Stop aux violences sur les réseaux sociaux !

Propos recueillis par Yasmine El Khamlichi

Harcèlement, viol, meurtre, violence conjugale…Des images et des vidéos d’une extrême violence envahissent la toile. Quelles conséquences peuvent-elles entraîner sur la vie des personnes qui regardent au quotidien ces vidéos choquantes ? Entretien avec Reda Mhasni psychologue clinicien, psychothérapeute et enseignant de psychologie.

Que pensez-vous de ce phénomène émergeant des partages des contenus (image, vidéo, etc.) d’extrême violence sur le Web ?

La course au clic sur la toile pousse les administrateurs des différentes pages à s’immiscer dans l’intimité des gens pour l’argent. Ces derniers ne se rendent pas compte des dommages qu’ils font en véhiculant ces images et vidéos de harcèlement, de torture ou de n’importe quel autre type de violence, or, c’est une agression à l’intégrité psychique de la victime.

Le danger réside surtout dans le fait de partager ces contenus et de les commenter comme si c’était un geste banal.

D’un point de vue juridique, le constat est positif, parce que tous les auteurs et les complices des vidéos de violence virulentes sur le web ont été arrêtés et poursuivis pour leurs actes criminels, grâce aux brigades de police spécialisées dans la cybercriminalité et qui font un excellent travail de suivi, permettant une réactivité instantanée de la part des autorités.

Cette banalisation de la violence ne serait pas en train de déstabiliser les rapports entre les différentes composantes de la société ?

En effet, c’est quelque chose qui effraie et qui installe une forme de terreur et de méfiance, d’où la nécessité que les médias jouent leur rôle, d’engager le débat sur ces vidéos et le danger de leur propagation, pour expliquer et sensibiliser à leur impact sur le psychique des victimes et de leurs familles et pourquoi on ne doit pas faire circuler ce type de contenu.

Il est aussi important d’opérer un changement transversal et non pas vertical, à travers le dialogue et la compréhension et non pas seulement la sanction.

Comment expliquez-vous cette vague de médiatisation de la violence sur la toile qu’on observe ces dernières années ?

Ce comportement résulte surtout d’un manque de culture d’usage des réseaux sociaux et d’une ignorance de la limite de soi.

Il faut savoir que l’avènement d’internet et des réseaux sociaux nous ont démontré une vérité absolue : tout finit par se connaître ! Le terme « oubli » n’existe pas, et internet démontre parfaitement ce postulat freudien aujourd’hui.

On pense souvent avoir oublié, supprimé et déchiqueté les événements qu’on a vécus il y a une vingtaine d’années, mais ces derniers peuvent toujours resurgir à n’importe quel moment.

C’est le cas échéant sur la toile, quand un crime est publié sur le web, il finit toujours par resurgir au fil du temps. En revanche, nous sortons avec une nouvelle leçon qu’il faut assumer ses responsabilités, acquérir une culture d’usage et un savoir par rapport à cela.

La sensibilisation s’impose. Comment expliquer surtout aux jeunes l’impact néfaste de ces différents types d’images de violence ?

Le fait de sensibiliser sur les tabous et les choses qui causent nos maux et nos problèmes, ce n’est pas par militantisme ou par plaisir, au contraire, c’est devenu primordial d’en parler aujourd’hui, il faut qu’on arrête de se voiler la face, parce que la facture commence à devenir très lourde.

La sensibilisation doit commencer dès l’enfance. Il est important d’expliquer à un enfant, par exemple, comment reconnaître un pédophile, en racontant avec des termes très simples, comment se passe la relation sexuelle ou la drague, parce que le prédateur profite du manque d’information de sa victime pour la manipuler. Par conséquent, la jeune fille risque de confondre un déjeuner qu’elle aurait peut être accepté, avec un plan d’agression ou de kidnapping.

On fait comme si nos enfants n’ont pas de pulsion sexuelle qui pourrait être exploitée par un prédateur, sous-prétexte qu’on est une société conservatrice ! En revanche, si je n’explique pas à mon fils comment s’adresser à une fille, il est évident qu’il va s’en prendre de manière maladroite.

Ce n’est pas uniquement aux parents de jouer ce rôle, c’est une responsabilité partagée entre la famille, les médias, l’école et les instances chargées de communication.

L’absence de culture de la sexualité fait que nos enfants ne comprennent la sexualité qu’à travers les sites de la pornographie, ce qui offre une vision erronée de la sexualité basée sur le spectacle de son propre corps, ce qui laisse émerger, par conséquent, les stéréotypes, les idées décalées et les préjugés.

Comment protéger les enfants contre les contenus inappropriés auxquels ils s’exposent sur le web ?

Actuellement, on observe que les parents utilisent les outils technologiques comme un éducateur. Il suffit de mettre l’enfant face à l’appareil et laisser les publicitaires, les community managers et les administrateurs des sites s’occuper de lui, sans installer de contrôle parental.

Alors qu’il est très important d’avoir une relation saine avec son enfant pour pouvoir le protéger, de passer du temps avec lui, de lui parler et de l’écouter. S’il n’y a pas d’écoute de la part des parents, les enfants ne se sentent pas rassurés de parler de qui les dérange. En l’occurrence, même s’ils subissent un harcèlement sexuel, ils ne vont pas en parler.

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