Un Maroc au coeur du malaise entre conservateurs et modernistes

 Dossier du mois

Jaouad Benaissi, Ecrivain-romancier et chroniqueur

Ces derniers temps, le crédit mo­ral du PJD, en tant que parti à référence religieuse, a pris un coup terrible avec la succession des scandales d’ordre moral dont les au­teurs sont des dirigeants influents au sein du parti et du MUR. L’électorat du PJD, conservateur en général, doit se sentir trahi et déçu par des gens qui ont construit leur discours sur la base de la morale et de la religion. Ce discours n’a plus aucune crédibilité.

D’un autre côté, l’utilisation de la carte de l’identité religieuse relève d’une tactique politicienne qui permet aux islamistes de se distinguer des autres. L’identité, telle que conçue par ceux-ci, est une barrière qu’on dresse devant des adversaires dans le but de les présenter sous l’aspect de mécréants et les exclure de la communauté des musulmans. Voi­là dans quel sens on peut comprendre par exemple l’accréditation par le PJD d’un salafiste connu pour ses positions antisémites dans la circonscription de Marrakech-Guéliz. C’est très dange­reux !

Pourtant, la religion n’est pas une pro­blématique au Maroc. Par contre, l’is­lam politique, l’est. Il n’est pas inutile de souligner que le Royaume, à travers son histoire, n’a jamais été le théâtre des conflits religieux. Les Marocains optent naturellement pour un islam modéré qui leur permet de faire leur vie dans l’ouverture, la cohabitation et le respect. Les Marocains musulmans sont même nostalgiques de leurs cousins juifs que le sionisme a forcés à quitter le Maroc. Ainsi, nous n’avons aucune leçon à prendre d’un parti islamiste dont l’électorat ne représente même pas 10% des citoyens.

Le modernisme et l’identité marocaine ne sont pas incompatibles

Le modernisme n’est pas destructeur de l’identité. Au contraire, il met à la disposition de cette dernière tous les outils nécessaires à sa continuité et à son épanouissement. Quand on voit par exemple le succès de la musique afri­caine, du jazz, du chaabi, de l’art culi­naire ancien, de la broderie, on se rend immédiatement compte que c’est grâce aux outils de la modernité qu’il y a eu un passage réel du local à l’universel. Il est important de rappeler que l’identité marocaine se conjugue au pluriel. On peut parler de plusieurs identités qui co­habitent et s’enrichissent les unes des autres !

Or, aujourd’hui, je pense que le monde est envahi par une large vague de contre valeurs. D’aucuns pourraient croire que c’est l’effet secondaire de la modernité. Peut-être ! Mais le gé­nie, c’est de pouvoir gérer les choses sans se faire dépasser par leur rythme d’évolution. Il faut prendre le temps de réfléchir parce que ce n’est jamais du temps perdu. Et il faut donner un sens à tout ce qu’on fait. Le modernisme ce n’est pas de vivre au jour le jour et s’enfermer dans l’instant. Il faut se projeter !

La femme et les valeurs au coeur des polémiques

La seule chose qui nous permet de vivre ensemble, ce sont nos valeurs. Faute de quoi, c’est la porte ouverte à la tyrannie, à l’oppression et aux conflits les plus dé­chirants. L’équation est très simple : pas de valeurs = pas de stabilité et pas de pays ! Or, ce que nous reprochons à nos politiques c’est le fait de complètement négliger cet aspect et de faire la guerre aux intellectuels. Si ce déni­grement continue, la facture à payer sera très lourde.

Par ailleurs, n’oublions pas que la première école de l’homme, c’est la femme. Paradoxalement, les isla­mistes le savent mais s’en­têtent à la cacher sous un morceau de tissu et réduisent son rôle à la « fabrication » des enfants. Une femme épa­nouie, c’est la garantie d’une société où les individus sont responsables, libres et ouverts. Or, les islamistes veulent plutôt un troupeau !

Affaires de moeurs et médias en ligne

Ce qui est grave avec les médias en ligne, c’est le caractère instantané de la diffusion de l’information et la course pour le plus grand nombre de « likes ». Lesquels sont souvent plus impor­tants que l’information elle-même. Les médias électroniques aiment bien les scandales et les affaires de moeurs parce que cela fait augmenter le nombre de likes et de visiteurs ; chose qui se tra­duit par une augmentation des revenus financiers. Certains supports vivent des scandales plutôt que des idées et de la plume de leurs journalistes. Cela fait partie des contradictions que nous vi­vons en tant que Marocains.

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