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Younes Sekkouri trace les lignes d’un modèle économique marocain résilient

En marge de l’Opening Session « Financing Growth & Shaping the Energy Transition » à Rabat, le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, M. Younes Sekkouri, a livré une analyse sans détour des défis qui attendent le Maroc. Loin d’un discours convenu, le ministre a mis à nu les tensions entre ambition politique et réalité budgétaire, entre impératifs sociaux et mutations structurelles, esquissant les contours d’une stratégie de transformation du pays.

Dès l’ouverture de son intervention, M. Sekkouri a souligné la complexité des questions abordées : croissance, financement, transition énergétique, attractivité, infrastructures, industrie. Mais derrière cette segmentation apparente, c’est une interrogation fondamentale qui traverse son propos : que produit réellement la croissance, et pour qui ? « Une fois la croissance enclenchée — ce qui n’est jamais acquis — reste à comprendre comment elle se déploie, qui elle laisse de côté, et si elle transforme en profondeur notre tissu économique et social », a-t-il affirmé d’emblée.

La croissance, selon M. Sekkouri, ne peut être jugée indépendamment de son impact inclusif. C’est pourquoi il appelle à un usage stratégique de la fiscalité, non seulement pour collecter, mais surtout pour orienter. « Financer la croissance, c’est aussi financer l’inclusion », a-t-il rappelé, soulignant les efforts récents dans le cadre des assises fiscales et des choix budgétaires opérés malgré un contexte mondial peu favorable. L’enjeu, dit-il, est de taille : arbitrer entre investissements, infrastructures et consolidation de la paix sociale — « ce socle intangible d’un cadre macroéconomique stable ».

Le ministre pose une série de dilemmes budgétaires : faut-il recourir à la dette pour soutenir une politique ambitieuse ? Quels investissements méritent une mobilisation prioritaire des fonds publics ? Peut-on compter sur les seuls moyens de l’État pour répondre aux besoins structurels du pays ? Il avance alors une piste : « Le financement de la transition passe nécessairement par des mécanismes innovants, notamment les partenariats public-privé ».

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C’est ici que le propos de M. Younes Sekkouri glisse vers la question de l’attractivité économique. Être attractif ne se décrète pas, insiste-t-il : « Ce ne sont pas les programmes gouvernementaux qui rendent un pays attractif, c’est un écosystème profond et cohérent ». À ses yeux, la stabilité macroéconomique reste un fondement. Malgré des contraintes lourdes, le Maroc a, selon lui, su réduire l’inflation, maîtriser les déficits et préserver l’équilibre social. L’adoption récente d’une nouvelle charte de l’investissement — désormais étendue aux TPME — illustre cette volonté de conjuguer soutien aux grands projets et accompagnement du tissu entrepreneurial local.

Mais l’attractivité ne s’arrête pas là. Elle repose aussi sur la simplification administrative, l’amélioration de la gouvernance, la lutte contre la corruption et, surtout, sur une mobilisation des talents. « L’attractivité, c’est une affaire de justice, de fluidité, d’efficacité », résume-t-il.

L’infrastructure, elle, devient le trait d’union entre transition énergétique et transformation économique. Le Maroc a engagé, selon M. Sekkouri, un tournant majeur avec sa stratégie d’hydrogène vert. « Multiplier par trois ou cinq les investissements dans les réseaux et les infrastructures, c’est un effort colossal. Mais c’est aussi une opportunité unique pour créer 400 000 emplois et passer à une nouvelle économie, bas carbone, compétitive et durable », affirme-t-il. Il salue la Vision anticipatrice de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a permis d’inscrire le Royaume parmi les “first movers” de la transition énergétique.

Et c’est bien cette Vision Royale, souligne-t-il, qui structure l’ensemble de la dynamique actuelle. Des projets comme l’Initiative Atlantique, portés au plus haut niveau, témoignent d’un repositionnement stratégique du Maroc, pensé à l’échelle continentale, voire transcontinentale. « Il ne s’agit plus d’une impulsion isolée, mais d’un cadre géopolitique élargi, convergent avec les intérêts de l’Afrique », analyse M. Sekkouri.

Pour M. Younes Sekkouri, il ne fait aucun doute que l’industrialisation reste l’un des principaux vecteurs de transformation. En quinze ans, le Maroc a multiplié ses capacités de production, diversifié ses exportations, et installé des écosystèmes industriels robustes, notamment dans l’automobile, aujourd’hui devant le secteur chimique. « Ce que nous avons accompli dans l’industrie était inimaginable il y a encore dix ans », note-t-il, soulignant le rôle central des politiques publiques d’accompagnement, notamment en matière de formation professionnelle.

Mais au-delà des chiffres, c’est un modèle qui s’esquisse. « Ce modèle est maroco-marocain. Il est africain par essence, mais il repose aussi sur des partenariats équilibrés avec nos partenaires du Nord », précise le ministre. Et face à l’effritement du consensus de Washington, il appelle à une refondation des modèles de développement : plus adaptés, plus justes, plus ancrés dans les réalités locales.

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