2024, année de confirmation de la bonne dynamique
Le secteur du tourisme, qui a été durement touché par la pandémie de Covid-19, connaît une reprise remarquable au niveau mondial. Selon l’Organisation mondiale du Tourisme (OMT), en janvier 2024, le tourisme international s’attend à un retour à ses niveaux d’avant la crise, avec une croissance de 7 % par rapport à 2023. Dans ce contexte favorable, le tourisme national, qui a su faire preuve de résilience et d’adaptation, se projette vers l’avenir avec ambition et optimisme. C’est ce qu’a affirmé Fadwa Chbani Idrissi, professeure et membre du laboratoire de recherche LERMA- Université Cadi Ayyad de Marrakech, dans une interview accordée à Maroc diplomatique.
Le Maroc dispose de plusieurs atouts et de nouvelles opportunités pour renforcer son positionnement sur le marché touristique mondial, selon Fadwa Chbani Idrissi, chercheuse, spécialiste du tourisme durable. Elle cite notamment le succès sportif des Lions de l’Atlas, pour le brillant parcours lors de la Coupe du monde de football au Qatar en 2022, et l’attribution de l’organisation de la même compétition en 2030 au Maroc, en partenariat avec l’Espagne et le Portugal. Ces événements, selon elle, sont des occasions en or pour booster le tourisme marocain en termes d’arrivées et de visibilité. « Cela veut dire que le football est un levier de promotion touristique pour lequel les différents acteurs doivent lever ensemble ce défi de convertir cette visibilité mondiale en véritable arrivée touristique », explique-t-elle.
Elle évoque également le lancement du visa électronique, qui a permis une attractivité touristique du Maroc auprès de nouveaux marchés émetteurs, notamment asiatiques et africains. Cette mesure, qui facilite l’entrée des visiteurs étrangers sur le territoire marocain, s’inscrit dans la stratégie du Royaume de diversifier ses sources de clientèle et de réduire sa dépendance vis-à-vis des marchés traditionnels européens.
La concurrence régionale et internationale
Mais le tourisme marocain doit aussi faire face à des défis de taille, liés à la concurrence régionale et internationale, à la qualité des services, à la préservation de l’environnement et au développement durable. Fadwa Chbani Idrissi souligne l’importance de prendre en considération les Objectifs du Développement Durable (ODD) dans les actions entreprises par les acteurs du secteur, afin de sortir la trajectoire du tourisme marocain de sa dimension traditionnelle à une échelle plus généraliste qui participe directement à la réalisation des ODD. « Le tourisme durable n’est pas une option, mais une nécessité pour assurer la pérennité du secteur et sa contribution au développement socio-économique du pays », affirme-t-elle.
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Elle insiste également sur le positionnement du Maroc en tant que destination de MICE (Meetings, Incentives, Conferences, Exhibitions), qui représente un segment à forte valeur ajoutée et à fort potentiel de croissance. Elle appelle à la mise en place d’une grande structure des congrès et des expositions, conforme à la demande internationale pour ce segment, qui serait un projet locomotive capable de booster le tourisme d’affaires marocain et de le positionner à une grande échelle internationale.
Fadwa Chbani Idrissi met en avant l’effort colossal qui a été mis en place sur l’aérien, à travers les différents partenariats signés avec les différentes compagnies aériennes, qui ont permis d’augmenter la capacité et la fréquence des vols vers le Maroc. Elle plaide toutefois pour la mise en connexion aérienne des sites ou destinations touristiques émergentes, qui reste un paramètre clé permettant d’assurer une équité territoriale et une compétitivité touristique de ces territoires.
