15eme édition du Festival de la culture soufie de Fès, le programme dévoilé et un moment de grâce partagée
Taoufiq Boudchiche, économiste, ancien diplomate
Facteur de rayonnement culturel et de liens humains transfrontaliers, le festival de la culture soufie de Fès, organisé annuellement dans la capitale spirituelle du Royaume, s’est imposé progressivement en événement culturel d’importance au plan national et international.
Le programme de la 15eme édition qui se tiendra du 22 au 29 Octobre 2022 a été présenté par l’équipe d’organisation ce 27 juin 2022 à Casablanca. Il est organisé sous le thème de « science et conscience ». Le Professeur Abdellah Ouezzani, éminent islamologue et théologien, figurant parmi les organisateurs, a complété par ses éclairages ces concepts. Selon lui, en Islam, la conscience est nécessairement illuminée par la foi et la croyance. Chez le musulman, les concepts de « science et conscience », a-t-il précisé, sont interchangeables avec ceux de « science et foi », « science et croyance en Dieu ». Voilà qui annonce des débats stimulants lors des nombreuses tables rondes prévues qui feront une grande part aux échanges sur l’âge d’or des sciences en Islam.
Plusieurs intervenants se sont succédé à tour de rôle lors de la conférence de presse organisée au Hayat Regency de Casablanca, en tant que sponsor et partenaire du festival. Sont intervenus notamment Dr. Faouzi Skalli, Président du Festival, Mme Carole Latifa Ameer, Directrice artistique ainsi que le Pr. Abderrrazak Benchaabane, ex. Enseignant-Chercheur d’écologie à l’université Caddi Ayyad de Marrakech,
Celui-ci cumule plusieurs talents car il est aussi expert botaniste et célèbre inventeur marocain de parfums ayant étroitement collaboré avec Yves Saint Laurent. Il est impliqué dans le programme 2022 pour mettre en perspective les relations entre « soufisme et écologie ». Le mot écologie a t-il brièvement expliqué est d’origine grecque (ECO signifie terre et Logos les Sciences) qu’on peut traduire du grec grossièrement par les sciences de la terre. La terre au sens de notre habitat commun selon l’étymologie grecque ancienne.
Madame Carole Latifa, fidèle Directrice artistique du Festival depuis plusieurs éditions et dont la qualité du travail de conception, a fait l’objet d’un hommage appuyé du Président du Festival, a ensuite fait une brève synthèse des contenus artistiques. Sont prévus, durant une semaine la représentation de plus 200 artistes et chercheurs dont des dizaines de marocains aux côtés de nombreux autres en provenance d’Azarbeidjan, d’Inde, du Kosovo, de Syrie, de Turquie …. Ceux-ci feront le déplacement à Fès pour exprimer et partager avec les artistes marocains et le public les multiples expressions artistiques inspirées de leurs traditions soufies. L’une des représentations prévoit une immersion dans la cour de l’empire des moghols d’Inde qui a marqué l’apogée de l’Islam en Inde de 1556 à 1707. L’ère mogol mérite d’être connue car elle a marqué l’Inde jusqu’à aujourd’hui par ses expressions architecturales, peintures et arts mineurs. La création de clôture mettra en valeur la Tarika Harrakia. Une journée sera dédiée à la jeunesse et à l’art de la transmission. Des peintres marocains et français à l’instar de l’artiste française et soufie Louise Cara, présenteront leurs œuvres. Les tables rondes réuniront quant à elles de nombreuses personnalités nationales et étrangères.
Comme souligné, lors de la rencontre, le soufisme au delà des langues et cultures, est d’abord une pratique, qui transcende les différences d’opinion et de religion car cette pratique spirituelle de l’Islam parvient à réunir les cœurs et la communauté des humains. Il permet à celui qui choisit la voie soufie de surmonter les angoisses existentielles et l’absence de sens qui handicapent sa capacité à parvenir à son humanité vécue pleinement et sereinement. Le Dr. Faouzi Skalli, reprenant à ce propos, les sages paroles de Rûmi, qui disait que « si la science n’aide pas la personne humaine à connaître son moi profond mieux vaudrait rester dans l’ignorance ».
En ces moments difficiles pour l’humanité en raison de la crise sanitaire, des conflits entre blocs de puissance, des effets du changement climatique, des menaces de crises alimentaires, énergétiques … les citoyens du monde semblent impuissants face à ces dynamiques destructrices causées en grande partie, faut il encore le souligner, par l’action humaine. Il faudrait redoubler d’efforts collectifs, de courage, d’imagination et d’innovation, notamment intellectuelle et culturelle, pour surmonter les incertitudes et angoisses générées par ces crises à caractère planétaire. Le soufisme peut à certains égards apporter des réponses spirituelles et humanistes à ces sujets.
Le Pr. Abderrazak Benchaabane, expert botaniste, a illustré cela en évoquant le regard humain susceptible d’être posé sur la fleur. Le scientifique utilisera le microscope pour expliquer son cycle de vie, mais le mystère de sa beauté, sera encore plus perceptible si l’on y ajoute d’autres visions et sensations. Ceux de la sensibilité humaine, de l’odorat, de la poésie, de l’inspiration spirituelle intime venant du lien magique et divin qui nous unit à notre planète terre. Ce sera alors un regard plus complet, protecteur et bienveillant.
L’écologie, qui selon lui, est un concept un peu trop galvaudé souvent à mauvais escient mérite de nouvelles approches, par exemple spirituelles. Il proposera lors de la 15eme édition d’ouvrir le débat sur ce sujet en essayant d’y apporter la vision soufie.
En guise de sensibilité, la conférence de presse a été ouverte par des lectures du Saint Coran et au cours des échanges, quelques chants du Samaa soufi et andalous ont agrémenté la rencontre. L’ensemble a enchanté les participants venus nombreux qui n’ont pas manqué ensuite d’interagir avec les organisateurs. Le miracle du soufisme est ainsi, il illumine les cœurs et enchantent les esprits. Merci aux organisateurs pour ce beau moment de grâce.