditionnelle se voit supplantée dans son rôle au profit d’individus souvent véhiculant rumeurs et désinformations à travers les réseaux sociaux. Ces derniers se voient avantagés par leur instantanéité, universalité, mais également grâce au fait qu’ils ne sont pas tenus par l’opinion publique aux mêmes standards que les institutions journalistiques et médias. L’avenir de la communication de crise s’annonce ainsi complexe et multicanal. Elle devra s’adapter à des populations, moyens, et pratiques en constante évolution.

La force des chocs ressentis au travers de la présente crise – et sa déstabilisation du fonctionnement usuel des sociétés actuelles – permet également de renvoyer à la question de la sécurité et de l’autonomie stratégique. Il est ainsi nécessaire de souligner le besoin d’une autonomie au travers d’une production nationale conséquente qui favoriserait la sécurité sanitaire et alimentaire du pays. Dès lors, il devient impératif de faire figurer le risque épidémique au rang des priorités de la politique de défense et de sécurité de l’Etat – au même titre que les risques nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC). Ce processus d’adaptation devra s’appuyer sur une nouvelle grammaire de la sécurité incluant la « re-conceptualisation » du continuum défensesécurité et l’institutionnalisation de la recherche scientifique civile et militaire.

Malgré le fait que la pandémie ait contribué à la réhabilitation du rôle de l’Etat comme puissance publique – protectrice, et pourvoyeuse d’assistance aux plus vulnérables –, certaines populations se sont retrouvées mises à mal par les mesures d’urgence sanitaire décrétées par les autorités. En effet, comme ailleurs, la COVID-19 aura eu pour effet de cantonner l’ensemble de la population marocaine à domicile au travers de mesures relatives à l’état d’urgence sanitaire. De fait, le confinement aura eu pour incidence d’enfermer certaines femmes avec leurs oppresseurs et de les assujettir à des violences physiques, verbales, sexuelles, ou encore psychologiques en hausse – sans issue de secours potentielle. Bien que le Maroc ait pris des initiatives afin de combattre cela, telles que les applications mobiles, une majorité de femmes ne disposent pas des prérequis nécessaires pour accéder à ces services compte tenu du taux d’analphabétisme de la population qui reste toujours conséquent. Cela aura ainsi permis de mettre l’accent sur l’importance que revêt la mise en avant d’un leadership féminin, aussi bien politique, économique, que social pour contribuer à apporter des réponses à ces problématiques.

De plus, le Maroc ayant adopté très tôt des mesures d’assistance financière dans le but d’aider les travailleurs touchés par l’arrêt d’activité – prescrit par les autorités dans le cadre de ses protocoles sanitaires –, les salariés affiliés à la CNSS et en arrêt temporaire de travail, ainsi que les populations démunies porteuses de la carte RAMED ont pu percevoir certaines aides. Néanmoins, la population des migrants irréguliers, travaillant majoritairement dans le secteur informel, s’est vue davantage fragilisée. Une coopération entre acteurs étatiques et non-étatiques semble avoir été donc nécessaire pour pallier à ces manques et aider ces populations à survivre à l’aspect économique et sanitaire de cette crise.

Le Maroc, comme le reste du monde, est aujourd’hui confronté à une nouvelle étape dans sa gestion de la crise liée à la COVID-19 – celle du déconfinement. Les établissements de santé devront alors concilier entre la gestion de patients post-confinement positifs, et le flux usuellement enregistré. Cette crise aura également exacerbé l’aspect primordial du rôle du Ministère de la Santé, ainsi que sa gestion et ses attributions qui n’en seront que plus observées. Tout un ensemble de questions se posent aujourd’hui, dont le projet de Loi des Finances, les prochains enjeux électoraux de 2021, le profil du Ministre chargé du portefeuille de la Santé publique, les questions de sécurité médicale et sanitaire, ou encore  a place des ODDs (Objectifs de développement durable) en temps d’urgence sanitaire – auxquelles il conviendra de répondre.

A l’international, la pandémie actuelle a également mis à nu les carences du système multilatéral et son incapacité à prendre en charge une menace collective imprévisible. En l’absence d’un leadership américain pro-multilatéral, il appartient aux pays attachés aux valeurs de cette approche collective et solidaire des relations internationales d’en préserver l’esprit et les principes en attendant que soient réunies les conditions d’une réforme des principales instances du multilatéralisme. Dans le Royaume, la pandémie aura permis de renouer les relations entre la population et un Etat dont l’interventionnisme est d’ordinaire critiqué. Ce dernier a à la fois pu rassurer les Marocains sur les mesures relevant de la Santé, les rasséréner contre l’inquiétude et les assurer contre l’insécurité.

De fait, divers impératifs incombent aux pouvoirs publics, dont ceux de l’efficacité économique, de la concurrentiabilité, de la compétitivité, du respect de la souveraineté économique, de la garantie de la sécurité humaine, de la prise en charge d’une solidarité sociale, mais également celui de l’inclusion d’entreprises et acteurs sociaux dans la réflexion d’une réponse à la crise et l’ébauche d’une éventuelle relance. La question se pose alors quant à l’évolution de cette relation entre citoyens et pouvoirs publics dans un monde post-pandémie.

Pour lire l’intégralité du Policy Paper: https://www.policycenter.ma/sites/default/files/PP-Collectif_20-17_LEtat%20au%20Revelateur%20de%20la%20COVID-19%20Fr.pdf

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