Quel taux d’intégration industrielle pour impacter la croissance économique ?

L’on constate encore, avec acuité, que pour les années de pluviométrie moyenne, voire médiocre, le taux de croissance économique enregistré par notre pays est, substantiellement, tiré vers le bas.

Ce constat, illustré de manière quasiment caricaturale dans le graphique ci-dessous, pose de manière impérieuse la question de la performance des activités non agricoles, notamment, industrielles, en tant que réel relais et dynamiseur de la croissance économique dans notre pays. Plus concrètement, si les écosystèmes industriels, prônés dans le cadre des Plan Emergence puis celui d’Accélération Industrielle, peuvent, de fait, constituer un réel levier de développement et d’amélioration de la productivité de nombreux pans de l’activité industrielle de notre pays, qu’en est-il objectivement à ce jour ?

Nouveau modèle économique

Afin d’apporter quelques éléments de réponse liminaires à cette interrogation, considérons deux secteurs industriels caractéristiques de notre nouveau modèle économique. Tout d’abord, l’automobile, premier secteur exportateur en 2016, avec 60 milliards de dirhams exportés l’an passé -un chiffre en hausse de 50% comparativement à 2015- et près de 100.000 emplois créés. Avec de tels chiffres, il est bien difficile d’évoquer une quelconque défaillance de cette industrie, qui contribue, substantiellement, au rayonnement du Royaume, en le plaçant, tout simplement, second constructeur automobile du continent.

En revanche, avec un taux d’intégration des activités automobiles de l’ordre de 50%, l’impact réel sur la croissance économique ne se fait pas encore percevoir avec une réelle insistance. Dans une telle logique, il convient d’apporter quelques précisions techniques pour saisir encore davantage les enjeux stratégiques en présence. Le PIB (Produit intérieur brut) désigne la somme des valeurs ajoutées créées sur un territoire (et donc des marges d’exploitation en quelque sorte), tandis que le taux d’intégration industrielle désigne la propension d’un pays donné à assurer, intrinsèquement, les différents besoins requis en vue de sa production manufacturière.

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En termes concrets, avec 50% d’intégration industrielle, en 2016, et un chiffre d’affaires généré à l’export, en croissance de 20 milliards de dirhams, sur une année, cela signifierait (certes de manière fortement approximative) que ce secteur a généré une valeur ajoutée supplémentaire de l’ordre de 50%* 20 milliards, soit le taux d’intégration industrielle multiplié par la «survaleur» générée par le secteur en 2016. Comme l’approvisionnement en matières premières nécessaires à la production automobile actuelle échappe encore, pour 50%, aux sous-traitants et autres opérateurs nationaux (ce qui implique des importations conséquentes pour répondre aux besoins du secteur automobile dans notre pays), seul 50% de la production est assurée localement.

En d’autres termes, la marge générée par ce secteur est répartie, équitablement, entre opérateurs marocains et opérateurs étrangers approvisionnant les producteurs automobiles basés au Maroc. Si le taux d’intégration devait s’apprécier pour atteindre 85%, cela signifierait, de manière concrète, que la marge générée serait acquise à hauteur de 85% à des opérateurs nationaux, et donc, par différence, pour 15% à des opérateurs étrangers. En l’espèce, les 50% * 20 milliards, précédemment indiqués, donnent 10 milliards de dirhams, soit environ 0,8% du PIB marocain, correspondant (en insistant, une nouvelle fois, sur les nombreux raccourcis soutenant la présente démonstration) à la contribution supplémentaire de ce secteur au PIB marocain.

Accroître l’intégration industrielle accroîtrait, de ce fait, mécaniquement, la contribution au PIB, tout comme l’attractivité de nouveaux IDE. Ce chiffre, certes intéressant et en nette croissance, demeure, toutefois, relativement, insuffisant pour constituer un levier pérenne et alternatif de croissance significative.

Quelle démarche pour influer sur le PIB marocain ?

Dans une telle logique, le secteur aéronautique, qui pèse quelque 10 milliards de dirhams à l’export actuellement, avec un taux d’intégration encore relativement marginal -du moins comparé à celui affiché par l’automobile-, ne saurait encore influer de manière réellement transcendante sur notre modèle de croissance économique. Quelle pourrait donc être une démarche cohérente et objective pour réellement influer sur le PIB marocain ? Tout simplement, poursuivre la stratégie actuelle qui consiste, d’une part, à parvenir à attirer et intéresser des investisseurs de premier plan et, d’autre part, à tenter autant que faire se peut, d’optimiser au mieux le taux d’intégration industrielle.

Formulé différemment, cela reviendrait à continuer l’effort actuel, faute de quoi les années de faible pluviométrie coïncideraient, encore et toujours, avec des années de faible croissance, là où il est, somme toute, intellectuellement, difficilement recevable de devoir compter, a fortiori en 2017, sur la pluie pour continuer de croître…

H.A.B

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