Une vision optimiste
Malgré les difficultés et les incertitudes liées à la conjoncture internationale, Fadwa Chbani Idrissi se dit optimiste quant à l’avenir du tourisme marocain, qu’elle considère comme un secteur stratégique et porteur pour le développement du pays. Elle salue la vision royale, qui a placé le tourisme au cœur des priorités nationales, ainsi que l’engagement collectif des acteurs publics et privés, qui ont su faire preuve de solidarité et de réactivité face à la crise. Elle invite à poursuivre les efforts de promotion, d’innovation et de diversification de l’offre touristique marocaine, en mettant l’accent sur la qualité, la durabilité et la différenciation. « Le Maroc a tous les atouts pour être une destination de choix pour les touristes du monde entier, à condition de savoir les valoriser et les adapter aux nouvelles tendances et aux nouvelles attentes des voyageurs », conclut-elle.
Résilience et innovation face aux chocs
Le tourisme a su faire preuve de résilience et d’innovation face à la crise sanitaire. Le secteur a enregistré une forte performance en 2023, malgré les défis économiques et géopolitiques auxquels il a été confronté
Le nombre d’arrivées et les recettes touristiques ont connu un rebond significatif par rapport à l’année précédente, marquée par une chute historique due aux restrictions de voyage et aux mesures sanitaires.
Ce résultat est le fruit d’une maturité de leadership des acteurs du tourisme, qui ont su établir une gouvernance efficace et collaborative du secteur. La nouvelle feuille de route du tourisme, lancée par le ministère du Tourisme, de l’Artisanat, du Transport aérien et de l’Économie sociale, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, vise à renforcer la dynamique de reprise et à changer le paradigme de la gouvernance. Elle repose sur quatre axes stratégiques : la diversification de l’offre touristique, la digitalisation du secteur, la promotion de la durabilité et la valorisation du capital humain.
Toutefois, le tourisme marocain doit faire face à de nouveaux défis, liés aux changements géopolitiques et aux risques de catastrophes naturelles, qui peuvent affecter le comportement des touristes. Ces derniers sont de plus en plus avertis aux risques et ont accès direct à toutes les informations partagées en ligne par les autres voyageurs. Il est donc primordial pour les acteurs du tourisme d’être à l’écoute continue des touristes, à travers les données massives générées par les avis des clients en ligne, et d’adapter leurs offres et leurs stratégies de communication en conséquence.
Dans ce sens, le laboratoire de recherche LERMA a mené une étude intitulée « Avis en ligne : une source de données utile pour l’élaboration ‘‘du parcours client’’ en hôtellerie », avec un focus sur un échantillon de 51 établissements d’hébergement de Marrakech. Les résultats de cette étude ont montré que le contenu des descriptifs des établissements présenté sur leur site ou les plateformes de réservation devrait introduire une description qualitative des services et des équipements, pour répondre aux attentes et aux critiques des clients, et mettre l’accent sur les points de contact du parcours client auxquels ils accordent une attention particulière. Ceci interpelle les différents acteurs du tourisme marocain à suivre les nouvelles tendances des touristes nationaux et internationaux, pour repenser les contenus de la communication touristique vers une accélération numérique et un nouveau discours sur le tourisme en tant que force de développement et de transformation.
L’avenir du secteur est également lié à la qualité de la formation des ressources humaines, qui doivent relever les défis actuels et futurs du tourisme. C’est dans cette perspective que le centre d’excellence en tourisme, créé en partenariat entre l’Université Cadi Ayyad et le ministère du Tourisme, a pour objectif de former des futurs professionnels capables de répondre aux besoins d’innovation et d’entreprenariat des entreprises touristiques, aux indispensables évolutions des métiers et aux nécessités de transferts de savoirs entre les professionnels du secteur et l’université.
Le tourisme marocain, qui représente environ 7% du PIB national et emploie plus d’un million de personnes, est un secteur stratégique pour la relance économique du pays. Il dispose d’atouts indéniables, tels que la diversité de ses paysages, la richesse de son patrimoine culturel, la proximité de ses marchés émetteurs et la compétitivité de ses prix. Il doit cependant continuer à se réinventer et à se moderniser, pour faire face à la concurrence internationale et aux exigences des touristes, de plus en plus soucieux de la qualité, de la sécurité et de la responsabilité sociale et environnementale de leurs voyages.