Sous Trump qui promet le feu et la furie, qui fera encore confiance à l’Amérique ?

Tel un éléphant dan un magasin de porcelaine, Donald Trump a bien mis le pied dans le plat par sa décision de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Le 6 décembre, le président américain a rompu avec la politique de ses prédécesseurs dans la région et leur position dans le consensus international de paix bravant ainsi plusieurs décennies d’Histoire et d’efforts.

Une décision unilatérale qui a suscité un tollé au sein de la communauté internationale et même parmi ses alliés qui ne se sont pas fait prier pour prendre le train des opposants. Ainsi, de l’Arabie saoudite à la Turquie, passant par la France et le Royaume-Uni, les voix se sont levées pour dire non à l’annonce-choc de Donald Trump.

Un vote et une leçon de principes

Jeudi 21 décembre donc, les Etats-Unis ont essuyé des revers et une large condamnation. Voyant vert, Nikki Haley, l’ambassadrice américaine à l’ONU a menacé de « noter les noms » de ceux qui ont voté la résolution. Et la réponse du ministre palestinien des Affaires étrangères, Riyad al-Malki, ne s’est pas fait attendre en estimant que « l’Histoire note les noms de ceux qui défendent ce qui est juste et… de ceux qui mentent ».

Rappelons que plusieurs diplomates onusiens ont manifesté leur exaspération suite au chantage de Washington. « Ce n’est pas comme ça que ça marche, on vote sur des principes » a confié un ambassadeur asiatique à l’AFP. De son côté, un homologue d’Amérique latine a déclaré « On ne peut pas voter A pendant des années et voter soudainement B ». Jeudi, Recep Tayyip Erdogan avait appelé la communauté internationale à ne pas se laisser « vendre » pour « une poignée de dollars ».

Les multiples menaces de Trump et ses pressions diplomatiques et même économiques n’ont pas empêché l’Assemblée générale des Nations unies, de condamner largement Washington, ce jeudi-là.

Sur les 193 pays membres des Nations unies, 128 dont de nombreux alliés de Washington comme la France et le Royaume-Uni ont voté favorablement contre une résolution condamnant la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, 35 Etats dont le Canada, le Mexique, la Pologne et la Hongrie se sont abstenus, 9 dont le Guatemala, le Honduras, les Îles Marshall, la Micronésie, la République de Palaos, le Togo, la République de Nauru se sont associés aux U.S.A et à l’Etat hébreu et 21 n’ont pas pris part au scrutin.

Washington veut laisser passer l’orage

Paradoxalement, les Etats-Unis qui ne font plus grand cas des accords internationaux, ne comptent pas abandonner leur rôle de « médiateur » entre Israéliens et Palestiniens, une fois la tempête passée. Et leur président se dit déterminé à reprendre l’initiative et à relancer le processus de paix bien qu’il se soit enfoncé la main dans l’œil jusqu’au coude avec sa décision sur Jérusalem, avant la présentation de leur plan de paix.

« C’est clairement un moment difficile », estime David Makovsky, du Washington Institute for Near East Policy, autrefois, diplomate impliqué dans le processus de paix. Et d’ajouter : « Il y a déjà eu des hauts et des bas avant cela », « si j’avais gagné un dollar à chaque fois que quelqu’un a dit ‘’c’est fini, les Américains ont perdu leur rôle de médiateur’’…« .

La décision sur Jérusalem n’aura in fine qu’un « impact limité », assurent de leur côté, des responsables qui se disent confiants, persuadés que les dirigeants du monde arabo-musulmans condamnent Washington pour satisfaire leur opinion publique, mais sont prêts à tourner la page.
Pour cela, il faut dire que Donald Trump compte sur Jared Kushner, son gendre et proche conseiller, pour réussir là où les autres ont échoué.
Or les Palestiniens refusent que Washington aspire encore à jouer le rôle de médiateur. « Nous n’accepterons aucun plan de paix de la part des Etats-Unis », a martelé, vendredi, le président Mahmoud Abbas qui n’a pas voulu rencontrer le vice-président américain Mike Pence, lors de son voyage au Proche-Orient, prévu cette semaine mais opportunément repoussé à mi-janvier.
« Il faut maintenant se concentrer, à nouveau, sur notre intérêt stratégique », explique Dan Shapiro, ambassadeur en Israël sous l’administration de Barack Obama. « Quelle est la stratégie américaine pour mettre fin à ce conflit, parvenir à deux Etats? », demande-t-il sur Twitter.

Par ailleurs, Initialement attendue vers janvier, la présentation du plan de paix de Jared Kushner a dû être repoussée vers la fin du premier trimestre 2018, le temps de laisser retomber la poussière.
D’ici là les Etats-Unis, « marginalisés » dans ce dossier aux yeux du président français Emmanuel Macron, pourront-ils regagner leur position ?

En tout cas, Theresa May, la première ministre britannique, elle, a souligné, lors d’une conversation avec Donald Trump, « l’importance que les Etats-Unis présentent de nouvelles propositions pour la paix qui soient soutenues par la communauté internationale ».

Trump, une stratégie de retrait ?

Un an après son arrivée au pouvoir, les sorties spectaculaires de Donald Trump suscitent, neuf fois sur dix, un éboulement de réactions allant de la surprise, au choc voire l’indignation. Pourtant, force est de constater que sur la scène internationale, le bilan de ses réalisations reste médiocre et ses résolutions plutôt provocatrices.

En effet, faut-il rappeler que son slogan brandi à tout bout de champ « l’Amérique d’abord », fait office de devise pour sa « doctrine » dont il puise « une politique de retrait » ?

N’avait-il pas mis à terre, quelques jours seulement après son arrivée au pouvoir, le 20 janvier, le traité de libre-échange Asie Pacifique âprement négocié par 12 pays de la région ? N’avait-il pas pris le contre-pied des diplomates européens en tranchant au nom de ceux qui l’ont porté au pouvoir, sur l’accord de Paris sur le climat, signé en décembre 2015 par 195 pays qui l’estimaient « irréversible », faisant fi des enjeux en péril et suscitant un déluge de réactions indignées dans le monde ? Une décision dévastatrice pour la planète dont les Etats-Unis sont le deuxième pollueur. « Alors que l’environnement me tient profondément à cœur, je ne peux, en bonne conscience, soutenir un deal qui nuit aux Etats-Unis » avait lancé le locataire de la Maison Blanche, à la face du monde, rompant ainsi avec les engagements de l’administration de Barack Obama et mettant à mal les dures négociations de plus de deux décennies.

Trump, le politique isolationniste ?

Désormais, la scène politique internationale guette les coups de tonnerre du président des Etats-Unis, qui se fait un malin plaisir de répéter sur tous les modes et de rappeler, à chacun de ses rebondissements, qu’il ne fait que mettre à exécution ses promesses de campagne. Peu importe que ses décisions imprévisibles, prises à la hâte, provoquent une onde de chocs planétaires, il aime souffler le chaud et le froid, lui, au risque d’isoler de la scène internationale les Etats-Unis.

Avec cette série de décisions irresponsables et irraisonnées, Donald Trump, ne tient plus table ouverte et ne voit plus l’intérêt de l’Amérique loin de sa communauté qui lui a permis d’accéder au pouvoir. Il secoue, brouille voire modifie le rôle joué par l’Amérique sur l’échiquier diplomatique mondial duquel il l’exclue, insensiblement.

« L’Amérique d’abord » a toujours été sa religion dès le début et sa politique où il est difficile de se retrouver au point que les observateurs avaient eu du mal à définir la diplomatie du président américain qui avait dès les premiers jours annoncé « la diplomatie, c’est moi ». Ses discours incohérents, lui qui a toujours agi en cow boy battant la campagne et manquant de stratégie, creusent le fossé entre ses fréquentes dénonciations de « la dictature » et ses pressions et chantages jubilatoires dont il se targue en partant en live.

« D’autres présidents ont fait cette promesse de campagne majeure et l’ont oubliée, une fois au pouvoir. Aujourd’hui, moi, je la tiens » rappelle-t-il prétentieusement en pointant « le manque de courage » de ses prédécesseurs notamment Bill Clinton et George W. Bush qui s’étaient, de fait, avancés sur ce dossier avant de faire machine arrière.

Par ses faits irréfléchis, ses décisions-chocs et ses erreurs historiques  Trump, le président américain à grand fracas, n’est-il pas en train d’isoler et d’affaiblir les Etats-Unis qui ont toujours été leader mondial ? N’est-il pas en train de mettre en doute leur rôle international et leur crédibilité ? Les Etats-Unis pourront-ils continuer à tenir leurs engagements internationaux sous Trump qui risque de les mener vers un conflit militaire qui mettra à feu et à sang le monde ?

 

 

 

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